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son royaume ». Alors les vins espagnols pourront entrer librement Rien n'était plus juste, ni plus sage (1).

Le 13, un arrêt du Conseil, inspiré par Turgot, réprima un empiètement du Parlement sur les attributions du bureau des finances concernant la voirie. On sait que l'usurpation des fonctions administratives, aussi bien que politiques, était assez dans les habitudes et les goûts des gens de robe. Le procureur du roi au bureau des finances de Paris avait requis la démolition « des parties en péril imminent d'une maison située à Charenton ». Le Parlement avait évoqué l'affaire et rendu un arrêt déclarant qu'elle serait jugée par la chambre des enquêtes. Le Conseil cassa l'arrêt du Parlement (*). Le 14, Turgot écrivit à l'intendant de Guienne, pour modérer le zèle excessif qu'il prétendait déployer contre un malheureux notaire de Génissac. La répartition de la taille donnait souvent lieu aux plus fâcheuses discussions. Deux ou trois particuliers de Génissac, riches commerçants, s'étant trouvés trop imposés par les collecteurs, avaient réclamé une taille d'office, c'est-à-dire la répartition de la taille par un commissaire nommé d'office par l'intendant. Celui-ci avait désigné le commissaire et donné ainsi raison aux trois commerçants. Mais le syndic de la communauté, cinq collecteurs et treize habitants du village avaient protesté contre l'utilité de cette taille d'office. Ils s'étaient rendus chez le notaire et l'avaient prié de rédiger d'une manière authentique leur délibération. Celui-ci y ayant consenti, c'était un crime, à en croire l'intendant: il ne pouvait admettre qu'on fît opposition, même sous forme légale et respectueuse, à sa décision. Il demandait que le notaire fût puni par une interdiction de trois mois. Quant aux habitants de Génissac, effrayés eux-mêmes de leur audace, ils avaient fini par céder et obéir. Cependant Esmangard voulait qu'on les punît aussi. Turgot ayant eu communication de cette affaire par Ormesson, s'empressa de calmer le trop irritable intendant. Il refusa d'adresser même un blame au notaire et aux plaignants; et, pour rappeler mieux encore à lui-même l'administrateur girondin, il lui fit remarquer que si quelqu'un était en faute, c'était lui. « Je pourrais bien vous observer, dit-il, que ce n'était point au mois de mai que ce commissaire nommé en septembre devait s'occuper de ce rôle d'office, trois termes de la taille étant échus (3). » Le 18 juillet, des lettres-patentes, rédigées par Turgot, ordonnèrent l'exécution de l'arrêt de janvier 1700 qui créait une juridiction consulaire à Dunkerque. Il n'y avait encore en France que trois tribunaux de commerce, à Toulouse (*), à Rouen (5), et à Paris (6). Celui de Dunkerque fut le quatrième (").

(1) Arch. nat., F. 12, 151 : 11 juillet 1775.

(2) Anc. 1. fr., XXIII, 194.

(3) Pièc. just. no 40.

(4) Etabli en 1556.

(5) En 1560.

(6) Eu 1563.

(7) Anc. lois françaises, XXIII, 198. — Il y en a aujourd'hui 216.

Turgot était toujours décidé à supprimer les corporations. Un avocat, Cochu, avait pris la peine de préparer un projet d'édit portant règlement général pour les corps des marchands et communautés des artisans du royaume. Tout règlement devenait inutile, puisque l'institution même allait disparaître. Turgot écrivit à Cochu, le 18, pour lui déclarer qu'il ne pourrait faire aucun usage de son travail (1).

Dans le préambule d'un édit de la fin du mois, Turgot disait : << Occupé continuellement du bonheur de nos peuples, nous cherchons avec empressement les moyens de leur procurer des soulagements. Si les besoins de l'État ne nous ont pas encore permis de diminuer la masse des impositions qu'ils supportent, nous nous empressons du moins d'en alléger le fardeau, en le divisant entre un plus grand nombre de contribuables ». C'est dans cette vue qu'il supprima la chambre des comptes de Blois dont le ressort ne dépassait pas les limites du comté de Blois, et dont les officiers, pourvus d'honneurs et de priviléges considérables au préjudice de leur concitoyens, « étaient pour ainsi dire sans fonctions ». Turgot, toutefois, en leur remboursant leurs offices, ne voulut pas les dépouiller de leurs prérogatives, et leur en laissa la jouissance, leur vie durant, ainsi qu'à leurs veuves et même à leurs enfants. C'était pousser l'équité jusqu'à ses plus extrêmes limites (2).

Le même désir de diminuer le nombre des privilégiés inspira à Turgot un autre édit qui supprimait « les offices alternatifs et triennaux des receveurs des payeurs des gages des officiers de la chambre des comptes ». Il n'y eut plus désormais qu'un seul de ces fonctionnaires (3).

