Naturam expellat furcâ, tamen ufque recurres, mais perfonne n'a plus aimé & n'a plus fait aimer la belle Nature & la campagne, que Virgile. Nobis placeant antè omnia fylva. O ubi campi, Sperchiufque & virginibus bacchata Lacanis » On admire fur parole les Eglogues de » Thécerite & de Virgile «, dit encore M. de Florian. On les admire fur parole! eui, ceux qui n'entendent ni le grec ni le latin, ou qui n'ont ni goût ni fenfibilité. Etoit-ce fur parole que le tendre Fénélon prononçoit toutes les malédictions de la Littérature, contre ceux qui pouvoient n'être pas attendris jufqu'aux larmes par le charme de ces vers: Fortunate fenex, hic inter flumina nota, Etoit-ce fur parole qu'il envioit avec Virgile le bonheur des habitans de la campagne; qu'il défiroit, tantôt comme Gallus, d'être tranfporté parmi les Bergers de l'Arcadie : O mihi tùm quàm molliter offa quiefcant, Tantôt de partager fur les bords du Galefus les occupations champêtres & les douces jouiffances de l'heureux Vieillard du quatrième Livre des Géorgiques: Cui pauca relicti, Jugera ruris erant, nec fertilis illa juvencis, Eft-ce fur parole & non fur le charme vivement fenti des defcriptions champêtres de Virgile, qu'on fe tranfporte en imagination avec le même Fénélon dans tous les payfages que Virgile décrit ? Sive fub incertas zephyris motantibus umbras, Hic viridis tenera prætexit arundine ripas, Hic ver purpureum, varios hic flumina circum De telles defcriptions ne produifent-elles pas à la fois & un défir ardent de voir ces lieux, & l'illufion qui fait qu'on croit les voir ? Eft-ce fur parole que M. l'Abbé de Lille s'écrie avec un enthousiasme fi vrai & fi brillant ? Hélas! je n'ai point vu ce féjour enchanté, Eft - ce fur parole qu'on admire ce trait d'une naïveté fi fine & fi voluptueuse? Malo me Galatea petit, lasciva puella, Et ce petit tableau d'une naïveté fi palfionnée ? Sepibus in noftris parvam te rofcida mala Jam fragiles poteram à terrâ contingere ramos. Quel homme de goût n'eft pas en état de fe rendre compte du plaifir que lui font ces images, toujours fi agréables ou fi touchantes, les fleurs & les ruiffeaux, les bois & leurs ombrages, les foins des trou» peaux,& les biens qu'ils donnent à l'homme; "tous ces objets qu'on ne fe laffe pas plus de رو رو دو " دو رو revoir dans les vers que dans les champs, » vers lefquels l'imagination des vrais Poëtes » fe retourne fi fouvent, dans les fujets » même qui les en éloignent, qu'Homère & » le Taffe retracent au milieu des combats & » du carnage, Lucrèce au milieu des fyftêmes abftraits d'une fauffe philofophie «<? C'est ainfi que s'exprime l'éloquent & heureux Panégyrifte de Fontenelle, M. Garat. » N’en» tend-on point, ajoute-t il, les douleurs les plus plaintives de l'Amour, & fes prières les plus ardentes dans cette Eglogue de » Virgile, où un Berger, tandis que la Na»ture entière repofe, accablée fous le poids des chaleurs, erre à travers les campagnes fans chercher même l'objet qu'il adore, & dans des difcours remplis de tout le » défordre de fa paffion, lui adresse, comme s'étoit préfent, des fupplications qui » ne font écoutées que des forêts & des » montagnes ? Quel tableau que celui de » Gallus fuccombant fous les maux de l'a» mour, entouré de troupeaux attentifs à a " douleur, interrogé tour à tour par tous »les Bergers & par tous les Dieux des champs, montrant, avant qu'il ait dit un "mot, la Nature entière émue & troublée de fa paffion, & quand il fort de ce filence, "ne prononçant pas un vers qui ne foit » digne des grands mouvemens que l'amour » & la douleur d'un Berger ont excités dans les cieux & fur la terre «! n " Voilà comme il faut voir & fentir ces objets. Il y a dans ces jugemens & ces analyfes autant de vraie philofophie que de fenfibilité. Et que dirons-nous de Fontenelle, en parlant de Paftorale ? » On fait des Eglogues de Fontenelle, dit M. de Florian, quel»ques jolis vers, qu'on n'a l'air d'avoir ap»pris que pour fe difpenfer de relire les » autres"? Voilà encore ce que nous fommes obligés de contredire; il nous femble que la plupart des Lecteurs maltraitent beaucoup plus Fontenelle dans la théorie que dans la pratique, & nous dirions volontiers de lui qu'on le condamne fur parole, tandis qu'on l'aime dans le fond de fon cœur. On le lit, & on le relit toujours avec plaifir; on n'en apprend point des vers; on en fait par cœur des Eglogues entières, fans les avoir apprises. Ecoutons encore fur ce point M. Garat, qui a examiné la question à charge & à décharge, & qui a vu fon objet de tous les côtés. Après avoir dit que Théo |