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mauvaise architecture, devant une petite place qui n'en mérite pas un plus beau. Je vifitai l'intérieur. La première chofe que je remarquai fut cette autre infcription en lettres d'or encore : Ici Thémis rend les Oracles de la Juftice aux Citoyens; Apollon décerne des couronnes aux Mufes, & Minerve des palmes aux Arts. Cette infcription eft dans la Langue des Romains; mais elle n'eft pas trop dans leur ftyle. Les vainqueurs & les maîtres du Monde étoient plus modeftes. Au refte cet orgueil des citoyens de Toulouse, cette haute opinion qu'ils ont toujours eue de leur ville, a élevé très fouvent leurs dées; je n'aime pas trop, il eft vrai, la pompe & la folennité avec laquelle ils décernent tous les ans des prix dans le Capitole aux jeunes gens qui fe montrent les plus adroits & les plus habiles dans l'Art de l'efcrime. Cet Art de l'efcrime ne tient plus à aucun des talens avec lefquels un citoyen peut fervir & honorer fa Patrie. Il ne produit guère plus que des fpadaffins qui vont promener dans toute la France la fureur des duels. Les épées décernées fi folennellement par les Magiftrats de la ville de Touloufe, & fans. doute avec des intentions très - patriotiques ont été très-fouvent plongées dans le fein des citoyens des autres villes. C'étoient d'autres Arts qu'on enfeignoit aux jeunes Romains dans ce Capitole, élevé près du Tibre ; & il feroit digne des Magiftrats d'une ville où l'on cultiva toujours les Arts de l'efprit & du goût, de réferver enfin cette gloire qu'ils difpenfent pour des talens qu'on pourroit déployer dans nos armées & fur nos flottes. On dira peut-être, cet hommé affurément n'aime pas les armes. Eh! qui n'aimeroit mieux qu'il n'y en eût pas du tout qu'on ne les portât du moins que contre les ennemis de fon Roi & de fa Nation? Qui peut

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avoir quelque fentiment jufte de la fociété & de l'humanité, & ne pas penfer comme cet Historien ancien, qui dit d'un peuple portant des épées .comme nous: Ils marchent dans leur ville même toujours armés, A LA MANIERE des Barbares? On ne devroit porter une épée que là où les Loix n'ont pas un glaive, que là où il n'y a point de Loix. Le croirez-vous cependant, mon ami? moi qui vous tiens aujourd'hui ce langage, pendant deux ou trois années de ma vie, je me fuis levé à cinq heures du matin, & très-fouvent j'ai travaillé dans cet Art de l'efcrime jufqu'au foleil couchant, rêvant toujours que j'allois difputer le prix à Touloufe, ou que je l'avois remporté; mais c'eft précisément parce que je me rappelle & cette folie & d'autres du même genre, que je ne puis voir fans effroi ces alimens qu'on donne aux jeunes gens d'une imagination ardente, à ceux qui, pour obtenir une légère diftinction, un battement de main, expoferoient vingt fois & leur vie & celle des autres.

Mais ce qui honore vraiment la ville de Touloufe, c'eft un monument qu'elle a dans fon Capitole, dont elle a donné depuis long-temps l'exemple à toutes les villes de la France, & que la Capitale même du Royaume, que Paris n'a fongé à imiter que depuis peu d'années.. C'eft une galerie, ou plutôt une falle très-large, une espèce de Panthéon, où elle a raffemblé en tableaux ou en buftes les images de tous les hommes illuftres dont le Languedoc s'honore. Là, le Peintre célèbre fe montre à côté du grand Général, le Poëte à côté du Magiftrat, le Géomètre auprès du Jurifconfulte. J'y ai vu plus. d'un homme dont le nom a été porté par la renommée dans toute l'Europe. Je n'ai demandé à perfonne ce qu'étoient & Fermat & Cujas. Ce nom de Cujas, mis à côté de celui de Barthole a fervi à plus d'une plaifanterie : c'est un homme.

