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Ce candidat était introuvable. Les uns voulaient un honnête homme pour Pape, les autres, en plus petit nombre, cherchaient à introniser sur la Chaire de Pierre la faiblesse ou la vénalité. Le 8 mai après midi, Bernis rend compte à d'Aubeterre de ses tentatives.

« L'intrigue d'hier au soir, Monsieur l'ambassadeur, paraît avoir été le dernier effort de la faction contraire, qui a voulu nous arracher une exclusion, en ébranlant une partie de nos Napolitains (gens très suspects), et nous faire craindre une inclusive forcée. Je pris le parti de parler si fort hier au soir de la sortie des ministres de Rome et du renouvellement de la déclaration déjà faite, il y a huit jours, dont on prétendait cause d'ignorance, parceque Cavalchini ni Lante n'en avaient point ou peu parlé, que la peur a pris à nos adversaires. Fantuzzi n'a eu que peu de voix au scrutin. Nous avons renouvelé la déclaration tous ensemble à Jean-François Albani, qui fait l'office de sous-doyen, et qui nous a répondu comme un ange, et en même temps très positivement. Fantuzzi est tombé, je crois, pour la dernière fois; et l'on travaille sérieusement pour Pozzobonelli, qui me fait actuellement quatre fois par jour de fausses confidences. Colonna, Paracciani, Spinola, De Rossi peut-être, vont être mis sur les rangs. Il est certain que Fantuzzi réunissait tout le monde. Il a renoncé en homme sage; et cette renonciation a augmenté son mérite aux yeux de ses partisans. Peut-être, et je vous prie de vous en souvenir, que nous aurons à nous repentir de l'avoir détrôné, comme il est arrivé à l'occasion de Cavalchini. Tout ce que je puis vous dire, c'est que dans la liste de ceux qu'on peut choisir, il y a des Jésuites aussi Jésuites que j'en connaisse; et que, pour trouver ici de vrais ennemis de cette Société, il faudrait être Dieu et lire dans les cœurs. Nous allons rentrer dans le silence, cultiver nos créatures, en augmenter s'il se peut

le nombre. Elles sont toutes prévenues, avant d'engager leurs voix, de nous demander s'il n'y a point de difficultés sur les sujets proposés. Par où cela finira-t-il ? Je n'en sais rien: car il n'y a de vrai homme d'esprit ici qui entende et qui saisisse que Jean-François Albani, et il est contre nous. »

Quatre ministres des Cours pesaient donc sur le Conclave de tout le poids de leurs menées. Les Cardinaux portaient leurs suffrages sur Fantuzzi, qui, selon Bernis, réunissait tout le monde; Fantuzzi succombe parceque sa probité était incontestable. Les autres échouent comme lui; mais, dans les conditions données, il devenait impossible aux Couronnes d'en évoquer un qui fût papable. Bernis s'irrite des obstacles, et il en arrive à déclarer que si satisfaction n'est pas accordée aux Rois de France, d'Espagne et de Naples, un schisme éclatera en Europe. A ce mot d'Aubeterre, dont Azpuru guide la main, saisit sa plume et, le 10 mai, il répond à Bernis : << Votre Éminence a posé deux principes fondamentaux dont il ne faut plus sortir. Savoir de ne parler que quand nous le jugerons à propos, et que toute élection faite sans le concert des Puissances ne sera pas reconnue. »

Là tendaient les vœux secrets des Sophistes; mais quoique leurs œuvres immorales ou littéraires eussent gangrené une partie de la noblesse de France et d'Allemagne, tout porte à croire qu'une séparation avec l'Église catholique, apostolique, romaine n'eût pas été acceptée par les peuples. La menace fut faite cependant : elle resta inutile. Alors le Cardinal change de batterie; et c'est encore un outrage qu'il adresse à la Cour de Rome sous le pli diplomatique. Bernis parle à d'Aubeterre des Cardinaux espagnols; puis il ajoute, le 11 mai: « Comme ils ne font que d'arriver, ils ne sont pas pressés d'en finir. D'ailleurs la patience est la grande vertu de leur nation. Solis me fait toujours dire qu'il a

toute confiance en moi. Les Albani cultivent beaucoup les Espagnols. Leurs présents réussissent très bien. Il est certain que nous ne sommes pas magnifiques, et il faudrait au moins donner de temps en temps des dragées à ceux à qui on donne si souvent le fouet; mais ce n'est pas la manière de la France. »

