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» nez. » Et Beaumarchais ajoute: « Toutes ces choses montrent une fermentation excessive et dangereuse dans le corps du clergé relativement à la besogne actuelle (1). »

Turgot ne pouvait rester tout à fait indifférent aux progrès du mécontentement public attisé avec habileté par ses ennemis. Il avait été peut-être plus sensible encore à un malheur que ne ressentit pas moins vivement la secte des économistes. Quesnay avait succombé le 16 décembre, et quatre jours après, le marquis de Mirabeau avait prononcé son éloge funèbre dans l'assemblée de ses disciples (). Turgot aimait Quesnay et le considérait comme un de ses maîtres. Il fut douloureusement ému par sa mort.

Nous voici parvenus à la fin de l'année 1774. A cette époque Turgot était encore populaire. Son portrait avait été gravé par Capitaine (3). Les gazettes publiaient des vers en son honneur. Tous n'étaient pas bons, tant s'en faut. Voici un spécimen de cette littérature:

En l'honneur

de l'Immaculée Conception de la Sainte-Vierge.
Le Retour de l'âge d'or.

A Monsieur Turgot, Contrôleur général des finances.

Sonnet qui a été couronné à Caen

le 8 décembre 1774.

De Sully, de Colbert toi qui cours la carrière,
Ton nom vole avec. eux vers l'immortalité;
Sur la nui des calculs tu répands la lumière,
Et rien ne se dérobe à ton activité.

Limoges t'a donné le tendre nom de père;

La France avec transport l'a déjà répété.

Va, portant dans les cours le flambeau qui t'éclaire,
Aux yeux des souverains offrir la vérité.

Des dons de ton génie enrichis nos provinces,

En couronnant les arts, fais-les aimer des princes:
Louis a par son choix honoré ta vertu.

Écrase sous tes pieds les serpents de l'envie,
Suis tes nobles projets... Ainsi, chaste Marie,
Le tyran des enfers par toi fut confondu (').

Cependant ses ennemis se donnaient également carrière. Il faut même reconnaître que leurs vers étaient un peu moins mauvais que ceux de ses partisans.

(1) Beaum.. Eur.,VI: Corr., lett. du 11 déc. 1771. (2) Journ. de pol. et litt., 230.

(3) Merc. Fr., janv. 1775.
() Merc. Fr., fev. 1775.

Parmi les chansons satiriques dirigées contre le ministre, voici l'une de celles qui eurent alors le plus de vogue :

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Turgot n'était au contrôle général que depuis trois mois et quelques jours, et déjà il avait touché à toutes les branches de l'administration. Il avait rétabli l'honnêteté dans les finances, et il avait su en donner l'exemple. Il avait cassé des baux usuraires, arrêté le gaspillage des domaines de la Couronne. Par détails, et sans éclat, il avait rassuré l'agriculture, enhardi l'industrie et le commerce, allégé en partie le fardeau qui pesait sur le peuple, contribué aux progrès de la science, de la justice et de la raison.

Son principal arrêt avait été celui du 13 septembre: il avait rendu la liberté au blé, ce « captif », comme on l'a appelé (*), qui n'attendait qu'un mot pour prendre l'essor.

Qu'on laissât faire Turgot, et la Révolution s'accomplissait pacifiquement! C'est la pensée qui naturellement s'empare d'abord de tous ceux qui lisent Turgot ou son histoire. Qu'on le laissât faire!

(1) Le parlement Maupeou.

(2) Vers faux; il fallait sans doute prononcer: ama rent'. .

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(3) Bach., Mém. secr., VIII, 295 297.

(4) Micuélet, a propós de la liberté du commerce des grains.

Sans doute. Toute la question est là. Mais qui pouvait consentir à le laisser faire? Est-ce le clergé? Est-ce la noblesse? Est-ce le Parlement? Est-ce la finance (1)?

Il est vrai qu'il avait pour lui le peuple: mais le peuple était ignorant, facile à abuser, et il ne comptait pas dans l'État. Il avait pour lui la plupart des gens de lettres; mais les gens de lettres ne gouvernaient point; à peine s'ils dirigeaient une partie de l'opinion. Enfin, il avait pour lui le roi mais le roi pouvait lui échapper. Le roi d'ailleurs était déjà alors l'esclave de la reine. Il eût donc fallu s'assurer l'appui de la reine, et le conserver: mais comment fixer l'esprit mobile de Marie-Antoinette? Nous prions le lecteur impartial qui serait tenté de répondre à cette question, de revoir d'abord la Correspondance secrète du comte Mercy d'Argenteau.