Intraitable sur les principes, Turgot respectait toujours les personnes et les titres acquis, quels qu'ils fussent. L'arrêt du 3 juin avait supprimé, on se le rappelle, les droits d'octroi des villes sur les grains, les farines et le pain, et défendu en outre aux exécuteurs des hautes œuvres d'exiger dans les marchés aucune rétribution, soit en nature, soit en argent. Mais les villes et les bourreaux n'étaient pas les seuls à percevoir des droits sur les blés. Beaucoup de seigneurs avaient aussi leurs droits particuliers, véritables propriétés d'origine féodale, légalement inattaquables, bien qu'injustifiables au fond. L'arrêt du 3 juin les troubla: les uns se crurent dépouillés de leurs droits; d'autres se les virent contestés par les populations. Par arrêt du 20 juillet, Turgot dut les rassurer, en déclarant qu'à leur égard aucune décision n'avait été prise, et qu'ils pouvaient percevoir leurs droits comme par le passé (*).

(1) Arch. nat., F. 12. 151; 18 juillet 1775. (2) Euv. de T. Ed. Daire, 11, 412.

(3) Anc. l. fr., XXIII, 225.
(4) Euv. de T. Ed. Daire, II, 203. ·

Il a déjà été question de l'entraînement fâcheux qui, dès cette époque, poussait les villes et les communautés à s'endetter et à grever l'avenir des dépenses du présent. La royauté, à l'origine, n'avait que trop contribué au mal en encourageant des habitudes qui livraient les villes à sa merci. Turgot n'avait rien de commun avec une telle politique; il ne négligeait aucune occasion au contraire de recommander aux municipalités la plus stricte économie. Il allą plus loin. Un arrêt du 28 juillet décida qu'à l'avenir les villes, corps, communautés, hôpitaux et provinces ne seraient autorisés à emprunter qu'en assignant à l'avance des fonds pour le rembour sement de ces emprunts (1).

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Quelques jours après, il adressa aux intendants une nouvelle circulaire pour la suppression des corvées. Il s'exprimait en ces termes: «Vous verrez, Monsieur, par deux projets de déclaration que je joins à ma lettre, que l'intention du roi est qu'il ne soit plus commandé de corvées à l'avenir, et que cette contribution en nature soit substituée par une imposition sur tous les biens-fonds situés dans votre généralité. Je vous prie de faire vos réflexions sur ces deux projets. Le premier est destiné à être enregistré au Parlement, et le second à la cour des aides seulement. Je vous prie de m'envoyer le plus promptement que vous pourrez vos observations sur ces deux projets, ou de me marquer si vous ne les croyez pas susceptibles d'observations. Et ce pendant vous voudrez bien vous conformer aux vues de Sa Majesté sur cet objet important, en supprimant dès à présent toute espèce de commandement pour la corvée en nature, Je dois vous prévenir en même temps que l'intention du roi est bien qu'il ne soit plus exigé de ses sujets aucun travail gratuit, qui est particulièrement onéreux à ceux qui n'ont que leurs bras. Mais Sa Majesté n'entend pas sous le nom de corvée les impositions qui ont été faites dans plusieurs paroisses et même dans quelques généralités entières pour y suppléer, cette forme se rapprochant au contraire de celle qu'elle veut qui soit observée dans toute l'étendue de son, royaume. Je vous prie d'employer ces sommes du rachat de la corvée principalement à perfectionner les entretiens, ainsi que je vais yous l'expliquer pour le détail (). ».

Voici en substance les instructions que Turgot joignait au préambule de sa lettre. Il demandait aux intendants de lui adresser un état des routes et des ouvrages de corvée dressé par les ingénieurs. Il prescrivait de faire, à l'avenir, des adjudications annuelles de travaux ou de passer des baux de six et neuf ans pour l'entretien des routes. Il voulait que les entrepreneurs eussent des ateliers toujours existants sur les routes, de manière à faire les réparations aussitôt

(1) Dup. Nem., Mém., II, 113.

(2) Vignon, III, 93; Archiv. trav, pub...

qu'on s'apercevrait des moindres dégradations. Il ajoutait : << Vous ferez dresser un rôle des biens-fonds situés dans chaque paroisse de votre généralité, et vous répartirez la somme à laquelle montera cet état-du-roi (état des ouvrages de corvée dressé par les ingénieurs) sur tous les biens-fonds, dans la proportion de leur valeur. Comme le roi regarde la construction des chemins comme une charge de la propriété, son intention est qu'elle soit supportée par tous les propriétaires privilégiés et non privilégiés, sans aucune exception, et dans la même forme qui a lieu pour la reconstruction des églises et des presbytères (1). »

