On propofe les mêmes Prix pour l'année prochaine, c'est-à-dire, une Médaille de la valeur de 1500 liv. pour la meilleure Tragédie Lyrique; une autre de la valeur de seo liv. pour la Tragédie qui obtiendra le fecond rang; & une troifième de 600 1. pour le meilleur Opéra - Ballet, Pastorale ou Comédie Lyrique. Les Poëmes deftinés au Concours doivent être remis, avant le 1 Février 178, à M. SUARD, de l'Académie Françoife, Secrétaire du Comité des Examinateurs. Les Auteurs ne fe feront point connoître & mettront feulement leur nom, avec une devife, dans un papier cacheté. On croit devoir prévenir les Gens de Lettres qui fe propofent de concourir, què l'objet de l'Administration, dans l'inftitution de ces Prix, étant d'encourager les Ecrivains d'un talent diftingué à fe livrer à la compofition des Poemes Lyriques, l'invention dans le plan & dans la conduite, l'élégance & la correction du ftyle, font deux mérites indifpenfables, fans lefquels aucun Ouvrage ne peut prétendre au Prix. COMÉDIE FRANÇOISE. ON a fait la clôture de ce théatre par une représentation d'Athalie, Tragédie de Racine, fuivie du Babillard, Comédie de Boiffy, en un Acte & en Vers. Entre les deux Pièces, M. Grammont a prononcé le difcours qui fuit. "S'il eft vrai que l'Art de la Comédie, qui exige le concours de tous les Arts, foit une des mefures les plus certaines de l'efprit humain; fi fa marche a été, comme celle des Empires, qu'elle fe foit élevée, qu'elle foit tombée avec eux, & que chaque Nation puiffe être jugée fur fon théatre; s'il eft vrai fur-tout, que le théatre François foit le premier de l'Europe: eft-il donc étonnant que la Nation Françoife s'honore du lien, & qu'elle place fon orgueil près des titres de fa gloire? Mais plus cette vérité me frappe, & plus elle doit m'effrayer, moi, qui me trouve chargé du dangereux honneur de parler à des Juges qui peuvent me demander compte des Chef-d'œuvres dont ils nous ont fait les dépofitaires, Auffi Meffieurs, n'aurois je pas la hardieffe de paroître à vos yeux, fic'étoit en mon nom qu'il fallut ici porter la parole. Interprète de ceux que vous avez tant de fois comBlés de vos faveurs, je me cache fous leurs titres, je difparois fous leur gloire ; & l'hommage qu'ils m'ont chargé de vous offrir ne doit rien à la main qui le préfente. C'eft pour eux qu'il n'eft doux de réclamer votre indulgence, puifqu'ils ont eu vos applau diffemens, & de vous parler de leur reconnoiffance, puifqu'ils ont fait vos plaifirs ́". » Je fens, Meffieurs, que votre goût étant la feule règle de vos critiques & de vos éloges, c'eft à ce tribunal que l'Auteur & l'Acteur viennent également reffortir; avec cette différence entre eux, que votre févérité pour l'Auteur ne tombe prefque jamais que fur la première repréfentation de fa Pièce, & qu'une fois forti de cette épreuve, il voit votre indulgence fe changer en estime & en admiration, tandis que cette févérité eft de tous les jours pour l'Acteur, & ne s'endort jamais pour lui. Mais cette différencé entre les deux deftinées eft fondée en justice. Quand le génie a donné fes productions, il a rempli fa tâche ; il en est quitte envers fon fiècle; & le fiècle, qui veut à fon tour s'acquitter avec lui, ne ceffe de crier aux Acteurs: Rendez-nous Cinna, rendez-nous Tartuffe. Notre tâche n'eft donc jainais remplie nous fommes chaque jour refponfables d'un grand Ecrivain à un grand Peuple. Vous favez, Meffieurs, qu'avec tant de Chef-d'œuvres un Acteur est toujours fans excufe, & que fi vos plaifirs & vos tréfors font dans nos mains, le fuccès & le revers font dans les vôtres : vous favez aussi que l'heureux accord d'un grand Acteur & d'un grand Ecrivain multiplie les triomphes de l'Art, & kes beaux jours d'une Nation. C'eft ce qu'avoit bien fenti le premier Potte du fiècle préfent, lorfque retiré dans les jardins folitaires de Ferney, il y régnoit paisiblement : avec la Philofophie, tandis que le fublime Le Kain, reffufcitant chaque jour Mahomet. & Vendôme, lui faifoit des conquêtes dans le pays des Arts, rajeuniffoit fa mémoire, & s'affocioit à fon immortalité «. » Tel eft le modèle que j'oferois me propofer, fi javois eu le bonheur de le voir; mais, n'ayant que la tradition de fes talens & de fa gloire, je ne puis compter que fur les confeils de tous ceux que la perfection de ce grand Acteur a tant de fois ravis: c'eft à eux à ne pas m'écrafer de la comparaifon, en dirigeant mes études fur leurs fouvenirs; & vous, Meffieurs, daignez feconder mes efforts, foutenir mon zèle, pour que je parvienne un jour à vous offrir l'ombre de ce que vous avez perdu ". Ce Compliment a été très-bien accueilli & M. Grammont avoit été très - vivement applaudi, pour fon propre compte, en fe préfentant pour le prononcer. Nous ne pouvons qu'applaudir au zèle & aux projets d'étude de cet Acteur, dont on a beau coup attendu, dont on attend encore, & qui a des droits aux encouragemens publics. Nous l'invitons à profiter des confeils & des lumières de ceux qui, pour bien connoître comment le fublime Le Kain approfondiffoit les grands caractères qu'il avoit à représenter, ont eux-mêmes approfondi fon talent, fes travaux, l'ont fuivi dans fes réflexions, & font ain parvenus à favoir, par la réunion de quels moyens il produifoit dans fes rôles des effets dignes de la Tragédie dans toute fa grandeur, & fubjuguoit avec un égal fuccès l'efprit & l'ame des Spectateurs. Mais nous l'exhortons à né leur pas accorder à tous un égal degré de confiance. Il en eft qui n'ont vu dans le talent de Le Kain qu'un talent de systême & de combinaison, qui retracent par imitation ce qu'ils appellent fa manière, & qui font par conféquent plus capables d'arrêter les progrès d'un talent naturel, que de lui donner l'effor. Le foyer du talent de Le Kain étoit dans fon cœur ; c'eft auffi là qu'étoit le fecret des moyens qui lui ont réellement valu fá gloire. Tout Comédien qui ne fera pas né comme lui avec l'amour paffionné de fon état, cherchera vainement de la réputation: il pourra imiter Le Kain mais il l'imitera fans honneur, & s'il parvenoit à en être l'ombre, fes fuccès feroientpallagers comme elle. Nous ne ferons aucune obfervation fur ce Difcours dont la forme nous a parue ambitieufe: nous défirerions feulement favoir pourquoi l'hommage que M. Grammont a offert au Public au nom des Comédiens qui lui font chers, ne devoit rien à la main qui l'a préfenté. Nous n'avons rien conçu à cet aveu, qui nous a femblé trèsbizarre, & qui le feroit encore beaucoup quand il ne feroit que modefte. |