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totale entre les diocèses. Il y avait à Paris un receveur général du clergé; dans chacune des généralités ecclésiastiques, au nombre de dix-sept (1), un receveur provincial; dans chaque diocèse, un receveur diocésain. La répartition de l'impôt dans les diocèses était confiée aux bureaux ou chambres diocésaines. La connaissance des différends relatifs à la perception de l'impôt était attribuée à des chambres souveraines ecclésiastiques, au nombre de neuf. Dans l'intervalle des sessions des assemblées générales, les intérêts du clergé étaient représentés et défendus par des agents généraux siégeant à Paris.

Le même jour qu'il contre-signait les lettres-patentes (21 octobre), Turgot rédigea un arrêt qui avait pour objet de faciliter l'emprunt du clergé. Cet arrêt autorisait les gens de main-morte à placer en rentes sur le clergé les sommes qu'ils recevaient pour fondations, et il exemptait ces placements du droit d'amortissement (2).

Pour en finir avec les affaires financières du clergé, indiquons un autre arrêt rendu précédemment (le 10 septembre), qui prorogea le ́règlement d'une affaire compliquée et pendante depuis longtemps. Il s'agissait de savoir si les possesseurs de bénéfices ecclésiastiques relevant du domaine de la couronne ou des pays apanagés, devaient au roi et aux princes les droits féodaux connus sous le nom de foi et hommage, aveux et dénombrements. Les assemblées générales et les agents généraux du clergé ne cessaient de réclamer pour les bénéficiers l'exemption de ces droits (). De leur côté, les officiers du domaine opposaient une fin de non-recevoir absolue aux réclamations du clergé, et les officiers des princes apanagés avaient même commencé des poursuites devant les tribunaux du royaume contre les bénéficiers, corps et communautés ecclésiastiques possédant des biens dans l'étendue des apanages et qui refusaient d'acquitter les droits. Turgot pensa que pour mettre un terme à ces contestations qui menaçaient de dégénérer en interminables procès, il était bon que le roi interposât son autorité et évoquât l'affaire. « Et voulant, dit-il au nom du roi dans le préambule de l'arrêt, concilier les intérêts du domaine et ceux des princes apanagés, avec la justice due à tous et la protection que S. M. accordera toujours au clergé de son royaume, à l'exemple des rois ses prédécesseurs, elle s'est déterminée à nommer des commissaires de son conseil qui seront spécialement chargés d'examiner les représentations et propositions que le clergé croira devoir lui faire. » Ces commissaires furent Moreau de Beaumont, Bouvard de Fourqueux,

(1) Les seize provinces ecclésiastiques du clergé de France etaient celles de Paris, Lyon, Rouen, Sens, Reims, Tours, Bourges, Albi, Bordeaux, Auch, Narbonne, Toulouse, Arles, Aix, Vienne, Embrun. Les dix-sept genéralités financières de ce clergé avaient pour chefslieux Paris, Rouen, Caen, Nantes, Tours, Toulouse, Montpellier, Aix, Grenoble, Lyon,

Riom, Châlons, Amiens, Dijon. (Alm.roy.1775. (2) Eur. de T. Ed. Daire, II, 429.

(3) A propos des poursuites commencees. dans l'apanage des frères du roi, contre les bénéficiers ecclésiastiques refusant d'acqui ter ces droits, le clergé protesta longuemen contre les droits mèmes, dans son assemblee du 2 septembre.

Dufour de Villeneuve et Taboureau, conseillers d'État, auxquels fut adjoint comme rapporteur Tholozan, maître des requêtes (1). Toutes les procédures commencées furent arrêtées, et il fut interdit d'en entamer d'autres. Enfin, un délai de cinq ans (*) (c'était le second), fut accordé aux bénéficiers, avec exemption provisoire de tous droits, afin de permettre à la commission « l'examen et la discussion des représentations et propositions du clergé » (3). On jugera que ce nouveau délai était suffisant et témoignait du sincère désir de Turgot de ménager le clergé (*).

Revenons aux délibérations de l'assemblée générale du clergé. Elle ne tarda pas à indiquer de quel esprit elle était animée, en s'occupant des moyens de sévir contre les écrits philosophiques. Elle décida qu'elle présenterait des remontrances au roi sur l'impunité dont jouissaient les livres impies ("). Un petit nombre de prélats étaient cependant tolérants et libéraux. On lisait, le 26, dans les Mémoires secrets de Bachaumont: «Il est grandement question de traiter, durant la présente assemblée du clergé, de la validité des mariages des protestants, et de faire une nouvelle loi à cet égard. Il est même dans le ministère des gens qui voudraient pousser les choses plus loin, et leur accorder une entière liberté de conscience. M. l'archevêque de Toulouse, qui n'est pas entaché des préjugés de son corps et qui est fort tolérant, travaille à ce projet, ainsi qu'à beaucoup d'autres. Mais on sait qu'il y a de fortes oppositions, et l'on doute fort qu'aucun point même d'adoucissement à cet égard ait lieu (6). » Et le 29 : « On se confirme de jour en jour dans l'espoir où l'on est que les protestants vont recevoir les avantages de la société (7) en France, avantages dont ils sollicitaient depuis longtemps la jouissance mal entendue. On assure que déjà deux officiers, quoique protestants, ont été reçus chevaliers de Saint-Louis, sans qu'on leur ait demandé aucun certificat de catholicité (8). »

