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Le 8 octobre enfin, des lettres-patentes confirmèrent les priviléges de l'Université, tels que exemption d'impôt, faculté d'être jugé à Paris, même en matière civile, droit pour la Sorbonne d'exercer une juridiction sur le commerce de la librairie, etc. (1). Ce n'était ni la première ni la dernière fois que Turgot, ennemi déclaré des priviléges, était contraint de les respecter et de les consacrer même par une déclaration officielle.

(1) Jourdain, Hist. de l'Univ., 459-460.

CHAPITRE XIII

L'Assemblée du Clergé de 1775.

Le clergé formait avant 1789 un véritable État dans l'État. Il avait ses assemblées périodiques, ses agents attitrés, sa justice particulière. Il avait aussi une administration financière entièrement indépendante du contrôleur général et du gouvernement (1). Tous les dix ans l'assemblée générale du clergé se réunissait à Paris, et elle votait le don gratuit, le seul impôt que payât l'Église (*).

En 1775 devait avoir lieu le renouvellement du don gratuit. C'est le 3 juillet que les représentants des 16 provinces du clergé de France s'assemblèrent sous la présidence du vieux cardinal de La RocheAymon, archevêque de Reims, au couvent des Grands-Augustins. L'assemblée s'ouvrait ordinairement le 25 mai. Elle avait été retardée probablement par les fêtes du sacre.

Le 9 juillet l'archevêque de Rouen se rendit à Versailles à la tête d'une députation de l'assemblée pour haranguer le roi. Il fit allusion dans son discours à la guerre des farines et au retour des Parlements: << L'activité de votre prévoyance paternelle a répandu la confiance et vous épargne pour toujours, Sire, le soin de punir ou de Pardonner ces agitations inquiètes que le besoin même ne pourrait pas plus justifier aux yeux de la religion qu'à ceux de la politique. Par une de ces fatalités qui agitent quelquefois les empires, les lois avaient pris l'alarme jusque dans leur sanctuaire; bientôt V. M. les a rassurées, en préférant à la rigueur du pouvoir la douceur d'une autorité bienfaisante ("). »

Le 11, les commissaires du roi se rendirent à l'assemblée du clergé : on traitait de puissance à puissance. Ces commissaires étaient le duc de La Vrillière (encore en place à cette époque), Turgot, Feydeau de Marville, Ormesson père et Ormesson fils. Ils furent reçus à la porte du couvent par les agents du clergé. Ceux-ci les conduisirent

(1) Il ne s'agit ici que du clergé de France. Le clergé étranger ou des pays conquis (Artois, Flandre et Hainaut, Cambraisis, FrancheComte, Alsace, Lorraine et Trois Evèches, principauté d'Orange, Roussillon, Bresse, Bugey, etc.) avait une organisation à part. Il contribuait, comme la noblesse, aux impositions établies dans ces provinces: vingtième et capitation. Il les payait d'après des abon

nements séparés, convenus avec le Trésor.

(2) Il y avait encore, il est vrai, les impositions particulières à chaque diocèse, dont l'Etat ne benéficiait point, et les oblats ou droit payé à l'hôtel des Invalides, mais les abbayes participaient seules à cette contribution. Quant aux impôts indirects, il en est question plus loin.

(3) Proc.-verb. des assemb. du Clergé, in-folio.

à la porte de l'église qui communiquait du cloître au sanctuaire. Là ils furent reçus par les députés de l'assemblée, et enfin introduits dans le sanctuaire. Ils apportaient une lettre du roi, en réponse à la visite qui lui avait été faite deux jours auparavant. La Vrillière, en la remettant, prononça un discours. Il commentait en ces termes l'allusion faite par le clergé aux émeutes : « Dans les mouvements populaires qui se sont élevés autour de lui (du roi) et sous ses yeux, quelle égalité d'âme!... Tandis que par la force il pouvait réprimer ces mouvements séditieux, il a préféré la douceur, la persuasion, l'indulgence, et c'est à vous, Messieurs, c'est à des prélats citoyens, c'est à de fidèles pasteurs que le Père du peuple a recommandé ses enfants; c'est à vous qu'il a dit : Ramenez ces aveugles, qu'ont égarés des furieux; dispensez-moi d'être sévère, épargnez-moi la douleur de punir. » — Il rappelait, en outre, les cérémonies du sacre et parlait du serment qu'avait prêté le roi « d'honorer la religion et de protéger la foi » (1).

