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virilité, tout en respectant la pureté de ses vues. Christophe de Beaumont avait compris que la guerre faite aux Jésuites devenait le signal de la ruine des mœurs et de l'Église. Il tenait tète à toutes les attaques : le 28 octobre 1763, il jeta dans la mêlée sa célèbre Instruction pastorale. L'Athanase français traduisit au tribunal de sa conscience de 'magistrat ecclésiastique ces juges séculiers qui, du haut de leurs siéges, espéraient forcer le pouvoir spirituel à n'être plus que le commissaire de police morale du pouvoir temporel. Il les confondit sur pièces, démentant leur œuvre par des faits, opposant la vérité écrite au mensonge parlé, et prouvant que· les Jésuites condamnés n'avaient été ni accusés ni jugés de bonne foi. A cette savante intrépidité, le Parlement ne connut plus de bornes. La modération de la forme n'affaiblissait point, dans la Pastorale, l'énergie du fond; le Parlement était vaincu par la raison, il répondit par l'arbitraire. Le 21 janvier 1764, le même bourreau qui lacérait et brûlait l'Émile de Jean-Jacques et, l'Encyclopédie lacéra et brûla l'œuvre du Pontife. Christophe de Beaumont fut cité à comparaître : il aurait comparu, il aurait été flétri par arrêt et glorifié par la justice, si le Roi n'eût trouvé un honteux palliatif : il exila de nouveau le premier pasteur du diocèse. L'Archevêque échappait aux vengeances du Parlement, elles retombérent sur la Compagnie de Jésus.

Il fut enjoint à tous les Pères d'abjurer leur Institut et de ratifier par serment les qualifications dont les arrêts précédemment rendus l'avaient chargé. Il ne restait plus aux disciples de saint Ignace qu'à opter entre le déshonneur et le bannissement, que, la douleur dans l'âme, le premier président Molé, plein de respect pour ses anciens maîtres, venait de prononcer. Le bannissement fut accepté. Les Parlements de Toulouse,, de Rouen et de Pau se joignirent seuls à cette mesure, et les Jésuites des

quatre ressorts subirent, sans se plaindre, l'exil et l'indigence auxquels on les condamnait loin de leur patrie. (1) Le Parlement et Choiseul se montrèrent inexorables: ils n'exceptèrent ni l'âge, ni les talents, ni les services, ni les infirmités; mais du moins ils ne furent pas cruels comme Pombal. La famille royale avait jusqu'alors maintenu au château de Versailles les Pères qui possédaient sa confiance et le savant Berthier, qui préparait l'éducation des enfants de France. L'anathème les atteignit : Louis XV n'osa' pas les disputer au Parlement. Le jour qu'ils prirent la route de l'exil, ils adressèrent au Roi la lettre suivante :

« Sire,

« Votre Parlement de Paris vient de rendre un arrêt qui ordonne que tous ceux qui composaient la Société des Jésuites, et qui se trouvent actuellement dans le ressort de cette Cour, prêteront le serment exigé.

«Quant au dernier article, Sire, lequel concerne la sûreté de votre personne sacrée, tous les Jésuites dispersés en votre royaume sont prêts à le signer, même de leur sang. Le seul soupçon qu'on semble former sur leurs sentiments à cet égard les remplit d'affliction, et il n'est point de témoignages, point d'assurances qu'ils ne voulussent donner au monde entier pour le convaincre qu'en matière d'obéissance, de fidélité, de soumission, de dévouement à votre personne sacrée, ils ont toujours tenu, ils tiennent et tiendront toujours les meilleurs principes; qu'ils se croiraient heureux de donner leur

(1) D'après les registres du Parlement de Paris, à la date du 9 mars 1764, il n'y eut que huit Frères coadjuteurs, douze jeunes régents déjà sortis de la Compagnie et cinq Profès qui se soumirent au serment exigé. Cérutti était de ce nombre. Auteur de l'Apologie des Jésuites, il se laissa enivrer par les éloges qu'on prodiguait à son talent et à sa jeunesse. C'est le seul Jésuite qui ait favorisé les idées révolutionnaires.

vie pour la conservation de Votre Majesté, pour la défense de son autorité et pour le maintien des droits de la couronne.

« Sur les autres articles contenus dans la formule du serment qu'exige votre Parlement de Paris, les Jésuites prennent la liberté de représenter très humblement et très respectueusement à Votre Majesté que leur conscience ne leur permet pas de s'y soumettre; que, si les vœux par lesquels ils s'étaient liés à Dieu, suivant la forme de l'Institut qu'ils avaient embrassé, se trouvent cassés et annulés par des arrêts rendus dans des tribunaux séculiers, ces mêmes vœux subsistent dans le for intérieur; qu'ainsi les Jésuites sont obligés devant Dieu de les remplir autant qu'il leur est possible; qu'en cet état ils ne peuvent, sans contrevenir au premier serment qu'ils ont prêté à la face des autels, en prêter un second, tel que celui qui est énoncé dans cette formule : «De ne point vivre désormais en commun ou séparément << sous l'empire de l'Institut et des Constitutions de la « Société se disant de Jésus, de n'entretenir aucune cor<< respondance avec le Général et les Supérieurs de ladite « ci-devant Société ou autres personnes par eux prépo« séęs, ni avec aucun membre d'icelle résidant en pays << étrangers. >>