Cette question des protestants fut discutée à plusieurs reprises par l'assemblée. Les partisans de la réforme proposée, soutenus par l'opinion publique, parurent un instant devoir l'emporter. Les prélats hésitants, embarrassés, s'adressèrent, paraît-il, à Maurepas. Celui-ci se montra hostile à toute innovation libérale, et loin d'encourager les prélats à céder, «< il les raffermit dans leur résistance, dit Mairobert, en leur remettant sous les yeux l'inconséquence de la conduite

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actuelle du clergé avec celle de celui qui, sous Louis XIV, s'était mis à genoux devant ce monarque pour obtenir la révocation de l'Édit de Nantes; en sorte, ajoute le chroniqueur, que cet objet est absolument écarté, et l'Assemblée ne s'en occupe plus, laissant à la sagesse du gouvernement faire ce qu'elle jugera le plus convenable » (1). Mairobert préjugeait trop de la mansuétude de l'assemblée. Les représentants de l'Église française n'abandonnèrent point à des ministres dont ils se défiaient la décision de cette affaire; ils se rangèrent en fin de compte au parti de l'intolérance. Ils réclamèrent la dispersion des assemblées de protestants, leur exclusion des fonctions publiques, Pinterdiction de leurs mariages; ils demandèrent qu'on leur défendit de faire eux-mêmes l'éducation de leurs enfants (3).

Turgot et Malesherbes avaient été les instigateurs secrets de la proposition faite au clergé de valider les mariages protestants. Bien qu'abandonnés par Maurepas et trahis par les événements, ils ne se laissèrent point décourager, Turgot au moins. On lisait, vers la fin de 1775, dans les Mémoires secrets de Bachaumont : « On sait que depuis qu'il est question de valider les mariages des protestants, le gouvernement a invité M. de Voltaire à écrire sur cet objet intéressant; en conséquence, il a fait ramasser à Paris toutes les pièces qui ont paru depuis quelque temps sur cette matière, et l'on attend avec impatience son importante production. Il résulte toujours des sollicitations de M. Turgot à cet égard envers le philosophe de Ferney, qu'il ne quitte pas prise, et cherche seulement à bien préparer les esprits, à les éclairer, à faire précéder la loi de l'humanité dans les cœurs, avant de rendre une loi décisive (3). »

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La seule mesure de progrès que Brienne, chef de la fraction libérale de l'assemblée, parvint à faire accepter d'elle, fut un règlement sur les sépultures. Il défendait, par mesure d'hygiène publique, d'enterrer les morts dans les églises (). L'assemblée pria également le roi d'ordonner que les cimetières fussent agrandis et transférés hors des villes. Le conseil, inspiré par Malesherbes et Turgot, accueillit la proposition de Brienne, et déclara que les ordonnances d'hygiène publique en vigueur à Paris pour la police et l'établissement des cimetières seraient observées désormais dans tout le royaume (3). `

Les délibérations de l'assemblée qui passionnèrent le plus l'opinion furent celles qui condamnaient au feu les livres impies. « Le monstrueux athéisme est devenu l'opinion dominante, » était il dit dans les doléances du clergé au roi sur la propagation des livres pernicieux.

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Le désir de combattre Turgot s'ajouta, nous le verrons, au désir de terrasser le « monstrueux athéisme». La nomination de Malesherbes avait promptement réveillé l'antipathie et la crainte que le contrôleur général inspirait au clergé. « Le clergé, disait Mairobert le 30 juillet, est fort alarmé de voir M. de Malesherbes succéder à M. le duc de La Vrillière, au département qui concerne cet ordre : les liaisons intimes de ce nouveau ministre avec M. Turgot font craindre au corps épiscopal que ce dernier ne se soit étayé de l'autre au Conseil pour faire passer divers projets tendant au détriment du clergé, et de la religion conséquemment (1). » C'est à propos de Turgot que s'ouvrirent les hostilités de l'assemblée du clergé contre les livres impies. Voltaire, on se le rappelle (2), avait pris la défense de la liberté commerciale et du ministre qui l'avait établie, dans sa Diatribe à l'auteur des Éphémérides. Laharpe avait loué et cité ce pamphlet dans le Mercure du mois d'août; il se vendait d'ailleurs librement sous forme de brochure. Cette publication excita dans l'assemblée du clergé une grande rumeur; on y attaqua la Diatribe comme « contraire au respect dû aux livres saints... » Plainte fut portée au roi (3). Voici quel était le passage incriminé, si l'on en croit la Correspondance Métra :

