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dont le Pape s'occupe sont en grand nombre. Ce que je voudrais, c'est que les nôtres avançassent un peu.»>

A peu de semaines d'intervalle Roda gronde; il s'irrite, et le 31 octobre il s'exprime en ces termes à son confident diplomatique de Rome : « Vous êtes heureux en vérité de rester simple spectateur, de n'avoir pas de rôle dans cette comédie qui, par la force même des choses, devra se terminer en tragédie. La France, qui jusqu'à ce jour a consenti à toutes nos résolutions et a approuvé nos condescendances, commence à s'éloigner de nous, bien persuadée que nous sommes joués, que Rome ne veut autre chose que mener à bon terme ses propres affaires, et le Pape celles de son école, de son ordre, en négligeant, en sacrifiant même nos intérêts communs.

<< Les Jésuites profitent de l'occasion, et travaillent sur tous les terrains par eux-mêmes, ou par leurs émissaires. Ils connaissent mieux le Pape et ses ministres que nous; ils feront en sorte que le Pape n'ait pas la liberté d'agir, ou du moins feigne de ne pas l'avoir, sans s'exposer à un schisme.

<< Si mon sentiment prévalait, on aurait déjà coupé court à toute négociation avec Rome, on aurait mis la main à l'œuvre qui nous importe tant, sans faire aucun cas du Pape. Avant de demander, faisons-nous prier plutôt, et qu'ils viennent nous chercher eux-mêmes. »

Le schisme était en germe dans ces paroles ministé→ rielles. A Rome, ainsi que le dit don Manuel, les ambassadeurs et les Cardinaux du parti des Couronnes avaient établi une Babel: c'était un prodige de confusion, et le 5 décembre, il traduit ainsi sa pensée à Nicolas d'Azara. «Vous voilà spectateur en face de ce théâtre où sont représentées les farces les plus ridicules. Regardez et riez, prenez pitié des acteurs qui finiront par se faire siffler. »

Étudiée au point de vue de la diplomatie prenant ses

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ébats dans ses correspondances intimes, c'est une déplorable chose que l'histoire. Mais afin que les enseignements ne soient perdus ni pour Rome ni pour le monde catholique, nous ne devons rien omettre de ce langage qui s'est peut-être plus d'une fois renouvelé.

Clément XIV avait voulu, à son avénement au trône, renouer des relations diplomatiques avec la Cour de Portugal. Carvalho, marquis de Pombal, fut aussi dur, aussi insultant que les ministres de France et d'Espagne. Le 26 décembre 1769, Roda raconte comment Pombal accueillit la demande du Pontife, et quelles furent les conditions faites: « Sur ce qui regarde la nomination de Monseigneur Conti comme Nonce en Portugal, l'Ambassadeur m'a dit qu'il ne croit pas que ce soit une conséquence que les différends se soient arrangés entre cette Cour et celle de Rome, ni que Carvalho se désiste pour cela de ses engagements. Almada, dès les premières audiences qu'il eut de Sa Sainteté, écrivit que le Pape désirerait avoir un Nonce à Lisbonne ; que Carvalho-répondit: Le Portugal ayant son ministre à Rome, il était juste que le Pape eût le sien à Lisbonne; que, sur cette réponse, le Pape envoya la liste dans laquelle il proposait Conti en premier lieu, croyant qu'il serait bien accueilli à raison de son antijésuitisme, et que la réponse faite au Pape fut: Que Sa Sainteté envoie ici celui qui lui plaira davantage; qu'à peine cette réponse parvenue à Rome, on publia l'élection de Conti; qu'il va partir. pour le Portugal, où il remplira les fonctions de Ministre du Pape, sera traité avec de grands égards, et agira de parfait accord avec le chargé d'affaires de Paris; mais que tant que la Compagnie de Jésus ne sera pas détruite, affaire la plus importante de toutes, on laissera les autres de côté. »

Ainsi le salut des âmes, les besoins de l'Église, l'honneur du Pontificat suprême, tout doit passer après la

suppression des Jésuites. C'est le delenda Carthago de ces Catons de contrebande qui essayaient leurs armes sur l'Institut de Loyola, afin de les diriger plus sûrement contre la Papauté. Ils ne détestaient que le Jésuite, ils ne voulaient frapper que lui; mais, dans le secret de leurs rêves, le disciple de saint Ignace n'était qu'un moyen. Lorsqu'en 1767, Roda pousse son cri de : guerre aux Jésuites! et qu'il triomphe de l'opération césaréenne faite à la Compagnie, on l'entend dans le post-scriptum d'une lettre au duc de Choiseul, son ami, s'écrier, le 17 avril : « Succès complet. L'opération n'a rien laissé à désirer. Nous avons tué l'enfant; il ne nous reste plus qu'à en faire autant à la mère, notre sainte Église ro

maine. »

Ecrasez l'infâme ! tel était le mot d'ordre que, dans les accès impies de sa verve bouffonne, Voltaire donnait à ses adeptes. Ce cri de ralliement retentissait au-delà des Pyrénées. Don Manuel de Roda, ministre du Roi catholique, le renvoyait en écho au duc de Choiseul, ministre du Roi très chrétien, et la Compagnie de Jésus voyait tomber sur elle les coups qu'on dirigeait contre la Religion. Les Pères de l'Institut, proscrits de tous les royaumes gouvernés par des princes de la maison de Bourbon, s'étaient retirés dans le comtat Venaissin. La France les en chassa par les armes. Les Jésuites espagnols, errant sur les mers, trouvaient un refuge en Corse; le duc de Choiseul s'empara de cette île, et il en expulsa ces exilés. Ils ne jouissaient de quelque repos qu'à Rome; Ganganelli à son tour va leur prouver que la ville éternelle n'est pas toujours un lieu d'asile. Ils s'étaient épuisés au service de l'Église, et un Pape leur refusait la sécurité. Lassis non dabatur requies.

A peine Clément XIV fut-il élu, que Bernis succéda au marquis d'Aubeterre. Ambassadeur de France près le Saint-Siége, et fier de la gratitude officielle que lui té

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