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La naïveté est encore plus fenfible & plus piquante dans le Languedocien.

Aï, s'avez din voftre villagé
Un jouïn é téndre Paftourel,
Qué vous gagn' au premié cop diel,
E pieï qu'a toujour vous engagé ;
Es moun ami : rendé lou mé;
Aï foun amour, el a ma fé.
Sé sa voix plentiv' é doucéto
Faï foufpira l'écho d'aòu boï,
È fé lou foun de foun aòuboi
Fai foungea la Paftoureléto ;
Es moun ami : rendé lou mé;
Aï foun amour, el a ma fé.

Sé quan n'aouso pas ren vous diré,
Sà guignado vous attendris;
Picï, quan fa bouqueto vous ris,
Sé vous déraub' un doas fouriré;
Es moun ami : rendé lou mé;
Aï soun amour, el a ma fé.

Quan lou paòuret s'en vén pécaïré,
En roudan proucho fon troupel,
Li diré : baïla mn’un agnel,

Sé li lou baïl' embé la maïré;

Aï qu'es ben el rendé lou mé;
Aï foun amour, el a ma fé.

Le fixième & dernier Livre commence

par cette espèce de Prologue:

» O Grandeur, que tu es belle quand » la vertu te rend utile! que le fpectacle » de l'homme puissant, occupé de secourir

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fes frères, eft doux pour une ame fenfi »ble! Combien de fois j'en ai joui! » combien j'ai vu d'infortunés environner » en pleurant celui qui finiffoit leurs pei"nes; celui qui, né dans la pourpre royale, » abandonne fon palais pour voler à leur chaumière, pour la rétablir fi elle eft » détruite, pour y ramener l'abondance & » la paix! Je le vois tous les jours ce mor» tel bienfaisant, &c.«

"

En lifant ces paroles au milieu d'un Roman, on croit continuer de lire un Roman; on croit que l'Auteur fe vante d'avoir vu ce qu'il n'a pas vu & ce qu'on ne voit point; mais on fe rappelle quel eft le grand Prince à qui l'Auteur a l'honneur d'être attaché, & on rend hommage à la fidélité de l'Hiftorien, au goût même du Peintre qui a fenti que dans un tel portrait une exagération, un embelliffement eût été une profanation.

VARIÉTÉS.

PREMIÈRE LETTRE A M.....

A Toulouse, Hôtel du grand Soleil, le

....

.1787.

JE vous ai promis de vous écrire, mon ami, deux ou trois fois au moins dans ma route ; mais lorsqu'après avoir couru la pofte depuis les cinq heures du matin, on arrive à dix heures du foir dans une auberge, on fe met auprès du feu, on foupe, on fe couche, on penfe à fes amis, & on ne leur écrit pas. Combien de fois j'ai pensé à vous! combien de fois je vous ai défiré à mes côtés, lorfque je courois fur les bords fuperbes de la Loire, ou fur les bords charmans de l'Allier, lorfque je traverfois ces fécondes & magnifiques plaines de la Limagne, enceintes de tous les côtés de montagnes amoncelées les unes fur les autres ! J'ai falué le Puits du Dôme, & il m'a paru plus grand, plus élevé, parce que je me fuis rappelé Pafcal & la vérité de phyfique dont il y trouva la preuve. C'eft peut-être fur les montagnes que fe feront toujours les plus belles découverts; la Nature femble y opérer plus à découvert, & l'homme femble y avoir plus de génie. Quand fera-t-il fervir ce génie à fon bonheur? Le croiriez-vous, mon ami? Cette belle Province, cette Limagne, fi riche & fi féconde; cette terre, qui femble n'avoir pas affez de place pour toutes les productions qu'elle fait naître, & qu'on prendroit pour une table magnifiquement fervie par la Nature pour les feftins de tous les êtres vivans; je l'ai traver

F

fée le cœur ferré de trifteffe! Dans ces vallées fi fertiles & fi riantes, j'ai vu les hommes plongés dans la plus affreufe mifère: des pierres entaffées prefque au hafard forment leurs logemens; ils ne font pas vêtus, ou le font de lambeaux; & l'infecte qui fe traîne fur la terre y trouve probablement une nourriture plus abondante & plus à fon choix. Rien n'eft hideux à voir comme l'afpect des villages & même des villes de cette partie de l'Auvergne. Ses infortunés habitans portent fur leurs vifages l'empreinte de tous les maux fous lefquels ils gémiffent; ils font laids, malfaits, & l'horrible patois qu'ils parlent reffemble moins à une Langue humaine, qu'aux cris étouffés des animaux féroces qui meurent de faim dans les déferts. Rien ne prouve mieux que de belles phyfionomies & des langues douces ne peuvent guère appartenir qu'à des peuples heureux. J'ai fait cinquante ou foixante lieues peut-être dans les plus fertiles vallées, fans entendre une feule chanfon. Tout étoit muet, & les animaux, les oifeaux même femblent y partager la trifteffe de l'homme. Vous jugez, mon ami, combiên j'ai dû être confterné de ce filence, moi, né dans un autre pays de montagnes & de vallées qui retentiffent toujours ou des cris de joie de l'homme, ou des chanfons plaintives & amoureufes des femmes..

Le Rouergue, dans lequel je fuis entré bientôt après avoir quitté la Limagne, n'eft pas à beaucoup près un pays auffi riche & auffi fertile; mais on n'y eft plus frappé de ce contrafte fi désolant de la mifère de l'homme au milieu des biens créés par fon travail ou pro digués par la Nature. Les payfans y font mieux logés, mieux vêtus, mieux nourris; la phyfionomie des hommes, & la Langue qu'ils parlent,

commencent à s'adoucir. On m'a affuré que cette différence remarquable entredeux provinces affez voifines, eft devenue beaucoup plus fenfible depuis quelques années, & je ne balance pas à l'attribuer à l'Adminiftration Provinciale établie dans la Haute-Guienne.

J'ai vu quelques-uns des Membres de cette Administration à Milhaud; j'ai caufé avec eux, & j'ai trouvé des hommes pleins de bon fens & de bons fentimens ; des efprits trèséclairés, & qui font, dans leur province ou dans leur petite ville, des applications trèsjuftes des lumières répandues dans l'Europe. Refpectable M. Defpradel, permettez à un étranger de prononcer ici votre nom, pour rendre hommage à des vertus qu'il n'a vues qu'en paffant, mais dont il ne pourra jamais perdre le touchant fouvenir. J'ai entendu, dans la bou. che de vos concitoyens, votre nom mêlé fans ceffe à celui du Prélat qui préfida & éclaira vos Affemblées naiffantes, & qui, élevé aux premières dignités de l'Eglife, paroît avoir pour première ambition celle de fe montrer bon citoyen (1).

Le bon goût, mon ami, n'eft peut-être que le bon efprit perfectionné; dans cette petite ville de Milhaud, où l'on raisonne fi bien fur les intérêts de la province, on y joue auffi trèsbien la Comédie. Au lieu d'avoir des Comédiens de campagne qui feroient très mauvais, les perfonnes les plus diftinguées de la ville jouent elles mêmes Regnard & Molière, & elles ont une fort bonne Troupe.

J'ai paffé par Albi, mais fans m'y arrêter. L'Auteur de l'Epître aux Graces & des Quatre Parties du Jour eft Rome. Il fallut s'arrêter

(1) M. de Cicé, alors Evêque de Rhodez, aujourd'hui Archevêque de Bordeaux..

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