Cette circulaire tranchait donc définitivement la question de la suppression des corvées, en appliquant sans réserve le principe de la répartition proportionnelle de l'impôt. C'était là une décision très grave, car elle atteignait d'un seul coup tous les privilégiés, clergé, noblesse, bourgeois des villes et fonctionnaires de tout ordre. Les deux projets de déclaration joints à la circulaire n'en sont que la répétition sous une autre forme (). Il est remarquable que les intendants adressèrent tous, avec quelques restrictions, des réponses favorables aux projets du contrôleur général. Il faut rendre cette justice à l'administration monarchique du XVIIIe siècle et même du XVII, qu'elle avait, à plusieurs reprises, avec Machault notamment, tenté de soumettre les privilégiés à l'impôt. Ce n'est pas d'elle, mais des privilégiés que devait venir une opposition sérieuse à la suppression des corvées. Nous aurons bientôt l'occasion de le constater, dans la lutte qui s'ouvrit entre Turgot et les Parlements, lorsque les déclarations, approuvées par les intendants, furent soumises à l'enregistrement des cours souveraines du royaume.

Le 30 juillet, Turgot introduisit dans le service des finances d'importantes améliorations. Un édit de décembre 1764 instituant une caisse d'amortissement avait prescrit d'une part une liquidation générale des dettes de l'État, une représentation des titres, et la constitution de titres nouvels dans de certains délais, passé lesquels les titres anciens étaient déchus.

La déclaration du 12 juillet 1768 avait ordonné d'autre part une seconde représentation des titres nouvels et pièces justificatives de la propriété des rentes, dans les bureaux de M. d'Ormesson, pour la rédaction des états de finances.

De là était résultée une grande confusion. Les porteurs de rentes ne savaient à qui s'adresser exactement. Etait-ce au bureau de liquidation ou au bureau de finances, ou à tous les deux à la fois? Beaucoup d'entre eux avaient envoyé leurs titres de rentes au bureau de finances; d'autres avaient remis des titres insuffisants.

(1) Vignon, III, 93; Archiv. trav. publ.

(2) Vignon, III, 92; Archiv. trav. publ.

Alors était intervenu l'arrêt du 11 août 1771 rendu par l'abbé Terray, qui avait déclaré fatals les délais expirés, et nuls les titres de rentes qui n'avaient pas été représentés avant le 1er juillet précédent(!). Il ne craignait pas, contrairement à tout usage et à toute justice, de donner à la loi un effet rétroactif. Cependant, il accordait un délai de quelques mois (jusqu'au 1er janvier 1772) pour la représentation au bureau de liquidation des titres déposés par erreur au bureau d'Ormesson, ou pour la vérification de ceux qui, présentés au bureau de liquidation et déclarés incomplets, n'y avaient obtenu qu'une simple date. Il obligeait, en revanche, à représenter au bureau de finances tous les titres, quels qu'ils fussent, même les titres nouvels qui avaient été obtenus au bureau de liquidation, et ce, avant le 1er juillet 1772, sans quoi ces titres seraient déclarés périmés.

Cette obscurité calculée des règlements financiers, ces formalités multipliées et compliquées à dessein, eurent le résultat qu'on en attendait. Un grand nombre de créanciers légitimes, faute d'une démarche en temps opportun, furent dépouillés de leurs titres de rentes, et l'État se trouva déchargé d'autant.

Turgot ne pouvait accepter la responsabilité ni la suite d'une banqueroute partielle, si habilement déguisée qu'elle fût. Par une déclaration du 30 juillet, il réunit la caisse d'amortissement à celle des arrérages, réalisant ainsi une économie notable de frais de régie qui lui permettait de réparer bien des iniquités sans grever le Trésor. Il déclara en même temps que les propriétaires de rentes qui n'avaient pas rempli toutes les formalités prescrites par l'édit de décembre 1764 et même ceux qui les avaient négligées entièrement étaient relevés de la perte de leurs capitaux, et il leur accorda un nouveau délai pour représenter leurs titres. Par la même déclaration, il décida le remboursement de 1,800,000 fr. de rentes dont le revenu était de 12 fr. et au-dessous. Il pensait que ces rentes chargeaient la comptabilité et ne valaient pas les frais nécessaires pour en toucher les arrérages.

C'était prouver à tous deux choses : que le contrôleur général était honnête homme, et que le Trésor était assez riche pour se permettre des dépenses utiles, puisqu'il remboursait des titres. Ces deux mesures contribuèrent à rétablir entièrement le crédit de l'État. Les actions de la Compagnie des Indes qui, le 1er septembre, étaient à 1,757 fr. se négocièrent à 2,007 fr. Les rescriptions qui perdaient 19 0/0 se négocièrent à moins de 5. Les billets des Fermes revinrent au pair. Enfin le taux de l'intérêt s'abaissa à 4 0/0, ce qui facilita une foule de remboursements et d'emprunts, notamment de la part du clergé, des états de Bourgogne et de Languedoc.

De tels résultats prouvent que Turgot ne se trompait pas, lorsqu'il pensait qu'en finances comme en toutes choses la plus scrupuleuse probité est la meilleure des habiletés.

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