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d'un grand efprit & d'un grand talent, que l'ignorance & la frivolité ont voulu railler. Mais Furgolle, dont j'ai auffi vu le portrait dans cette galerie, je ne le connois point, je ne le juge point, je demande feulement s'il a été trèsconnu hors de Toulouse. Peut-être Touloufe ne devroit-elle décerner cette diftinction fi glorieufe qu'aux hommes de fa Province, dont les talens ont honoré toute la France; mais l'idée feule de cette efpèce de temple élevé aux hommes d'un mérité éminent en tout genre, eft une de ces grandes idées, affez étrangères aux Modernes, mais ordinaires dans ces beaux Goutvernemens de l'antiquité, où l'on n'obéifoit qu'aux Loix, & où l'on idolâtroit le génie. Ce fait feul prouveroit que Touloufe eft l'une des villes de la France, & peut-être de l'Europe, qui a toujours le mieux confervé la tradition des mœurs antiques : dans les fiècles même où tout étoit couvert des ténèbres de la féodalité, Toulouse n'a prefque pas connu la barbarie,

Elle a toujours tenu à la liberté par le francaleu, aux lumières par l'érudition, & aux Arts par des chanfons.

II y a un fiècle encore, Touloufe, après Paris, étoit peut-être la plus belle ville du Royaume.. Elle n'a pas renoncé entièrement à cette prétention; mais aujourd'hui cette prétention eft bien mal fondée. Tandis que Toulouse eft restée à pen près ce qu'elle étoit il y a cent ans, Lyon, Marfeille & Bordeaux, enrichies toutes les trois par le plus grand commerce, ont doublé ou triplé leur enceinte, & fe font décorées de toutes parts d'édifices, dont l'élégance & le bon goût pourroient perfuader aux étrangers qu'ils font déjà dans la Capitale du Royaume, dans la ville du génie & des Arts. Le canal du Languedoe a forcé la Nature mais n'a pas forcé le commerce à porter à Toulouse les trésors du

Levant & ceux du Nouveaux Monde. C'est un des pays les plus fertiles de la France, & un des moins riches. Un feul homme cependant a effayé de faire dans cette ville quelques-uns de ces grands ouvrages entrepris & exécutés dans les autres villes par la puiffance des fortunes accumulées dans le commerce: M. de Brienne, qui faifoit refpecter la Religion, en s'occupant inceffamment des befoins de la Province & des embellifferens de Touloufe, y a fait creufer un nouveau canal qui porte fon nom, conftruire des quais fuperbes, qui portent fon nom encore, & élever une foule d'autres édifices, qui, fans porter fon nom, le rappellent fans ceffe. Tout parle ici de lui, & c'eft la reconnoiffance qui le nomme le plus fouvent. C'est ici qu'il a exercé pendant près de vingt ans, ces talens, qui ont été appelés auprès du trône pour être le génie tutélaire de la France; & peut-être ne faudroit-il confier les defiinées d'un Royaume qu'à ceux qui auroient déjà fait au moins le bonheur de quelque Province. C'eft le Limousin qui nomma M. Turgot à la France, & c'est le Languedoc qui lui a défigné M. de Brienne. Si ce n'étoit ici que mon opinion, je ne l'énoncerois pas. Un homme feul ne doit pas louer un homme en place. Son hommage eft trop fufpect; mais je tranfmets ici le cri de toute une Province, & la voix qui le tranfmet ne fera pas

connue.

Il eft donc vrai qu'il eft des temps où il faut également fe cacher, & pour honorer le mérite, & pour attaquer le vice!

Adieu, mon ami, je vous embraffe. Je refte encore deux ou trois jours à Toulouse; je vous parlerai encore de cette ville, & peut-être de Paris; car lorfque les regards fe promènent fur les pays qu'on parcourt, le cœur s'occupe fouvent davantage de celui qu'on a quitté.

SPECTACLE S.

COMÉDIE ITALIENNE.

LE Mardi 8 Janvier, on a donné la première te préfentation de Sophie & Derville, Comédie en deux Actes & en Profe.

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Mme. d'Orfan eft restée veuve avec une fille appelée Sophie, dont elle al confié l'éducation à un ami de fon mari, qui fe nomme Derville. Les vertus, les qualités, les talens de Sophie ont enflammé le Maîte pour fon Ecolière, & la jeune perfonne a conçu pour Derville une tendreffe qu'elle prend pour de l'amitié, mais qui n'est autre chofe que de l'amour. Effrayé de ce qu'il éprouve, l'Amant craint de manquer à la délicateffe & à l'honneur, en entretenant fa pupille de la paffion qu'elle lui a inspirée, il fait qu'il a été queftion de la marier à un jeune homme nommé Valbelle; il fe détermine donc à s'éloigner. Mme. d'Orfan, qui connoît le caractère de Derville, n'apprend qu'avec plaifir qu'il eft amoureux de fa fille; elle ne voit pas avec moins de fatisfaction, combien il en eft aimé; enfin, après avoir fait fubir à Sophie plufieurs épreuves capables de déci

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