« Un écrit plus long et plus détaillé que ne le peut être celui-ci mettrait sous les yeux de Votre Majesté tous les rapports et toutes les conséquences de ce serment; rapports et conséquences que l'honneur et la conscience ne permettent pas aux Jésuites d'admettre. S'ils étaient assez malheureux pour se lier par des obligations si contraires à leur état, ils encourraient la colère du Ciel, l'indignation des gens de bien, et Votre Majesté ne pourrait plus les regarder comme des sujets dignes de sa protection. « Ce considéré, Sire, Votre Majesté est très humblement et très respectueusement suppliée de mettre les

Jésuites de son royaume, ces hommes si fidèles et si infortunés, à couvert de toutes plus grandes poursuites de la part de votre Parlement de Paris et de tous les autres; ils ne cesseront d'adresser au Ciel les plus ferventes prières pour la conservation de Votre Majesté et pour la prospérité de son règne. »

A cette déclaration, que nous transcrivons sur l'original conservé à Rome, le Roi répondit : « Je sais que ce sont là leurs sentiments. » Cette phrase peignait la faiblesse et la justice innées au cœur du monarque; mais elle ne l'empêcha point de se prêter à la consommation de l'iniquité. Il fallait la faire sanctionner par le Roi; Choiseul le décida à signer l'édit statuant (1) « que la Société des Jésuites n'aura plus lieu dans son royaume, terres et seigneuries de son obéissance. » Le Dauphin avait protesté énergiquement contre cette mesure. (2) Sa protestation amena Louis XV à avoir un moment la conscience de son devoir. Le Dauphin censurait les incriminations dont regorgeaient les arrêts du Parlement; il critiquait surtout la sentence d'exil qui frappait les Jésuites. Dans l'édit royal, enregistré le 1er décembre

(1) Procédure contre l'Institut et les Constitutions des Jésuites, p. 326. (2) Le Dauphin ne survécut pas longtemps à la destruction des Jésuites. Choiseul et la secte philosophique redoutaient ses talents et sa fermeté ; une mort prématurée les en délivra. On les a accusés d'avoir hâté cette mort par le poison. Ce bruit n'a jamais été prouvé, et nous paraît invraisemblable. Le temps des crimes n'était pas encore venu. Les Encyclopé distes ne tuèrent pas ce jeune prince; ils se réjouirent de son trépaș, et Horace Walpole écrivait de Paris, au mois d'octobre 1765 : « Le Dauphin n'a plus infailliblement que peu de jours à vivre. La perspective de sa mort remplit les philosophes de la plus grande joie, parcequ'ils redoutaient ses efforts pour le rétablissement des Jésuites.» Il expira le 20 décembre 1765. « La mort du Dauphin, dit Lacretelle, Histoire de France pendant le dixhuitième siècle, t. iv, p. 64, fut pour le peuple un coup aussi accablant que si elle eût été imprévue. Pendant sa maladie on avait vu le même concours dans les églises. Au premier bruit de sa mort, on s'assembla, pour le pleurer, autour de la statue de Henri IV. »

1764, il ne fut fait aucune mention des considérants et du bannissement (1). Louis permettait même aux Jésuites de vivre en simples particuliers dans le Royaume. Cette clause restrictive alarma le Parlement, qui stipula qu'ils résideraient chacun dans le diocèse où il était né, sans pouvoir approcher de Paris, et que tous les six mois ils seraient obligés de se présenter aux magistrats chargés de leur surveillance.

Jusqu'à ce moment Clément XIII avait, par des brefs réitérés et par de tendres prières, cherché à relever le courage abattu de Louis XV: il avait parlé plutôt en père qu'en Pontife. Mais quand l'édit souverain qui sanctionnait la destruction des Jésuites en France lui fut connu, Clément XIII-pensa qu'il restait au successeur de Pierre un devoir solennel à remplir. Les Évêques de toutes les parties du monde le suppliaient de prendre en main la cause de l'Église et celle de la Compagnie de Jésus le Pape se rendit au vœu de la Catholicité; et, le 7 janvier 1765, il donna la bulle Apostolicum. Juge suprême en matière de Foi, en morale ainsi qu'en disci

:

(1) Il existe une lettre de Louis XV au duc de Choiseul, contenant les observations du Roi sur le préambule de l'édit. Louis XV fait de judicieuses remarques sur plusieurs points, et, tout en modifiant ce préambule, il termine ainsi :

«L'expulsion y est marquée trop gravement, toujours et irrévocable; mais ne sait-on pas que les plus forts édits ont été révoqués, quoiqu'avec toutes les clauses possibles?

« Je n'aime point cordialement les Jésuites, mais toutes les hérésies les ont toujours détestés; ce qui est leur triomphe. Je n'en dis pas plus. Pour la paix de mon royaume, si je les renvoie contre mon gré, du moins ne veux-je pas qu'on croie que j'ai adhéré à tout ce que les Parlements ont fait et dit contre eux.

« Je persiste dans mon sentiment, qu'en les chassant il faudrait casser tout ce que le Parlement a fait contre eux.

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«En me rendant à l'avis des autres pour la tranquillité de mon royaume, il faut changer ce que je propose, sans quoi je ne ferai rien, Je me tais, car je parlerais trop. »

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