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blant un Concile, et que de fait cette assemblée ne peut avoir lieu dans aucun pays catholique, soit par la volonté des princes, soit par celle du Pape même.

« Quand je vous ai mandé de déclarer au Pape que les ministres du Roi se retireraient, vous sentez que cette menace est comminatoire, et qu'elle doit vous servir pour que le Pape vous prie de rester, et pour qu'il vous engage à écrire au Roi pour rester, et à vous faire valoir auprès de Sa Sainteté. Je finirai l'histoire des Jésuites en mettant sous vos yeux un tableau qui, je crois, vous frappera. Je ne sais s'il a été bien fait de. renvoyer les Jésuites de France et d'Espagne; ils sont renvoyés de tous les États de la maison de Bourbon. Je crois qu'il a été encore plus mal fait, ces moines renvoyés, de faire à Rome une démarche d'éclat pour la suppression de l'Ordre et d'avertir l'Europe de cette démarche. Elle est faite; il se trouve que les Rois de France, d'Espagne et de Naples sont en guerre ouverte contre les Jésuites et leurs partisans. Seront-ils supprimés, ne le seront-ils pas? Les rois l'emporteront-ils? Les Jésuites auront-ils la victoire? Voilà la question qui agite les cabinets et qui est la source des intrigues, des tracasseries, des embarras de toutes les cours catholiques. En vérité, l'on ne peut pas voir ce tableau de sang-froid sans en sentir l'indécence; et, si j'étais ambassadeur à Rome, je serais honteux de voir le P. Ricci l'antagoniste de mon maître. >>

Le Général des Jésuites, né à Florence, avait peutêtre droit de se mettre en opposition avec un prince étranger qui, après avoir banni les Jésuites de son royaume, conspirait pour les faire proscrire des États pontificaux; mais, à coup sûr, Ricci n'aurait jamais insulté le fils et l'héritier de son souverain. Choiseul n'avait pas craint d'outrager dans ses vertus le Dauphin (1), (4) On lit dans l'Histoire de France pendant le dix-huitième siècle, t. IV,

que la France pleurait encore, lorsque cet homme d'État adressait à Bernis l'inconcevable lettre dont nous venons de citer deux fragments.

Cette dépêche troublait la quiétude de Clément XIV, elle inquiétait Bernis. Elle lui laissait entrevoir la possibilité d'abandonner son ambassade de Rome, où il s'arrangeait une vie de faste, de plaisirs décents et de bienfaisance artistique. Le Cardinal n'hésita plus. Louis XV sollicitait un ajournement à la haine toujours active de Charles III, il l'obtint; mais Bernis, Azpuru, Orsini et les quelques Cardinaux ou Prélats marchant sous leur bannière comprirent que les efforts seraient toujours stériles auprès du Pape tant qu'ils ne l'auraient pas entraîné au-delà de ses intentions les plus secrètes. Il fallait le prendre par ses idées de justice. On fit surgir procès sur procès contre les Jésuites; on les attaqua en détail afin de les perdre dans l'esprit du Pontife qui devait les juger. Clément XIV voyait enfin que sa mansuétude n'était pour lui qu'une décevante illusion, et qu'elle l'exposait aux reproches des Cours. Bernis le consolait dans ses amertumes; il avait de douces paroles à verser

p. 54, par Lacretelle : « Pendant les débats sur les Jésuites, il (le Dauphin) ne tenta qu'un effort en leur faveur. Il fit remettre au Roi un mémoire qui exprimait les plus vifs griefs contre le duc de Choiseul, et révélait ou supposait ses intrigues avec quelques chefs du Parlement pour opérer la dissolution de cette Société. Le roi en parut frappé et fit pendant quelques jours un accueil sévère à son ministre. Mais celui-ci fut bientôt instruit par la marquise de Pompadour des moyens qu'avaient employés contre lui ses ennemis. Il osa se plaindre avec emportement du Dauphîn et de ses conseilJers; il vint trouver ce prince pour lui démontrer la fausseté des dénonciations dont il s'était rendu l'organe, et lui porta le défi de la haine en lui adressant ces paroles : « Je puis être condamné au malheur d'être votre « sujet, mais je ne serai jamais votre serviteur. »

Après une telle insolence, il est difficile de s'expliquer l'étrange passage de la lettre où Choiseul déclaré qu'il serait honteux de voir le P. Ricci l'antagoniste de son maître.

sur ce cœur ulcéré. Il le conduisait à l'abîme en essayant de couvrir de fleurs le chemin qui y aboutissait. Tandis que Pombal et Choiseul, d'un côté, Monino, Roda, Grimaldi et le duc d'Albe, de l'autre, ne cessaient de presser l'extinction de la Compagnie, l'ambassadeur de France, qui peut-être ne cherchait que des expédients pour la retarder, engagea le Pape dans une démarche qui allait l'accélérer. Charles III avait dénoncé au cabinet de Versailles les lenteurs du Cardinal diplomate. Il accusait sa bonne foi, il exigeait son rappel, il menaçait Rome. Bernis ne trouva qu'un moyen de conjurer cet orage: il supplia le Souverain Pontife d'écrire au roi d'Espagne. Clément XIV, harcelé, vaincu par tant d'obsessions et espérant y échapper encore, se résigne à demander du temps pour opérer la suppression de l'Institut; mais, en la reconnaissant indispensable, il ajoute que « les membres de cette Compagnie avaient mérité leur ruine par l'inquiétude de leur esprit et l'audace de leurs menées. >>

