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tous les ans un certificat de vie, en bonne forme, faute de quoi il serait procédé dans les six mois à la divulgation de son secret (1).

Parmi les remèdes dont Turgot ordonna l'achat, nous pouvons citer le remède contre le ver solitaire, de la veuve Nouffer; il s'empressa de le faire publier. On prétendit que ce remède n'était pas nouveau, qu'il était renouvelé de Galien. On lit à ce sujet dans la Correspondance Métra : « On sait que le roi a acheté de Mme Nouffer de Morat, en Suisse, le remède qu'elle possédait pour guérir le tænia ou ver solitaire. Avant d'être acheté, il a été soumis à l'examen de la Faculté, et nos graves docteurs, qui sans doute lisent peu Galien, ont ignoré que ce remède se trouvait dans les écrits de ce médecin célèbre. Du moins est-il sûr que M. Van Swieten le cite en ces termes : « De Silicâ, dixit Galienus, radicem habet maxime utilem: >> latum enim lumbricum interficit, si quis cum quatuor drachmis in » melicrato ebibat, etc. (2). »

Il ne nous appartient ni de commenter Galien, ni de juger le témoignage de Van Swieten. Quoi qu'il en soit, le 3 août 1775, Turgot, informant Vergennes de l'acquisition qu'il venait de faire, lui apprenait que ce remède avait été examiné par plusieurs médecins et que les expériences avaient été concluantes. Il lui envoyait en même temps 200 brochures contenant une notice sur l'emploi de ce remède. « Je ne doute pas, ajoutait-il, que vous ne vous empressiez de le faire connaître, et j'espère qu'à cet effet vous voudrez bien en faire passer quelques exemplaires aux ambassadeurs et ministres du roi dans les cours étrangères ("). » Il ne suffisait pas à Turgot d'être utile à la France; il était animé d'un sentiment plus large encore que le patriotisme : l'amour de l'humanité.

Un mois auparavant il avait fait adresser aux intendants des exemplaires d'une instruction sur les signes qui permettent de reconnaître l'existence des maladies contagieuses chez les enfants au moment de leur naissance. Il les priait de distribuer cette instruction aux médecins des hôpitaux, afin d'obtenir leur avis sur ce grave et triste sujet (*).

Le 15 septembre 1775, des lettres-patentes autorisèrent la translation provisoire des écoles de la Faculté de médecine de Paris dans les bâtiments des anciennes écoles de la Faculté de droit. La démolition des locaux occupés par la Faculté de médecine (5) avait été ordonnée en effet, et n'avait pu être suspendue que jusqu'au 1er octobre suivant. Il fallait pourvoir d'urgence au transfèrement de cette Faculté. D'autre part, un arrêt du 6 novembre 1763, en autorisant la translation des

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 437; 12 av. 1776. (2) Corr. Métr., II, 176; 24 sept. 1775. (3) Arch. nat., F. 12, 152; 3 août 1775. 17 août, il adressa aux intendants une circu

Le

laire sur le même sujet. V. Pièc. just. no 69. (4) Pièc. just. no 70.

(5) Rue de la Bucherie. (Jourdain, Hist. de l'Université, 449.)

écoles de droit sur la place de la nouvelle église Sainte-Geneviève du Mont, avait stipulé qu'aussitôt l'installation de celles-ci dans leur nouvelle demeure (1) terminée, il serait procédé à la vente des terrains, cours et bâtiments qu'elles occupaient auparavant (*). Si cet arrêt recevait son exécution, l'ancien logement des écoles de droit n'était plus libre, et la Faculté de médecine ne pouvait point par conséquent y être transportée. Il fut dérogé à cet arrêt, et la Faculté de médecine, un instant menacée de rester sans asile, trouva, grâce à Turgot, un abri au moins provisoire ("). Tout semblait ordonné à souhait, en attendant mieux. Cette décision fit cependant des mécontents. L'arrêt de 1763 avait en effet réglé d'avance l'emploi de l'argent que devait produire la vente de l'ancienne école de droit. Cette somme devait être employée à payer les dettes contractées pour l'édification de la nouvelle école, et le surplus devait être consacré à la construction de l'église Sainte-Geneviève. On ne voit pas comment Turgot pourvut à ce double objet.

