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de leur empire. Pour ne pas être agités dans leur royale fainéantise, ils laissaient un à un briser entre leurs mains les ressorts de la puissance publique. Ils s'annihilaient pour le bien, ils n'évoquaient une somnolente énergie que pour consacrer lé mal.

Dans cet affaissement de la force sociale, dans cette décomposition du pouvoir que les Philosophes du dixhuitième siècle, nés d'une orgie de la Régence, firent accepter comme un progrès, les Jésuites furent désignés à toutes les colères. Il fallait leur passer sur le corps afin d'arriver au cœur de la vieille unité; on remua le ciel et la terre. Les incrédules eurent foi dans l'Église, les Gallicans condescendirent à proclamer l'infaillibilité du Pape, les extrêmes se rapprochèrent. Il y eut une ligue de toutes les vanités, de tous les rêves, de toutes les erreurs et de tous les préjugés. On y énrôla les ministres des rois ainsi que les ennemis des monarchies, les propagateurs de l'impiété et quelques prélats dont la capacité n'était pas au niveau des turbulentes vertus. Le Saint-Siége était entré dans la voie des concessions. Par amour de la paix, il se laissait dépouiller de ses droits, il sacrifiait son initiative à des besoins factices, i atermoyait avec les passions pour essayer de les calmer ou tout au moins de les diriger.

La Compagnie de Jésus avait signalé en Europe ces sources de désordres intellectuels; elle s'y était opposée, tantôt avec audace, tantôt avec modération; elle avait lutté contre les sectes séparées de la Communion catholique, elle luttait contre le Jansénisme fomentant la guerre civile au sein de l'Église. Un nouvel allié était né à ces éternels adversaires. Cet allié c'était le philosophisme, qui, marchant plus franchement à son but, s'attaquait à toutes les religions établies et se faisait une arme de leurs dissensions intérieures pour les traduire au tribunal de ses poètes érotiques ou de ses rhéteurs

ampoulés. Les nouveaux maîtres proclamaient l'indifférence et la vertu spéculative pour tout principe; ils s'arrangeaient un Dieu et un monde à leur guise, sans foi et sans culte; ils se plaçaient sur un terrain encore inexploré. Leur esprit frondeur prodiguait le sarcasme aux choses saintes. Ils envenimaient les querelles entre l'épiscopat français et les parlements, ils tournaient en ridicule les billets de confession et les refus de sacrements (1), grave question que Voltaire tua sous le feu

(1) Les difficultés qui surgissent dans les matières de foi ou de discipline ecclésiastique sont toujours sérieuses et compliquées; elles entraînent à leur suite des dangers, elles provoquent souvent des révolutions. L'affaire des billets de confession et des refus de sacrements avait une double origine; elle tenait au for intérieur et à la loi civile. La Bulle Unigenitus, sollicitée par l'Eglise de France, surtout par Fénelon, comme l'unique moyen de mettre un terme au Jansénisme, n'atteignit pas le but qu'elle se proposait. Louis XIV, le Régent et Louis XV, avec les parlements et la presque unanimité du clergé, eurent beau l'accepter, il se trouva quelques évêques et un certain nombre de réguliers et de séculiers qui se firent appelants. Nous avons dit à quel point les choses en étaient sous la régence de Philippe d'Orléans, on a vu la part que les Jésuites y prirent; il faut raconter en peu de mots l'origine des refus de sacrements. On l'attribua aux Jésuites; en étudiant les écrivains du Jansénisme, on est tout étonné d'apprendre que ce ne sont pas les Pères de la Compagnie qui inventèrent ces précautions et qui les poussèrent à l'abus.

En 1720, Baudry, lieutenant de police, fit comparaître devant lui environ trois cents Jansénistes, prêtres pour la plupart; un certain nombre furent exilés; Dorsanne, à la page 64 du tome 11 de son Journal, nomme l'auteur d'un pareil acte. « Cette procédure, dit-il, avait été imaginée par le P. de La Tour, général de l'Oratoire. » L'abbé, Couet, le confesseur du cardinal de Noailles, et l'un des agents les plus actifs de la secte, «voulant, raconte Dorsanne, faire entrer l'abbé Dubois dans ce genre de procédure, en avait dressé le projet et le lui avait envoyé. » Ainsi ce ne sont pas les Jésuites qui persécutent les Jansénistes, mais les Jansénistes mitigés qui les premiers poursuivent les Jansénistes exaltés. Le premier refus de sacrements, toujours au témoignage de Dorsanne, eut lieu en 1721. Le curé de Saint-Louis-en-l'Ile ne consentit point à administrer l'Oratorien Lelong, qui ne voulait pas rétracter son appel. Le second exemple de ce refus est

de ses moqueries. Les Philosophes du dix-huitième siècle tendaient à l'anéantissement des idées pieuses par toutes les routes possibles; ils en ouvraient de nouvelles à leur besoin de destruction. Le Catholicisme était la religion la plus immuable et la plus populaire; ce fut sur elle

signalé dans la ville d'Arles en 1722. L'abbé Boche, appelant, est sur le point de mourir ; le P. Savornin, de l'ordre de Saint-Dominique, refuse de l'absoudre; le prêtre qui l'administrat fut interdit par l'archevêque. Ces faits se multiplièrent; bientôt on demanda aux malades leurs billets de confession, pour savoir s'ils avaient été secourus par un prêtre orthodoxe. Même avec nos idées de tolérance, cette mesure sera légitime aux yeux de tout homme qui comprend assez largement la liberté pour laisser aux autres le droit qu'il s'accorde lui-même. Si on veut vivre et mourir catholique, il faut bien se soumettre aux prescriptions de l'Église catholique, qui ne nous contraint pas à accepter sa loi, mais qui nous repousse de son sein si nous n'avons pas voulu y rentrer. Cependant cette mesure des billets de confession eut des conséquences si funestes qu'on ne sait si on doit l'approuver ou la blâmer. Les Jansenistes se plaçaient dans une situation particulière et qu'aucun sectaire n'avait encore adoptée. Les Hérétiques, en se séparant du corps de l'Église, se glorifiaient de rompre sa communion et son unité, ils auraient rougi de participer à ses sacrements. Le Janséniste fut plus perfide: il osa être enfant de l'Église malgré elle, et il maintint son dire jusque dans les bras de la mort.

