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ne le confi lérer que comme un morceau d'Hiftoire, eft fürement un des meilleurs qui aient été écrits dans notre fiècle. Quant aux qualités qu'il faut louer dans cet Eloge du Roi de Pruffe elles font en très-grand nombre & du plus heureux, du plus noble caractère. Il est difficile d'avoir un difcernement plus exquis des chofes & des hommes fans aucune affectation de fineffe & de profondeur, de s'élever, ou plutôt de fe trouver plus natuturellement à toute la hauteur de fon fujet. II eft dans ce Difcours, où tout eft grand, les faits & les idées, une certaine fimplicité qui paroît appartenir à un homme qui ne borne pas toutes fes efpérances de gloire à écrire de belles chofes. Ce n'eft pas ici un Ecrivain qui, après la mort d'un Monarque célèbre, raffemble laborieufement les faits de fon règne, tâche de les apprécier dans une méditation pénible, & les loue dans un Ayle où le Panégyrifte paroît dégradé fous le joug de l'admiration qu'il porte fon Héros on fent un homme qui s'eft occupé toute fa vie du génie & des actions qu'il célèbre, qui en a fait, pour ainfi dire, une partie de fon efprit & de fon ame; on diroit qu'apprennant la nouvelle de la mort de fon Héros au milieu d'une de ces armées qui furent les témoins & les inftrumens des victoires de Frédéric, l'Orateur guerrier eft allé fur le champ fe placer auprès des drapeaux en deuil, qu'il a pris la parole & a prononcé ce Panégyrique dans les premiers menvemens & ans les premières penfées de la douleur. Rien ne porte ici l'empreinte du travail; & le caractère qui diftingue le plus ce beau Difcours, eft le même que celui qui répand fur les Ecrits des Anciens un intérêt que les fiècles n'ont pu affoiblir : c'eft qu'il a

l'air d'être une production plutôt qu'une compofition.

Quels que foient les jugemens qu'on en porte en ce moment, on peut prévoir qu'il fera placé au rang des premiers Ouvrages de ce genre; de l'Eloge de Marc-Aurèle, par M. Thomas; de celui de Catinat, par M. de laHarpe.

Ne craignez pas, mon ami, que ce rapprochement de trois Difcours me ferve de prétexte à un parallèle: je dois finir d'écrire, & vous de lire. Ce feroit un morceau curieux & affez intéreffant peut-être aujourd'hui pour notre Littérature, qu'un examen des Ouvrages de ce genre, qui ont été couronnés ou publiés depuis vingt-cinq ans à peu près. L'efprit du fiècle s'y montre plus qu'ailleurs; il règne néceffairement une grande variété de tons & d'objets dans cette multitude d'éloges de Héros, de Monarques, de Philofophes, de Poëtes, de Médecins, de Savans. Dans fon Effai fur les Eloges, M. Thomas n'a pas pu faire cet examen, dont il doit être lui-même un des premiers fujets. J'ai ofé l'entreprendre & l'exécuter.. J'efpérois imprimer, cet hiver, ce morceau de Littérature affez étendu, à la tête de trois Eloges, les Eloges de Plutarque, de Montefquieu, de Rouffeau, d'un Difcours fur les facultés de l'entendement humain, fur les Ecrivains anciens & modernes qui en ont traité, & de quelques autres morceaux de Littérature; mais on a fi peu de temps pour fes travaux, pour fes paffions, pour fes efpérances ! hélas ! on en a fi peu, même pour fes douleurs ! La vie manque à tel point à nos projets & à nos fentiens! Je me preffe cependant, mon ami; je dérobe le plus de momens que je puis à ces travaux de tous les jours qui m'accablent, & ces morceaux que je vous annonce, vous les verrez bientôt paroître. Je fens qu'il eft dif

ficile de juger des Ecrivains avec lefquels on vit, ou qu'on peut rencontrer à tout instant: mais comme au befoin je les difpenferois d'être juftes à mon égard, ils ne doivent attendre de moi que de la juftice. Je ne me contenterai pas d'ofer tout penser, j'oserai tout dire je fens que je m'éloigne de cet heureux âgé d'indulgence & d'enthousiasme où l'admiration n'a point de bornes, & où la févérité donne des remords. Je ferai équitable, car rien ne difpenfe de l'être.

