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pour les religieux et pour la hiérarchie ecclésiastique. La noblesse portugaise l'avait repoussé, il se déclara son ennemi, et lorsque le 31 juillet 1750 Jean V mourut laissant la couronne à don Joseph, son fils, Pombal comprit qu'un grand rôle lui était destiné. Ce prince, comme la plupart des monarques de son siècle, était soupçonneux, timide, faible, voluptueux, toujours prêt à accorder sa confiance au moins digne et au plus courtisan. Pour · arriver au ministère il fallait avoir l'approbation du P. Joseph Moreira, confesseur de l'infant devenu roi. Pombal avait préparé ses plans de longue main; à force d'artifices il s'était insinué dans l'amitié des Jésuites (1); il avait gagné leur estime par des dehors pieux, et le second de ses fils, encore enfant, était par lui revêtu de l'habit de la Compagnie. Ainsi que beaucoup de ses collègues, le P. Moreira ne croyait pas à l'hypocrisie. Le - zèle dont Pombal faisait parade l'éblouit; il ne vit que

(4) On lit à la page 25 de l'Histoire de la chute des Jésuites, par le comte Alexis de Saint-Priest, les lignes suivantes : « En poursuivant la Société, il (Pombal) n'accusait pas les Jésuites d'appartenir à un institut coupable ni de professer des maximes immorales et mauvaises; il leur reprochait seulement d'être restés moins fidèles que leurs devanciers aux principes de saint Ignace, et même il se faisait gloire d'être attaché au tiers-ordre de Jésus et d'en observer les pratiques. » L'historien de la Chute des Jésuites est comp'étement dans le vrai pour la première partie de sa proposition, il n'en est pas de même pour la seconde ; car si, par tiers-ordre de Jésus, il entend une congrégation, une affiliation quelconque dépendant de l'Institut de saint Ignace, M. de Saint-Priest est, comme tous ses devanciers, dans une erreur complète. Il-existait à Lisbonne un tiers-ordre et une église de Jésus ; mais l'église et le tiers-ordre appartenaient aux Franciscains, appelés les Pères du tiers-ordre de la pénitence. Un tiers-ordre de séculiers était établi dans cette église; Pombal en fut le chef ou le ministre; mais cette congrégation n'avait rien de commun avec les Jésuites; ils n'ont jamais eu de tiers‐ordre, de tertiaires pas plus en Portugal, en Espagne qu'ailleurs, C'est pour cela que tous les écrivains hostiles à la Compagnie en voient partout, et que les ministres d'Espagne, dans leurs correspondances secrètes ou officielles, chercheront à accréditer ce mensonge historique.

ses brillantes qualités. Sans vouloir sonder les vices de ce caractère et les duplicités de cette ambition, il tomba dans le piége que l'intrigue lui tendait. L'homme que Jean V avait toujours écarté du pouvoir se trouva tout à coup secrétaire d'état des affaires étrangères. Bientôt après il devint principal ministre, et, comme il aimait à se l'entendre dire, le Richelieu du Louis XIII portugais.

Il connaissait les ombrageuses susceptibilités de son souverain; il s'imagina qu'en se présentant lui-même en victime il capterait encore mieux ses bonnes grâces. Dans le mois d'août 1754, il fit signer au Roi un décret par lequel il était dit «qu'un ministre d'État pourrait bien être assassiné par le manégé de quelqu'un. » Un semblable attentat était assimilé au crime de lèse-majesté, et le sénateur Pédro Gonzalès Cordeïro, l'âme damnée de Pombal, fut chargé de faire des Informations continuelles et illimitées. Séjan, dans les plus beaux jours de sa tyrannie, n'avait jamais poussé si loin le mépris des hommes. L'arbitraire ne prenait plus la peine de se déguiser; Pombal avait couvert de prisons les bords du Tage; ceux qui lui étaient odieux ou suspects, prêtres ou gentilshommes, moines ou citadins, les remplirent. La délation était encouragée, il la tenait à sa solde; elle soupçonna, elle dénonça. Joseph I n'eut pas de peine à se persuader que, si la vie de Pombal était ainsi exposée, la sienne devait nécessairement courir des dangers encore plus certains; il trembla, et laissa passer sans contrôle les iniquités de son ministre. Ce dernier redoutait les contradicteurs; il craignait que d'autres bouches ne révélassent au Roi le mystère d'épouvante qui l'enveloppait. Quelques hommes dont la franchise lui paraissait trop expansive sont plongés dans les cachots; c'était un avis pour les autres, ils en profitèrent. Mais il sentait qu'il ne serait plus possible d'abuser les Jésuites: leur sage attitude, le crédit dont ils jouissaient à la

cour, chez les grands et dans le peuple devaient le perdre tôt ou tard. Pombal se détermina à prendre l'initiative: il était audacieux, et il n'avait en face de lui que des hommes timorés ; il agissait avant de réfléchir, son succès matériel était donc assuré. Cinq Pères de l'Institut se partageaient la confiance de la famille royale. Moreira dirigeait le Roi et la Reine, Oliveira instruisait les Infantes, Costa était le confesseur de don Pédro, frère de Joseph; Campo et Aranjues, ceux de don Antoine et de don Emmanuel, oncles du Roi.