Le 13 mai on flottait encore dans l'incertitude; car à ce moment même Bernis écrivait à d'Aubeterre : « Le pauvre cardinal Caracciolo a eu une scène de fanatique au sujet de Colonna, avec le cardinal d'York. Il avait déclaré auparavant au cardinal de Solis qu'en conscience il croyait devoir donner sa voix à Colonna, à moins que les Couronnes ne fussent contraires. Le cardinal Torregiani et le vieux Perelli l'échauffent. Je sais de plus qu'il est lié avec les Jésuites. Ce serait un bien mauvais Pape, quoique ce soit un bon et honnête garçon. »

Le lendemain, un billet du marquis d'Aubeterre à Bernis révèle dans un inqualifiable langage les discordes intestines dont le Conclave devenait le théâtre. Le cardinal Rezzonico avait déclaré publiquement que le marchandage des votes et la tyrannie des Couronnes était une insulte que le Sacré Collège ne supporterait pas longtemps. Il avait dit que, malgré le bon plaisir des Princes, sa conscience ne se prêterait jamais à leur honteux trafic. D'Aubeterre répond à Bernis: « Je vous avoue que le propos qu'a tenu Rezzonico à Votre Éminence et au cardinal de La Cerda est bien extraordinaire; quelque imbécile qu'il soit, je ne l'aurais pas cru aussi insolent. Il faut qu'il ait été tancé ces jours-ci par le Général des Jésuites. J'admire la modération de Votre Éminence; pour moi, je conviens que je n'en aurais pas eu autant, et je l'aurais traité comme un polisson qu'il est. >>

Ce jour-là même, 14 mai, Bernis ne partage pas les violences de l'Ambassadeur. Il se berce d'espoir, et il

écrit : « Malgré cela, nous acquérons des forces, et je crois que nous sortirons du Conclave sans avoir déchargé nos armes. Le grand point est de ne pas tomber malade; j'ai des chiffonnages; je ne dors pas bien; mais j'espère

m'en tirer. >>

Huit jours s'écoulent encore dans de pareils conflits; on touche enfin au dénouement de ce drame d'où la Religion et la probité sortent aussi blessées l'une que l'autre. Bernis avait renoncé à s'entendre avec Ganganelli; Solis a sur les principes du Cordelier des notions plus exactes. De concert avec le cardinal Malvezzi dans le Conclave et les Ambassadeurs de France et d'Espagne au dehors, l'Archevêque de Séville veut qu'on exige du candidat des Couronnes une promesse écrite de supprimer l'Ordre de Jésus. Cette promesse est la condition irrévocable des Puissances: Solis négocie mystérieusement avec Ganganelli: il en obtient un billet adressé au Roi d'Espagne. Dans ce billet, Ganganelli déclare « qu'il reconnaît au Souverain Pontife le droit de pouvoir éteindre en conscience la Compagnie de Jésus, en observant les règles canoniques, et qu'il est à souhaiter que le futur Pape fasse tous ses efforts pour accomplir le vœu des Couronnes. >>

Cet engagement n'est pas très explicite. Le droit invoqué n'a jamais été contesté, et, dans d'autres circonstances, Solis se serait bien gardé de l'accepter comme obligatoire. Mais il savait que le caractère de Ganganelli ne tiendrait pas à la lutte, et qu'une fois pris entre le double écueil de son honneur et de son repos, il n'hésiterait pas à seconder la violence des désirs de Charles III. En le menaçant de publier cet acte, on devait faire du Pape futur tout ce que l'on voudrait; cette oppression morale restait pour les trois puissances une garantie dont le texte même du billet n'était que l'occasion. D'ailleurs l'Italien, qui refusait d'aller au-delà par écrit, ne cachait pas à l'Espagnol ses plans ultérieurs. Il ouvrait

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