Vers la même date enfin se place l'édit qui établit un hospice dans les écoles de chirurgie de Paris. - L'enseignement de la chirurgie n'avait cessé de faire des progrès au xvme siècle. En 1724 avaient été instituées cinq places de professeurs au collège de chirurgie de Paris; leurs cours étaient gratuits. En 1748 on avait officiellement reconnu l'établissement de l'Académie royale de chirurgie. En 1768 la police et la discipline des écoles de chirurgie avaient été réglées, et des priviléges accordés aux chirurgiens de Paris et de la province. On avait décidé le transfert de l'Académie et des écoles de chirurgie dans un édifice plus vaste et plus convenable que leur ancien local, et en 1774 Louis XVI avait voulu poser la première pierre du monument (*). Turgot considérait avec raison la chirurgie comme l'un des arts les plus « nécessaires à la conservation de l'humanité », l'un des plus utiles à l'État, puisque en temps de guerre il arrache à la mort un grand nombre d'officiers et de soldats qui, faute de soins, demeureraient « victimes de leur bravoure ». Il s'efforça donc de contribuer pour sa part aux progrès de cet art salutaire. Il fonda dans les écoles de chirurgie une chaire de chimie chirurgicale. Il

(1) L'école de droit a été construite, on le sait, par Soufflot. L'installation dans les batiments actuels eut lieu le 24 novembre 1772. (Jourdain, Hist. de l'Université, 447.)

(2) Rue Saint-Jean-de-Latran. (Jourdain, Hist. de l'Université, 448.)

(3) Cet abri de la rue Saint-Jean-de-Latran était d'ailleurs fort délabré. La Faculte de médecine ne cessa de solliciter un établissement plus convenable. Elle ne fut écoutée qu'à la Révolution. (Jourdain, Hist. de l'Université, 449.)

(4) On lit dans les Mém. secr. de Bach., à la date du 15 déc. 1774: « Le roi est venu hier pour poser la première pierre des écoles de

chirurgie. Ce monument est presque fini, et doit faire honneur à son architecie le sieur Gondouin..., bien qu'il ait le défaut d'un peristyle immense, et manque de point de vue. Aussi veut-on abattre une partie de l'église des Cordeliers.» (VII, 285.) Ce local nouveau des écoles de chirurgie était situé sur l'emplacement du college de Bourgogne, rue des Cordeliers. Les batiments de cette école ont été affectés depuis à l'école de médecine. (Jourdain, Hist. de l'Université, 448.)

Voir aussi, pour tous ces details concernant la topographic du vieux Paris, Les quarantehuit Quartiers de Paris, de Girault de SaintFargeau.

créa près de ces écoles un hospice de six lits destinés à recevoir des malades indigents attaqués de maladies chirurgicales graves et extraordinaires. Il attribua une somme annuelle de 7,000 livres à l'entretien de l'hospice et au paiement du professeur. Confiant dans le zèle et la libre initiative des administrateurs et maîtres du collége, il s'en remit à eux « du meilleur emploi de ladite fondation, suivant les vues d'humanité qui l'avaient déterminé à l'établir » (1). Pendant ce temps la construction du local de l'école dirigée par Gondouin avançait rapidement. Dès que la grande salle fut achevée, les professeurs de chirurgie s'empressèrent d'en prendre possession solennellement : la cérémonie fut présidée par Lamartinière, premier chirurgien du roi; Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie, prononça le discours d'usage. Cet événement eut lieu, sous le ministère de Turgot, le 27 avril 1775 (*).

Ainsi le ministre contribuait de son mieux aux progrès des sciences, et il ne tint pas à lui que la médecine et la chirurgie n'eussent dès cette époque dans la ville de Paris un domicile véritablement digne d'elles et de la France. On ne saurait le rendre responsable non plus de la durée et des désastres de l'épizootie. S'il hésita tout d'abord à adopter les mesures énergiques qui finirent par en triompher, il ne recula pas un instant devant le labeur ingrat d'une lutte inégale contre la nature, contre l'ignorance et les préjugés des paysans, contre l'inertie des employés royaux, contre le mauvais vouloir des cours souveraines. Cette partie de son administration n'offre pas l'intérêt qui s'attache justement aux grands édits, tels que ceux de la liberté du commerce des grains, de la corvée, des jurandes, etc.; mais elle n'est pas la moins méritante, la moins glorieuse même au vrai sens du mot; elle tint une grande place en réalité dans la vie ministérielle de Turgot; on jugera sans doute qu'il n'était pas superflu de la mettre en lumière.

(1) Euv. de T. Ed. Daire, II, 468.

(2) Jourdain, Hist. de l'Université, 448.

CHAPITRE XIV

Fin de l'administration de Turgot.

Liberté du commerce des vins.

(Du 15 avril au 12 mai 1776.)

Avant de raconter les événements qui précédèrent ou amenèrent la chute de Turgot, nous avons à terminer le résumé chronologique des détails de son administration.

