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pline, le Pape instruisait à son tour le procès qui, en Portugal et en France, aboutit au même résultat par des motifs si différents. Du haut de la Chaire infaillible, il élevait la voix, et, s'adressant à l'univers catholique : « Nous.repoussons, disait-il, l'injure grave faite en même temps à l'Église et au Saint-Siége. Nous déclarons, de notre propre mouvement et science certaine, que l'Institut de la Compagnie de Jésus respire au plus haut degré la piété et la sainteté, bien qu'il se rencontre des hommes qui, après l'avoir défiguré par de méchantes interprétations, n'aient pas craint de la qualifier d'irreligieuse et d'impie, insultant ainsi de la manière la plus outrageante l'Église de Dieu, qu'ils accusent équivalemment de s'être trompée jusqu'à juger et déclarer solennellement pieux et agréable au Ciel ce qui en soi était irreligieux et impie. » (1)

(1) Par tout ce que nous avons établi sur pièces irréfragables, il est démontré que le Souverain Pontife, que la Reine, le Dauphin, Stanislas de Pologne, beau-père de Louis XV, et Louis XV lui-même désiraient conserver en France la Compagnie de Jésus. Elle avait pour appuis et pour avocats les évêques de l'Eglise gallicane, une minorité qui, dans chaque Parlement, balançait la majorité. Les Cours souveraines de Franche-Comté, d'Alsace, de Flandre et d'Artois, ainsi que la Lorraine, refusaient de se soumettre au vœu d'expulsión devenu un mot d'ordre; la plupart des Etats de province se montraient hostiles à la destruction; néanmoins un ministre de l'instruction publique n'a pas craint de regarder comme nulles ce's protestations. Dans son Exposé des motifs du projet de loi sur l'Instruction secondaire (séance de la Chambre des pairs, du 2 février 4844), M. Villemain s'est exprimé ainsi : « Lorsqu'en 1762, sous l'influence du ministre le plus courageux et le plus éclairé qui ait relevé la langueur de Louis XV, la Société de Jésus fut enfin dissoute, elle avait, dáns les diverses provinces du royaume, cent vingt-quatre Colléges, la plupart importants et riches. Aucune voix accréditée ne s'éleva pour la défendre. »

Nous ne prétendons pas faire de l'histoire avec des préjugés ou avec des convenances parlementaires; mais nous pensons que les déclarations du Pape, du Dauphin, de la minorité des Cours judiciaires, de l'unanimité de l'Episcopat français et des évêques catholiques suffisent pour former une

Les ci-devant soi-disant Jésuites, ainsi que le (Parlement les nommait, trouvaient un vengeur dans le Souverain Pontife, un appui dans tous les Évêques, des amis dans tous les Catholiques. L'édit du Roi les autorisait à vivre dans leur patrie. En 1767, les événements qui éclatèrent dans la Péninsule rejaillirent sur eux. Les Parlements prirent texte de la colère de Charles III d'Espagne et du coup d'État de son ministre don Pedro d'Aranda, pour annuler l'édit de Louis XV et pour proscrire du sol français les Pères, qui commençaient à se créer une nouvelle existence. « Cependant, raconte Sismondi (1), la persécution contre les Jésuites s'étendait de pays en pays avec une rapidité qu'on a peine à s'expliquer. Choiseul en faisait pour lui-même une affaire personnelle. Il s'attachait surtout à les faire chasser de tous les États de la maison de Bourbon, et il profita, dans ce but, de l'influence qu'il avait acquise sur Charles III. » Charles III régnait sur l'Espagne. Prince religieux et habile, intègre et éclairé, mais impétueux et tenace, il avait la plupart des qualités qui font le bonheur des peuples. Son caractère s'accordait parfaitement avec celui de ses sujets; comme eux, il poussait au plus haut degré l'esprit de famille et l'honneur du nom. A Naples, ainsi qu'à Madrid, Charles III s'était toujours montré dévoué à la Compagnie de Jésus. Lorsque le marquis de Pombal essaya de l'étouffer sous ses pamphlets et dans ses tortures, ce fut le roi d'Espagne qui, le premier, flétrit les calomnies officielles de la cour de Lisbonne. Cependant plus d'une atteinte avait été déjà portée à l'Institut. Au moment où, sous le règne de Ferdinand VI, le duc d'Albe et le général Walh renversèrent le ministère du marquis d'Ensenada, et firent triompher l'in

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voix accréditée, surtout quand cette voix sera mise en parallèle avec celle de madame de Pompadour, de Choiseul, et même de M. Villemain. (4) Hist, des Français, t. xxix, p, 369.

fluence britannique sur la politique française, on accusa le P. Ravago, confesseur du monarque, d'avoir cherché à faire soulever les Réductions du Paraguay et de l'Uruguay. S'il faut en croire la correspondance de sir Benjamin Keene, ambassadeur à Madrid (1), le duc d'Albe et Walh, dévoués à l'Angleterre, auraient, pour perdre Ravago, produit des lettres du Jésuite adressées à ses frères du Tucuman. Ces lettres venaient par l'intermédiaire de Pombal; le Roi n'en tint aucun compte; mais c'était un précédent. A l'occasion, l'on pouvait s'en servir pour exciter des méfiances.