D

(1)« J'apprends qu'il y a une forte cabale de quelques financiers contre M. Turgot, écrivait Voltaire le 19 décembre 1774.

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La nouvelle année trouva Turgot au travail. Il méditait la réforme de l'impôt. « Nous espérons pouvoir bientôt nous expliquer sur la répartition des impositions, écrivait-il dans le préambule de lettres-patentes du 1er janvier (1) »; et dans un mémoire qu'il rédigeait pour le roi « La réforme des impositions est un des plus grands biens que Votre Majesté pourra faire à ses peuples ('). » Aucune question, même aujourd'hui, n'est ni plus grave ni plus controversée. Turgot, n'osant proposer encore tous les changements qu'il jugeait nécessaires, se contentait, en attendant mieux, d'introduire des améliorations partielles dans l'économie des vieilles lois fiscales.

Personne n'ignore que la taille, en épargnant le clergé, la noblesse, les fonctionnaires et la bourgeoisie privilégiée, n'en frappait que plus rudement le peuple des campagnes; qu'en atteignant non seulement les terres, mais encore les enclos portant revenus, tels que moulins, forges, usines, etc., elle nuisait aussi bien à l'industrie qu'à l'agriculture. On sait moins en général à quel point cet impôt injuste en principe devenait inique par la répartition arbitraire qui en était faite entre les taillables.

Chaque année, le roi fixait en son Conseil le montant de la taille qu'il lui plaisait de lever sur son peuple. La quote-part de chaque généralité et, dans les généralités, de chaque élection, était

(1) Eur. de T. Ed. Daire, II, 368.

(2) Euv. de T. Ed. Daire, II, 372.

également déterminée par arrêt du Conseil. Notification en était adressée aussitôt aux intendants des généralités et aux trésoriers généraux de France qui composaient auprès de l'intendant une sorte de tribunal administratif nommé bureau des finances. L'intendant se transportait alors au chef-lieu de chacune des élections de sa généralité, assisté de deux trésoriers de France commissionnés exprès. Ils entreprenaient en commun la répartition de l'impôt entre les paroisses. Cette opération se nommait le département. Ils étaient aidés dans ce travail par les officiers de l'élection qui avaient préalablement fait une tournée d'information dans les paroisses de leur ressort. Le département fini, les cotisations afférentes aux paroisses ou communautés étaient notifiées à celles-ci par le greffier de l'élection, d'après une minute signée de l'intendant, des trésoriers de France et des élus.

On pourra jusqu'ici ne rien trouver d'injustifiable dans ce système de répartition (1). Aussi n'est-ce point précisément ce mécanisme savant imaginé par l'administration royale qui était vicieux. Le mal n'était pas là. C'est au seuil de la paroisse qu'il commençait. Le pouvoir central, en effet, n'avait pas voulu assumer la responsabilité d'une répartition entre les habitants des paroisses; il avait craint de se rendre odieux. La somme due par chaque paroisse ou chaque communauté une fois fixée, il abandonnait à la communauté elle-même le soin de répartir l'impôt entre les contribuables. Qu'on nous permette cette expression vulgaire, il se lavait les mains de toutes les injustices qui pouvaient être commises dans ce travail. II se contentait, à peu près comme fait l'ennemi en pays envahi, de taxer en bloc chaque ville ou village, rendant les habitants responsables du paiement intégral de la contribution.

Ceux-ci s'étaient trouvés ainsi contraints de confier à quelques-uns d'entre eux, nommés collecteurs, le soin délicat de dresser les rôles de la taille. On avait en même temps déclaré ces collecteurs responsables de l'acquittement total de l'impôt. Il est facile de comprendre que de telles fonctions fussent peu enviées : il avait bientôt fallu décider que tous les contribuables seraient collecteurs à tour de rôle, que tous successivement passeraient, comme on disait, par la collecte. Qu'on se représente les conséquences d'un tel système. De malheureux paysans, tous ou presque tous illettrés, ignorants et brutaux, se trouvaient de force investis d'une autorité dont ils ne savaient que faire. Ils devaient se livrer « en âme et conscience », suivant l'expression de la loi, aux calculs très compliqués pour eux de la

(1) Au point de vue de nos idées modernes, il avait cependant deux vices capitaux:

1° Denuis la suppression des États Généraux, l'impôt n'était point voté, ni librement

consenti par les représentants de la nation. 20 Il était toujours plus ou moins arbitrairement réparti, puisqu'il n'y avait alors ni cadastre, ni rôles exactement établis.

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