Adieu, mon ami, je ne vous parlerai plus de Paris, d'où je vais m'éloigner encore davantage. Les Pyrénées font devant moi, & c'eft là. que je veux vous conduire, &c. &c. &c.

SPECTACLE S.

COMÉDIE FRANÇOISE.

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E Mercredi 23 Janvier, on a repréfenté pour la première fois les Réputations, Comédie en cinq actes & en vers.

La Marquife de.... a la manie de la protection & de la bienfaifance; fa jouiffance habituelle eft de travailler à faire des réputations; auffi ce foin, auquel elle fe livre toute entière, la détourne-t-il de tout ce qui regarde fa famille. Elle a deux enfans; l'aîné eft marié à une femme très

aimable, & le fecond eft amoureux d'une jeune orpheline nommée Lucile, dont le Marquis eft le bienfaiteur, que la Marquife fa mère a l'air de protéger, & que celle-ci deftine à devenir l'époufe d'un M. Damon, dont nous allons parler à l'inf-, tant. La Marquife ne s'occupe de rien de ce qui pourroit contribuer à l'avancement & au bonheur de fes enfans, qu'elle traite comme des étrangers; mais elle prodigue fes complaifances à un Médecin ignorant, homme à nouvelle doctrine, qui ne la guérit pas, mais qui dîne chez elle'; à M. Damon, prétendu Homme de Lettres, qui n'écrit point, qui n'imprimerien mais qui a l'art de fe faire attribuer tous les Ouvrages anonymes de quelque importance, à mefure qu'ils paroiffent; en

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à un M. Valère, Auteur nouvellement fifilé, pour avoir, par vanité, renoncé au prudent fyftême de M. Damon. Ce qu'il y a de remarquable, c'eft que tous ces perfonnages font bas, vils, lâches, mépri-. fables, nuls de toute nullité, que la Marquife le fait, qu'elle le leur fait entendre, & qu'elle ne les en protége pas moins. Les perfonnes qui compofent la fociété ordinaire de la Marquife, comme auditeurs amateurs ou admirateurs, ont des connoiffances proportionnées à la hauteur des talens de ceux qu'elle fait prôner. C'eft en vain qu'un frère de la Marquife cherche à éclairer fa fœur fur les gens qui l'entourent, &

fur fes véritables devoirs; il ne peut y par venir. Cependant le Chevalier a fait un Poëme qui a du fuccès, & que l'on attribue à Damon : la Marquife a lu ce Poëme, qui lui a paru fort eftimable; elle frémit de voir un fuccès dont elle n'eft pas le premier auteur, & elle en parle à Damon, auquel elle remet des notes fur l'Ouvrage. Celui-ci, qui, dans une affemblée tenue chez la Marquife, s'eft apperçu que fon fils le Marquis cherchoit à le démasquer, vient le trouver, lui propofe la paix, & pour l'obtenir, il fait lâchement l'aveu de fa turpitude, & des moyens par lefquels il a ufurpé une réputation; il endure trèspatiemment le perfiflage amer & déchirant du Marquis, celui de la jeune Marquife; & puis, après une telle conduite, il revient fur fes pas, profite des notes qui lui ont été remifes par la Marquife, pour fe dire autorifé à faire déchirer le Poëme, & mande des Journalistes auxquels il fait leur thême en conféquence. Ceux-ci font furpris dans leur travail par l'oncle des jeunes gens; ils prennent la fuite. Damon, accufé par cet oncle devant le jeune Marquis, fe replie fur luimême pour efquiver les reproches qu'il mérite. Alors la famille prend ou feint de prendre le parti d'abandonner abfolument la Marquife. Les vils protégés, qui prévoient ce qu'on penfera dans le public d'une pareille défertion, fe propofent de faire retomber tout le blâme fur leur feule protec

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