Le 29 avril 1770 le cardinal de Bernis se glorifie du coup de maître qu'il a exécuté. Pour rentrer en grâce auprès de Choiseul et des Philosophes, il dit : « La question n'est pas de savoir si le Pape ne désirerait pas d'éviter la suppression des Jésuites, mais si, d'après les promesses formelles qu'il a faites par écrit au roi d'Espagne, Sa Sainteté peut se dispenser de les exécuter. Cette lettre que je lui ai fait écrire au Roi catholique le lie d'une manière si forte que, à moins que la cour d'Espagne ne changeât de sentiment, le Pape est forcé malgré lui d'achever l'ouvrage. Il n'y a que sur le temps qu'il puisse gagner quelque chose; mais les retardements sont eux-mêmes limités. Sa Sainteté est trop éclairée pour ne pas sentir que, si le roi d'Espagne faisait imprimer la lettre qu'elle lui a écrite, elle serait désho norée si elle refusait de tenir sa parole et de supprimer une Société de la destruction de laquelle elle a promis

de communiquer le plan, et dont elle regarde les membres comme dangereux, inquiets et brouillons.. >>

Clément XIV était lié. Avec son caractère qui fuyait le bruit et qui se serait si heureusement contenté d'une digne oisiveté sur le trône, on savait qu'un peu plus tôt ou qu'un peu plus tard on le contraindrait à tenir cet engagement solennel. Mais cette certitude ne suffisait plus à l'activité des Ministres espagnols. Ombrageux et tenaces, toujours en défiance des autres et d'eux-mêmes, ils se faisaient un point d'honneur et un titre de gloire de ne pas laisser un débris survivant à l'édifice de la Compagnie de Jésus qu'ils avaient abattu. Don Manuel de Roda reprend la plume, et il pousse Azpuru dans la voie que Charles III veut qu'il suive à Rome. Ce prince a écrit à Clément XIV pour presser la destruction des Jésuites. Sa lettre est pleine dé menaces et d'amertume. Ganganelli supplie Azpuru de la tenir secrète; le 15 janvier 1770, Roda lui mande : « Quant à ce que vous m'écrivez sur l'obligation qui vous a été faite, malgré la prière que vous adressait le Pape de ne point montrer aux autres Ministres la lettre de Sa Majesté; et quant au profond chagrin qu'en a éprouvé Sa Sainteté, je réponds: A votre place, j'aurais gardé le silence. Mais il paraît que vous en avez écrit au Père Confesseur; ce dernier l'a révélé au Roi, et Sa Majesté a fait éclater une très vive indignation, non contre vous, mais contre le Pape. »

A la même date le P. d'Osma, qui a le secret de Charles III, écrit du Pardo à Nicolas d'Azara : « Votre lettre fait que les gens d'ici se cassent la tête sans frapper sur le clou. Laissons-les dire puisqu'ils nous laissent faire, et ce sera une très bonne chose si vous dites vousmême ce que disent les autres. >>

La Cour de Rome, ordinairement si habile à dénouer les fils d'une intrigue diplomatique, ne savait que répondre à ce feu croisé de correspondances et de manœu

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vres. Clément XIV se désolait, ou passait subitement à des mouvements de joie inexplicable. Pallavicini, son secrétaire d'État, ne se mêlait d'affaires que le moins. possible. Il ne savait que ce qu'on voulait lui faire savoir; il ne voyait que les salariés des Ministres étrangers; et, ancien Nonce à Madrid, il se croyait tenu par la reconnaissance à servir la cause de Charles III. Le Père commun des fidèles ne recevait que sur présentation des Ambassadeurs. Pour être admis à son audience, il fallait donc se laisser marquer de l'estampille diplomatique, être ennemi de la Compagnie de Jésus, tout au moins impie ou athée. Bernis avait beau protester de son zèle contre les enfants de saint Ignace; ce zèle n'était pas assez couronné de succès pour endormir les soupçons. du Roi d'Espagne et des Ministres; et, le 24 avril 1770, Roda s'explique en ces termes :

«Nos affaires à Rome, écrit-il d'Aranjuez à Azara, sont pour moi un mystère. Voilà presque un an qu'on parle de la destruction des Jésuites; on la donne même comme certaine ; mais nous n'en avons vu ici ni le plan ni le dessein qu'on avait promis de nous envoyer, afin que l'on sût s'il serait agréé par les Monarques. La Cour de Vienne a déclaré ne pas s'opposer à la suppression ; elle y souscrit même avec plaisir. Il paraît toutefois qu'on ignore cela à la Secrétairerie d'État de Rome. Je sais de source certaine que Choiseul est fort irrité contre Bernis et contre les procédés du Saint-Siége, persuadé qu'il est que tous veulent nous jouer. Le duc de Choiseul a écrit à l'Ambassadeur de France à Madrid une lettre fulminante dont celui-ci a fait usage en disant que Choiseul avait raison. Avec tout cela les Ministres de notre Cour s'en tiennent toujours aux belles paroles et aux promesses flatteuses. >>>

Chaque année, le Jeudi saint, les Souverains Pontifes promulguaient dans la Basilique de Saint-Pierre la fa

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