Le 13, les commissaires du roi revinrent à l'assemblée. Turgot, cette fois encore, se trouvait parmi eux. Ils apportaient une nouvelle lettre du roi, par laquelle il les chargeait d'expliquer « l'état de ses affaires >>> au clergé. La Vrillière conclut en demandant un don gratuit de 16 millions. C'était le chiffre le plus élevé que le clergé eût payé. Entre autres raisons qui pouvaient le justifier, La Vrillière avait invoqué un singulier argument, l'établissement de la liberté du commercé des grains. « La liberté du commerce, disait-il, a donné à la plus abondante des productions de la terre (au blé) une valeur qui augmente considérablement le revenu des propriétaires. » Et il faisait entendre que les propriétaires (le clergé était le plus grand propriétaire de France) pouvaient contribuer davantage aux charges de l'État. Le cardinal de La Roche-Aymon protesta du dévouement du clergé au roi. L'abbé de Vogüé, promoteur de l'assemblée, se lamenta sur la misère du clergé, mais déclara qu'il se sacrifierait une fois de plus à la patrie. On remarquait dans sa harangue ce passage tout à la louange de Turgot: « Quel heureux présage n'annonce pas un règne commencé sous de si heureux auspices! Déjà les fonds publics sont remontés à leur valeur originaire; le crédit national se ranime, fruits heureux d'une administration sage, constante dans ses principes et éclairée dans ses moyens. Des retranchements économiques dans la dépense vous annoncent que vos dons ne seront point détournés, et que le grand ouvrage de la libération générale ne sera plus désormais un projet stérile et sans effet. » L'archevêque d'Auch déplora l'augmentation des dettes du clergé. Depuis 1755, disait-il, il a emprunté 94,500,000 fr. Il doit actuellement 97 millions.

(1) Procès-verbal des assemblées du Clergé, in-folio.

Avec les 16 millions demandés, la dette ira à plus de 113 millions. Il voulait pourtant aussi qu'on votât le don gratuit. Le don gratuit fut donc voté.

Le 21 octobre, des lettres-patentes contre-signées par Turgot approuvèrent les délibérations de l'assemblée. Elles autorisèrent le clergé à se procurer les 16 millions du don gratuit par un emprunt à 4 0/0. Ce capital fut joint à celui que le clergé avait déjà emprunté pour de semblables contributions. Au fonds d'amortissement fixé à 600,000 fr., l'État consentit à ajouter 500,000 autres francs pris sur le Trésor, ce qui éleva ce fonds d'amortissement à 1,100,000 fr. Les 16 millions se trouvèrent ainsi réduits à 15 millions et demi. La somme des intérêts à payer n'était donc plus que de 620,000 fr. Si on y joint 600,000 fr. d'amortissement, et une somme plus considérable pour les frais de perception, on trouve que le clergé dépensait en dix ans 1,220,000 fr. pour le service de l'État, soit 122,000 fr. par an. Assurément ce n'est pas trop. On a calculé que, toutes choses égales d'ailleurs, il payait six fois moins d'impôts que la noblesse, qui elle-même en payait infiniment moins que le peuple. Cependant il possédait à lui seul le tiers environ des terres du royaume, et il percevait à son profit le plus lourd des impôts directs, la dime. Le clergé, dira-t-on, payait l'impôt indirect (') comme tout le monde. Sans doute. Mais on n'a pas assez remarqué qu'il y contribuait aussi dans une proportion beaucoup moindre que les autres habitants du royaume. En effet, chaque chef de famille paie l'impôt indirect à la fois pour la consommation des siens et pour la sienne, tandis que les ecclésiastiques, n'ayant point de famille, ne paient que pour eux. Dupont de Nemours n'a pas tort de considérer comme une des causes immédiates de la Révolution l'obstination du clergé à ne point prendre sa part des charges publiques.

Turgot plus que tout autre comprenait l'injustice d'un tel état de choses. Plus que tout autre aussi, en sa qualité de philosophe et de ministre suspect, il était contraint de ménager jusqu'à nouvel ordre la puissance et les exigences du clergé. Il apposa donc son nom au bas des lettres-patentes qui acceptaient le don gratuit de 16 millions. Mais on sait quel nouveau plan d'impositions il méditait et s'efforçait de faire agréer par le roi (2).