L'éloignement des Jésuites ne pouvait pas s'obtenir de haute lutte; Pombal appela l'intrigue à son aide. Il fit entrer le soupçon dans l'âme du monarque; il·lui persuada que son frère voulait jouer en Portugal le rôle de tous les Pédro, qu'il se rendait populaire. dans cette intention, et que les Jésuites le secondaient. Il n'en fallait pas tant pour éveiller les inquiétudes de Joseph; Pombal avait mêlé le nom des Jésuites à celui de son frère, dont le Roi enviait la grâce chevaleresque : les Jésuites devinrent peu à peu un objet de défiance pour lui. Le ministre s'aperçut des progrès que cette idée faisait dans un esprit sur lequel il avait pleinement assuré son empire; il songea à tirer parti d'une première calomnie. Il nourrit le cœur de ce prince de tous les ouvrages contre la Société de Jésus, en lui recommandant le plus inviolable secret sur ces lectures: elles eurent l'attrait du fruit défendu. Il venait de risquer sur le Roi une expérience qui avait réussi; il la tenta sur le peuple. Il inonda le Portugal des œuvres qui, à diverses époques, avaient cherché à flétrir les Jésuites. Quand il jugea que ses artifices n'avait plus rien à redouter, il fit rejaillir sur les pères de l'Institut la persécution dont leurs amis étaient déjà victimes.

Deux Jésuites furent exilés : le P. Ballister, comme soupçonné d'avoir fait en chaire des allusions contre

une idée de Pombal; le P. Fonseca, parcequ'il avait donné un sage avis à des négociants portugais le consultant sur cette même idée. Le ministre avait besoin d'or, les confiscations ne l'enrichissaient pas assez vite; il créa une compagnie du Maranon, qui ruinait le commerce, et, sous peine de bannissement, il fallut admirer le monopole qu'il inventait. Fonseca fit comprendre aux marchands que cette mesure était déplorable. Les marchands adressent une requête au Roi; Pombal les proscrit ou les jette dans des cachots. Il parlait même déjà de frapper l'Ordre de Jésus, lorsque, le 1er novembre 1755, un tremblement de terre, auquel l'incendie joignit ses ravages, vint porter le deuil et la misère dans Lisbonne.

A cette ville si cruellement éprouvée, et où la mort plane avec la dévastation, des hommes de courage et de dévouement sont nécessaires. Pombal fut beau de calme, d'intrépidité et de prévoyance sur ce théâtre d'horreur. Les Jésuites, à ses côtés ou devant lui, se précipitèrent dans les ruines et au milieu des flammes pour disputer quelques victimes au trépas. Leurs sept maisons étaient renversées ou brûlées (1), le malheur des autres fut la seule calamité qui pût émouvoir leurs cœurs. Leur charité trouva des ressources pour offrir un asile à ces multitudes consternées, à cette foule de blessés que la faim tourmentait, que la douleur et l'effroi rendaient stupides. Ils les rassurèrent en priant avec elle, ils leur apprirent à avoir foi dans l'énergie religieuse; le P. Gå

(1) L'hôtel de Pombal avait été préservé dans le désastre général, et le roi fut tellement frappé de ce fait qu'il ne cessait de l'attribuer à une providence particulière. Le comte d'Obidos, célèbre par les saillies de son esprit, lui répondit un jour: « Oui, Sire, il est vrai que la maison de don Carvalho a été conservée, mais celles de la rue Suja ont eu le même bonheur.» Or la rue Suja, ou rue de Boue, à Lisbonne, était le réceptacle de toutes les prostituées. Au dire de Link, dans son Vovage en Portugal, le comte d'Obidos expia cette plaisanterie par plusieurs années de prison.

briel de Malagrida et le Frère Blaise furent pour tant d'infortunés une providence dont, sur les débris de Lisbonne, chacun bénissait le nom avec celui de Pombal..

Ces bénédictions du peuple remontèrent jusqu'au trône; don Joseph eut un mouvement de gratitude ou de repentir. Afin de récompenser les Jésuites, il rappela de l'exil Ballister et Fonseca; il voulut même qu'on rebâtît la maison professe aux frais de la couronne, et Malagrida prit assez d'ascendant sur cette nature léthargique pour la ramener à des sentiments pieux. Ce retour dérangeait les plans de Pombal, il faisait échouer ses rêves de grandeur. Un péril commun avait confondu dans une même pensée de zèle patriotique les Jésuites et le ministre; le péril n'existait plus, le ministre fit peur au Roi, et Malagrida fut banni. On ne pouvait encore frapper l'Ordre tout entier, Pombal se résigna à l'attaquer en détail. Pour le vaincre, il a besoin de lui chercher des crimes dans les deux hémisphères. Les Protestants et les Jansénistes fournissaient à l'Europe un contingent de forfaits, il leur offrit en échange ceux qu'il improviserait en Amérique. Pombal n'avait aucune liaison avec les Philosophes du dix-huitième siècle. Leurs idées d'affranchissement et de liberté inquiétaient son despotisme; et, en les jugeant sur leurs écrits, il accusait souvent ces hommes de vouloir briser les fers des peuples par le. raisonnement. C'était une erreur; mais, comme toutes celles qui se font jour, dans les caractères de cette trempe, elle devait être aussi tenace qu'irréfléchie. Pombal servait les Encyclopédistes français sans les estimer; eux devinrent ses auxiliaires tout en blâmant ce qu'il y avait de trop odieux dans son arbitraire réformateur. Le ministre portugais doutait de tout, excepté de la force brutale. Les Philosophes espéraient bien en arriver à ce point, la dernière raison du sophisme révolutionnaire; mais ils jugeaient que l'heure n'avait pas encore

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