L'usage des billets de confession pour les malades est expressément établi dans les avis de saint Charles Borromée et dans l'un des conciles de Milan. L'assemblée du clergé de 1654 l'avait consacré ; le cardinal de Noailles en recommanda lui-même l'observation. Les Jésuites, dans cette circonstance, exécutèrent ce que l'épiscopat enjoignit. On a prétendu qu'ils avaient inspiré et poussé la mesure aussi loin que possible. Les preuves de cette accusation manquent partout. L'immixtion du Parlement dans ces affaires de conscience, qui ne sont pas du domaine de la police publique, rendit le mal incurable. Le Parlement prêta aux Jansénistes une imprudente protection, qui alla jusqu'au sacrilége. Il fit profaner les sacrements, il condamna les curés à administrer des hommes qui déclaraient persévérer dans l'erreur. Souvent il força les prêtres à porter le viatique entre des soldats que la force judiciaire requérait pour sanctionner ses coupables arrêts. De 1738 à 1750, ce scandale envahit la France; il fournit aux adversaires de la religion le droit d'outrage et de moquerie; la faiblesse du gouvernement fit le reste.

qu'ils concentrèrent leurs efforts. Dans cette levée de boucliers les Jésuites ne se déguisèrent pas que tant d'assauts habilement combinés devaient porter un coup funeste à leur Ordre; mais ils avaient à sauvegarder la foi des peuples. On les vit se jeter dans l'arène et, sans mesurer la force de leurs ennemis, combattre avec la parole et avec la plume. Ces savantes discussions, auxquelles le P. Berthier et les autres disciples de saint Ignace conviaient les novateurs, pouvaient entraver leur marche; elles les forçaient à démasquer avant le temps leurs secrètes batteries; elles éclairaient le gouvernement sur des projets dont il leur eût été opportun de nier encore l'existence. Le parlement, hostile aux Philosophes, proscrivait d'une main les ouvrages qu'il encourageait de l'autre. Il sévissait en corps contre les doctrines impies ou révolutionnaires, il y applaudissait individuellement; il laissait se détendre le frein modérateur des peuples. Pour peu qu'on fit une guerre sourde ou patente aux Jésuites, il accordait droit de passe à toutes les idées subversives. Engagés dans des luttes sans dignité et forts de l'appui que la magistrature leur offrait, les Jansénistes évoquaient chaque conflit sacerdotal à la barre de la Grand'-Chambre. Ils vivaient en opposition avec la loi catholique, ils voulaient mourir impénitents et absous par elle. Ils niaient son autorité souveraine, et par une dérision de la conscience ils l'appelaient à leurs derniers moments pour la braver et la compromettre.

Cette situation intolérable prêtait des armes à toutes les passions. La malignité publique fut tenue en éveil par le bruit que l'on sut faire des refus de sacrements. Les évêques, le clergé et les ordres religieux remplissaient un devoir. Dans son accomplissement il y eut peut-être des abus, des excès. Quelques prêtres poussèrent les précautions jusqu'à l'intolérance; les Jansénistes et les Philosophes s'attachèrent à montrer partout

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la main des Jésuites. Les Jésuites furent dévolus aux inimitiés; ils avaient, disait-on, provoqué la bulle Unigenitus, et c'était à cette constitution apostolique qu'il fallait faire remonter les désordres. On avait trouvé un levier pour battre incessamment en brèche les Pères de l'Institut, on l'employait à toute fin. Les Jansenistes.et les Parlementaires se coalisaient avec les Encyclopédistes pour miner la Société; les plus, ardents concevaient même déjà la pensée de la dissoudre. L'orage s'amoncelait à l'abri de tant d'intelligences et de tant de vœux opposés qui néanmoins se réunissaient dans une espérance commune; il éclata sur le point où personne n'aurait osé le signaler. Le Portugal fut le premier des royaumes catholiques qui entra en campagne.

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Il y avait à la cour de Lisbonne un ministre qui, pour éterniser son ascendant sur Joseph Ier, ne craignait pas de le tenir en tutelle et de remplir son imagination de fantastiques complots contre ses jours. Ge ministre se nommait Sébastien Carvalho, comte d'Oyeras, marquis de Pombal. Né en 1699, à Soure, d'une famille sans fortune, Pombal, car c'est sous ce titre qu'il est connu dans l'histoire, ne manquait ni d'énergie ni de talents administratifs. Souvent son énergie dégénérait en violence (1); plus souvent encore la vigueur de son esprit était obscurcie par des manœuvres hypocrites, par une avidité sans frein et par des colères jalouses qui, avec son caractère, devaient l'emporter dans des voies sanglantes. Orgueilleux, despote, vindicatif, cet homme, qui n'entreprenait le bien qu'à coups de hache, s'était pris en Allemagne et en Angleterre d'une haine profonde

(1) La violence et la cruauté étaient si bien enracinées dans la famille Carvalho qu'à Oyeras même il existait un legs pour la constater. Chaque dimanche, le curé devait, à la messe paroissiale, réciter trois fois le Pater noster avec les fidèles pour que le ciel les délivrât tous de la fureur des Carvalho.

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