Don Manuel de Roda avait exercé les fonctions d'ambassadeur d'Espagne près le Saint-Siége; il devait sa fortune aux Jésuites. Ce diplomate, qui affectait un certain puritanisme et qui, quoique Espagnol, dédaignait les titres de noblesse, était expert dans l'art de tromper. Il se disait dévoué à la Compagnie, et en secret il-tra-. mait, avec le prélat Marefoschi, secrétaire, de la Propagande, et le franciscain Joachim d'Eleta, confesseur du Roi, la ruine de l'Institut en Espagne. Quand Roda fut appelé à remplacer le cardinal Portocarrero dans le ministère de grâce et de justice, on crut à Rome qu'un nouvel ennemi allait naître à la Société de Jésus, et on ne s'abusait pas sur les intentions de Roda, car il répétait sans cesse aux impatients': « Le moment n'est pas venu; attendez que la vieille meure. » La vieille, c'était la reine-mère, Élisabeth de Farnèse, alors octogénaire.

Le duc de Choiseul avait conçu l'heureuse pensée de réunir, dans une communauté d'affections et d'intérêts, les diverses branches de la Maison de Bourbon. En 1761 il réalisa cette idée par le Pacte de famille. Afin de s'attirer les bonnes grâces de Charles III, Choiseul lui avait sacrifié une des prérogatives de la couronne. Les ambas

(1) L'Espagne sous les rois de la maison de Bourbon, par Coxe, t. iv.

sadeurs de France occupaient en Europe le premier rang après ceux de l'empereur d'Allemagne; le ministre de Louis XV sut décider le Roi à renoncer à ce privilége en faveur de l'Espagne. On prenait Charles III par son faible; mais, afin de l'amener à détruire l'Ordre de Jésus, il fallait autre chose à ce souverain qu'un droit d'égalité diplomatique. Sa foi était vive; il avait trop d'intelligente fermeté pour se laisser imposer la loi comme Joseph Ier et Louis XV. On renonça donc à agir sur lui par des moyens de coercition ou par des flatteries.

:

Un mouvement populaire éclata à Madrid le 26 mars 1766, à propos de certaines réformes dans le costume espagnol et dans la taxe des comestibles; réformes dont le marquis de Squillaci, Napolitain, devenu ministre, s'était fait le promoteur. Le Roi fut contraint de se retirer sur Aranjuez. L'irritation fermentait; elle pouvait offrir plus d'un danger, lorsque les Jésuites, tout puissants sur l'esprit du peuple, se jettent dans la mêlée et parviennent à apaiser le tumulte. Les Madrilégènes cédaient aux instances et aux menaces des Pères; ils voulurent, en se séparant, leur témoigner leur affection. De toutes parts le cri de Vivent les Jésuites! retentit dans la ville pacifiée. Charles III, humilié d'avoir pris la fuite, plus humilié peut-être encore de devoir la tranquillité de sa capitale à quelques prêtres, reparut dans la cité. Il y fut reçu avec joie, mais il avait autour de lui des hommes qui, affiliés à Choiseul et au parti philosophique, sentaient le besoin d'envenimer le fait. Le marquis de Squillaci était remplacé au ministère par le comte d'Aranda, et depuis longtemps le diplomate espagnol faisait cause commune avec les Encyclopédistes. D'Aranda, comme tous ceux qui furent appelés aux affaires dans cette période du dix-huitième siècle, possédait des talents. Son caractère, mélange de taciturne raideur et d'originalité, était porté à l'intrigue; mais il avait soif

de louanges, et les Encyclopédistes exaltaient son génię. « Enivré, dit Scholl, de l'encens que les philosophes français brûlaient sur son autel, il ne connaissait pas de plus grande gloire que d'être compté parmi les ennemis de la religion et des trônes. » Il marchait done sous la bannière de l'incrédulité. Les autres gouvernants, Grimaldi, Roda, Campomanès et Monino, créatures de Joachim d'Eleta, plus connu sous le nom de Joachim d'Osma, sa patrie, n'avaient rien à refuser au confesseur du Roi. Ils mettaient à son service l'énergie de leur caractère et de leur génie ambitieux. Le duc d'Albe, ancien ministre de Ferdinand VI, partageait ces idées; il s'était fait l'apôtre des innovations et l'excitateur de la haine contre les Jésuites (1). Le Portugal et la France venaient de les écraser; le duc d'Albe et d'Aranda n'osèrent pas rester en arrière.

Le prétexte de l'émeute de Madrid pour les capas et le sombrero avait produit l'effet que l'on devait en attendre; il inspirait au Roi des soupçons sur les Jésuites. Le Prince ne pouvait pas s'expliquer que là où la majesté souveraine avait été bravée, l'autorité morale des Jésuites eût su si facilement dompter la fougue populaire. On avait massacré ses gardes wallones et accepté l'intervention des Pères de l'Institut. Ce mystère, dont le contact des disciples de saint Ignace avec toutes les classes du peu

(4) Au moment de mourir, le duc d'Albe déposa entre les mains du Grand-Inquisiteur, Philippe Bertram, évêque de Salamanque, une déclaration portant qu'il était un des auteurs de l'émeute des Chapeaux ; qu'en 1766 il l'avait fomentée en haine des Jésuites, et pour la leur faire imputer. Il avouait aussi avoir composé en grande partie la lettre supposée du Général de l'Institut contre le roi d'Espagne. Il reconnaissait encore avoir inventé la fable de l'empereur Nicolas Ier, et être l'un des fabricateurs de la monnaie à l'effigie de ce faux monarque. Dans le Journal du protėstant Christophe de Murr (t. ix, p. 222), on lit que le duc d'Albe donna, en 1776, par écrit, la même déclaration à Charles III.

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