Il ne restait plus au clergé qu'à assurer le service des intérêts de l'emprunt contracté par lui pour l'acquittement du don gratuit. A cet effet, il s'imposait lui-même de décimes annuels payables par tous ses membres. L'assemblée générale répartissait cette contribution

(1) Il ne le payait qu'à son corps défendant. Dans son assemblée du 9 août, le clergé protesta contre les droits de franc-fief et de nouvel-acquêt, les dons gratuits des villes, les octrois, les contributions aux ouvrages

publics, les droits d'aides et gabelles, dont il se déclarait exempt, et il décida qu'il presenterait prochainement au roi des mémoires relatifs à ces divers objets.

(2) Euv. de T. Ed. Daire, II, 429.

totale entre les diocèses. Il y avait à Paris un receveur général du clergé; dans chacune des généralités ecclésiastiques, au nombre de dix-sept (1), un receveur provincial; dans chaque diocèse, un receveur diocésain. La répartition de l'impôt dans les diocèses était confiée aux bureaux ou chambres diocésaines. La connaissance des différends relatifs à la perception de l'impôt était attribuée à des chambres souveraines ecclésiastiques, au nombre de neuf. Dans l'intervalle des sessions des assemblées générales, les intérêts du clergé étaient représentés et défendus par des agents généraux siégeant à Paris.

Le même jour qu'il contre-signait les lettres-patentes (21 octobre), Turgot rédigea un arrêt qui avait pour objet de faciliter l'emprunt du clergé. Cet arrêt autorisait les gens de main-morte à placer en rentes sur le clergé les sommes qu'ils recevaient pour fondations, et il exemptait ces placements du droit d'amortissement (2).

Pour en finir avec les affaires financières du clergé, indiquons un autre arrêt rendu précédemment (le 10 septembre), qui prorogea le règlement d'une affaire compliquée et pendante depuis longtemps. Il s'agissait de savoir si les possesseurs de bénéfices ecclésiastiques relevant du domaine de la couronne ou des pays apanagés, devaient au roi et aux princes les droits féodaux connus sous le nom de foi et hommage, aveux et dénombrements. Les assemblées générales et les agents généraux du clergé ne cessaient de réclamer pour les bénéficiers l'exemption de ces droits ("). De leur côté, les officiers du domaine opposaient une fin de non-recevoir absolue aux réclamations du clergé, et les officiers des princes apanagés avaient même commencé des poursuites devant les tribunaux du royaume contre les bénéficiers, corps et communautés ecclésiastiques possédant des biens dans l'étendue des apanages et qui refusaient d'acquitter les droits. Turgot pensa que pour mettre un terme à ces contestations qui menaçaient de dégénérer en interminables procès, il était bon que le roi interposât son autorité et évoquât l'affaire. « Et voulant, dit-il au nom du roi dans le préambule de l'arrêt, concilier les intérêts du domaine et ceux des princes apanagés, avec la justice due à tous et la protection que S. M. accordera toujours au clergé de son royaume, à l'exemple des rois ses prédécesseurs, elle s'est déterminée à nommer des commissaires de son conseil qui seront spécialement chargés d'examiner les représentations et propositions que le clergé croira devoir lui faire. » Ces commissaires furent Moreau de Beaumont, Bouvard de Fourqueux,

(1) Les seize provinces ecclésiastiques du clergé de France etaient celles de Paris, Lyon, Rouen, Sens, Reims, Tours, Bourges, Albi, Bordeaux, Auch, Narbonne, Toulouse, Arles, Aix, Vienne, Embrun. Les dix-sept généralités financières de ce clergé avaient pour chefslieux Paris, Rouen, Caen, Nantes, Tours, Toulouse, Montpellier, Aix, Grenoble, Lyon,

Riom, Châlons. Amiens, Dijon. (Alm.roy.1775.) (2) Eur. de T. Ed. Daire, II, 429.

(3) A propos des poursuites commencées, dans l'apanage des frères du roi, contre les bénéficiers ecclésiastiques refusant d'acquitter ces droits, le clergé protesta longuement contre les droits mêmes, dans son assemblée du 2 septembre.

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