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Le 17 avril, il fixa par un arrêt l'interprétation d'une loi dont la rédaction incomplète donnait lieu à des abus. Un arrêt du 3 mai 1720, d'ailleurs excellent en principe, avait ordonné la plantation d'arbres sur les routes, et avait accordé aux seigneurs-voyers le droit de faire ces plantations d'office dans l'étendue de leurs seigneuries, si les propriétaires n'y avaient pas pourvu. Mais l'arrêt avait négligé d'indiquer le délai qui pouvait être accordé aux propriétaires pour ces utiles plantations. Aussi arrivait-il souvent que les seigneursvoyers s'empressaient de planter eux-mêmes les bords des chemins au fur et à mesure qu'ils étaient construits. Turgot décida qu'ils ne pourraient user de ce droit qu'au bout d'un an révolu, à compter du jour où les chemins auraient été entièrement tracés et les fossés ouverts (1).

Le 20 avril, un arrêt poursuivant l'application de l'édit qui avait aboli les jurandes, ordonna l'estimation des maisons appartenant aux corps et communautés supprimés (2).

Le 21, parut un arrêt concernant la fabrication des cartes à jouer. Si les ressources du Trésor l'eussent permis, Turgot aurait vraisemblablement supprimé ce monopole. Il fut obligé au contraire de le conserver et de le réglementer. La liberté générale du travail proclamée par l'édit qui supprimait les jurandes avait paru s'appliquer à la fabrication des cartes à jouer. Turgot dissipa cette erreur d'interprétation. Il déclara que l'État ne renonçait nullement aux droits sur les cartes, établis depuis 1581; que le produit de cet impôt servirait, comme par le passé, à doter l'École militaire; que la suppression des corporations était d'ailleurs provisoirement ajournée en province, et que par conséquent, en province au moins, rien n'était changé aux anciens règlements. En conséquence, l'État

(1) Euv. de T. Ed. Daire, Il, 467.

(2) Anc. l. fr., XXIII, 531.

prétendait rester le maître d'accorder l'autorisation de fabriquer des cartes à jouer, et un tableau accompagnant l'arrêt désignait les seules villes du royaume où cette fabrication était permise, sous la surveillance des bureaux de régie (1).

Le 23, Turgot transmit au comte de Vergennes, en l'appuyant vivement, une réclamation qui lui avait été adressée par des fabricants de Troyes. On percevait à Valence, en Espagne, sur les toiles de Laval blanchies à Troyes, des droits plus forts que ceux qui se percevaient soit à Laval, soit à Lyon; cette différence ne pouvait que nuire à la vente en Espagne. Turgot pria le ministre des affaires. étrangères de présenter à cet égard des observations à la cour d'Espagne (2).

Le 24, Turgot fixa par un arrêt un point resté en litige, au sujet d'une de ses décisions antérieures. On se rappelle que l'arrêt du 13 août 1775 avait soumis à vérification les prétentions de tous ceux qui percevaient des droits sur les grains, afin d'ordonner ensuite la liquidation de ceux de ces droits qui seraient reconnus valables (3). Or, il s'agissait de savoir si les offices de mesureurs royaux et les droits dépendant desdits offices étaient visés par l'arrêt. Turgot répondit par l'affirmative, et les mesureurs royaux durent comparaître, comme les autres officiers de ce genre, devant la commission dont Me Lambert, maître des requêtes, était le procureur général (*).

Par arrêt du 25, les droits sur les suifs furent réduits de nouveau, comme ils l'avaient été déjà précédemment (").

Vers la fin d'avril, le bruit courait que le gouvernement « projetait de rendre la liberté aux nègres ». Ce projet, s'il exista, ne pouvait être dû qu'à l'influence de Turgot, du ministre philanthrope dont l'ami, Condorcet, fonda plus tard une Société en faveur de l'abolition. de l'esclavage. Son collègue le ministre de la marine, Sartines, était au contraire attaché à toutes les traditions de l'ancien système colonial. Les directeurs du commerce de Guienne, émus à la nouvelle des intentions abolitionnistes du gouvernement, s'adressèrent à Sartines (): «Monseigneur, les négociants de cette place (Bordeaux) ont toujours eu trop de confiance en la justice du roy et en la sagesse de ses ministres, pour ajouter foi aux bruits qui se sont répandus... La lettre que Votre Grandeur nous fait l'honneur de nous écrire à ce sujet n'en est pas moins une preuve de l'attention particulière qu'elle daigne porter à ce qui peut intéresser le commerce. » Sartines, en effet, par une lettre en date du 1er avril, leur avait annoncé que le roi voulait bien leur accorder une gratification de quinze livres par tête de noir importé aux colonies. Cet encouragement ne leur parut

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 357.

(2) Voir Pièc. just. no 71.

(3) Voir liv. II, ch. xII, p. 289.

(4) Anc. 1. fr., XXIII, 533.
(5) Id. - Voir liv. III, ch. ш, p. 392.
(6) Le 20 avril.

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