« Quand nous approchâmes de Pontoise, nous fùmes tous étonnés. de voir 12 à 15,000 paysans qui couraient comme des fous en hurlant, et qui criaient : « Les blés, les marchés, les marchés, les blés! » Nous remarquâmes qu'ils s'arrêtaient à chaque moulin, qu'ils démolissaient en un moment, et qu'ils jetaient blé, farine et son dans la rivière; j'entendis un petit prêtre qui, avec une voix de stentor, leur disait: << Saccageons tout, mes amis,. Dieu le veut! Détruisons toutes les >> farines pour avoir de quoi manger. » Je m'approchai de cet homme, je lui dis: << Monsieur, vous me paraissez échauffé, voudriez-vous me » faire l'honneur de vous rafraîchir dans ma charrette, j'ai du bon » vin? » Il ne se fit pas prier: « Mes amis, dit-il, je suis habitué de » paroisse. Quelques-uns de mes confrères et moi nous conduisons » ce cher peuple, nous avons reçu de l'argent pour cette bonne » œuvre; nous jetons tout le blé qui nous tombe sous la main de » peur de disette; nous allons égorger dans Paris tous les boulangers » pour le maintien des lois fondamentales du royaume; voulez-vous » être de la partie (4)? »

On conçoit que cet article ait excité la colère du clergé. Il y était directement accusé d'avoir ameuté le peuple contre l'autorité royale. On comprend moins en quoi la scène racontée par Voltaire détruisait «<le respect dû aux livres saints ». Le Conseil dut cependant faire

(1) Bach., Mém. secr., VIII, 150.

(2) V. liv. II, chap. vi, 174.

(3) Proc.-verb, ass. Clergé,
Corr. Métr.. II, 141-142.

droit à la réclamation de l'assemblée. L'article du Mercure fut supprimé, et le censeur Louvel, qui l'avait approuvé, fut rayé de la liste des censeurs royaux. Le lieutenant de police Albert fut contraint de retirer la brochure, et d'en interdire la vente (1).

L'abbé Raynal, que l'on accusait, non sans raison, d'avoir écrit l'Histoire philosophique des deux Indes, reçut de la cour l'ordre de s'expatrier, à cause des plaintes dont son livre (qui eut d'ailleurs un succès prodigieux) avait été l'objet de la part du clergé (2).

Cependant, Turgot s'efforçait de combattre la condescendance du roi pour les doléances de l'assemblée, et lorsque la députation chargée de réclamer contre l'impunité des livres pernicieux vint trouver Louis XVI, celui-ci lui tint un langage froid et ferme qui lui avait été évidemment dicté d'avance: «Messieurs, dit-il, je soutiendrai toujours la religion dans mon royaume, mais vous ne devez pas laisser tout à faire à l'autorité; vos exemples sont le véritable appui de la religion, et votre conduite, vos mœurs et vos vertus sont les armes les plus efficaces pour combattre ceux qui osent vouloir l'attaquer (3). »

Il serait trop long de rapporter toutes les réclamations que le clergé adressa au roi. Terminons par celle-ci. Le général des Dominicains, à la tête d'une députation de moines, avait demandé à l'assemblée qu'il fût possible de prononcer des vœux dès l'âge de quinze ou seize ans, et non à vingt. Le clergé porta à la cour le résumé de sa harangue. « La réponse a été courte, dit Mairobert, on a ri au nez de ces messieurs. » Ces messieurs en furent très irrités. << Mais il y a tout lieu de croire, ajoute l'auteur des Mémoires secrets, que les Maurepas, les Turgot, les Malesherbes ne céderont pas à cette criaillerie de moines (*). » On n'y céda point, en effet.

En résumé, le clergé, malgré les concessions que lui fit la cour, se sépara d'elle fort mécontent, et c'est à Turgot principalement qu'il attacha sa haine, le considérant, avec raison, comme le chef réel du ministère. On vit alors se nouer une étrange alliance, celle du Parlement et du clergé. M. Henri Martin a eu soin d'en relever une des conditions les plus importantes (").

Le Parlement détestait les anciens membres de la congrégation de Jésus, et ceux-ci s'efforçaient par leur société secrète des Cordicoles d'introduire la fête du Sacré-Cœur au nombre des fêtes reconnues par l'Église. L'assemblée du clergé refusa d'autoriser cette fête, afin de plaire au Parlement. Celui-ci, de son côté, « répondit aux avances du clergé en condamnant au feu la Diatribe à l'auteur des Éphémérides, déjà prohibée par le Conseil. L'avocat général Séguier proclama dans

(1) Bach., Mém. secr., VIII. 177. Metr., II, 142. Anc. 1. fr., XXIII, 238. (2) Corr. Métr., II, 149.

Corr.

(3) Corr. Métr., II, 174.

Bach., Mém. secr., VIII, 178.
H. Martin, Hist. de Fr., XV1, 353.

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