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Fleuve dont j'ai vu l'eau limpide
Pour réfléchir ses doux attraits,
Suspendre sa course rapide,
Je vais vous quitter pour jamais.

Prairie où dès nos premiers ans
Nous parlions déjà de tendresse,
Ou bien avant notre jeunesse

Nous paffions pour de vieux Amans ;
Beaux arbres où nous allions lire

Le nom que toujours j'y traçais,
Le feul qu'alors je fuffe écrire;

Je vais vous quitter pour jamais.

Tout cela eft bien dans le ton doux & fimple de l'Elégie pastorale, excepté peut-être

ce vers:

Nous passions pour de vieux Amans.

Ce n'eft peut-être qu'une fauffe délicatesse; mais ce vers nous paroît moins un trait de naïveté, qu'une expreffion effentiellement confacrée à la plaifanterie, & Némorin n'est point en fituation de plaifanter. Raimond va faire un voyage, & à fon retour il doit unir Eftelle avec Méril. Au jour marqué, il ne revient point; on l'attend vainement encore les jours fuivans; Méril part pour en aller apprendre des nouvelles des Pirates Espagnols étoient venus furprendre Maguelonne, où Raimond étoit allé; ils avoient rempli cette ville de carnage, on ne favoit ce qu'étoit

devenu Raimond: Méril s'expatrie. Après plufieurs mois de larmes données à la perte de Raimond, Marguerite fe fouvint de Némorin, à qui elle avoit toujours éré favorable; on peut croire qu'Eftelle s'en fouvenoit mieux encore: les efpérances de Némorin renaiffent, il revient dans fon pays, & auprès de fa Maitreffe; il reconnoît fur tous les arbres les anciens chiffres qu'il y avoit gravés; il s'écrie:

Je vous falue, ô lieux charmans!
Quittés avec tant de trifteffe,
Lieux chéris, oùì de ma tendresse
Je vois par-tout les monumens,
Lorfqu'une févère défense
M'exila de ce beau féjour,
J'en partis avec mon amour,
Et j'y laiffai mon efpérance,

J'ai retrouvé dans d'autres lieux,
Des caux, des fleurs, & de l'ombrage;
Mais ces fleurs, ces eaux, ce feuillage
N'avoient point de charme à mes yeux.

On n'eft bien que dans fa Patrie;
C'est là que plaifent les ruiffeaux ;
C'est là que les arbres plus beaux
Donnent une ombre plus chérie,

Qu'il eft doux de finir fes jours
Aux lieux où commence la vie,
D'y vieillir près de fon amie,
Sans changer de toit ni d'amour!

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Némorin alloit époufer Eftelle; Raimond arrive avec Méril; Méril avoit fu que Raimon emmené par les Efpagnols, étoit captif à Barcelone; il avoit vendu tous fes biens pour délivrer fon ami; Raimond préfente fon libérateur à fa femme & à La fille; il prend Eftelle en particulier, & lui montrant fur fes bras meurtris les marques encore récentes de fes chaînes : Quel jour, lui dit-il en la regardant, époufes-tu mon Libérateur? La réponse d'Eftelle eft fublime: Demain, dit elle.

Le facrifice eft confommé; Némorin va chercher la mort. Il ne trouve que la gloire, la gloire de fervir fon pays fous l'immortel Gafton de Foix, neveu de Louis XII. Un foir étant dans la ville.de Nifmes, qui venoit de foutenir un fiége très-meurtrier, il diftingue à travers les ténèbres, dans un cimetière, une femme, en habits de deuil, à genoux fur une foffe; il l'entend prononcer ces paroles :

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"O toi qui poffédas de mon cœur tout ce qu'il pouvoit accorder à l'eftime! toi qui voulus me rendre heureuse, & dont je n'ai pas fait le bonheur, pardonne, » mon digne époux ! pardonne-moi de m'être toujours dérobée à ton chafte » amour, d'avoir accepté le facrifice de tes pudiques défirs. Je l'ai dû, je n'étois pas digne de toi. Tu méritois une épouse » dont le cœur t'appartint tout entier, & » le mien ne put jamais éteindre la pre» miore

"

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"mière flamme dont il a brûlé. Ah! du moins fi de ta célefte demeure tu lis » dans le fond de mon ame, tu ne peux » pas douter de la fincérité de mes regrets. » Les larmes amères qui baignent ta tombe, doivent te prouver que mon respect » & mon amitié pour toi m'étoient auffi chers que mon premier amour «.

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Quelle autre qu'Eftelle pouvoit tenir ce langage? Eftelle échappe à Némorin, qu'elle eft effrayée & confufe de retrouver fur la tombe de Méril; mais une telle rencontre ne pouvoit être fans effet. Ils fe revoient; & Gafton, qui, témoin d'une action héroïque de Némorin, s'intéresse vivement à lui, obtient pour lui la main d'Estelle, de l'aveu de Raimond, que Némorin dédommage du gendre vertueux qu'il avoit perdu.

Nous avons déjà dit que Raimond avoit quelque reffemblance avec le Baron d'Etanges. On pourroit trouver auffi que. Marguerite a pour fa fille l'indulgence de la Baronne d'Etanges pour Julie; que Rose, amie fidelle de Julie, correfpond à Claire; qu'il y a enẩn une forte de conformité entre la fituation générale d'Eftelle & celle de Julie;, mais la forme & les détails appartiennent en propre à l'Auteur, & ces détails font charmans. L'épisode d'Ifidore & d'Adélaïde eft auffi d'un grand intérêt.

Parmi les Chanfonnettes paftorales dont cet Ouvrage eft rempli, & dont nous avons No. 3. 19 Jany. 1788.

F

déjà cité plufieurs, nous ne devons point omettre celle-ci, que chante Eftelle dans un moment où elle ignore le lieu de la retraite de Némorin.

Ah! s'il est dans votre village
Un Berger fenfible & charmant
Qu'on chériffe au premier moment,
Qu'on aime enfuite davantage;
C'est mon ami: rendez-le moi;
J'ai fon amour, il à ma foi.

Si par fa voix tendre & plaintive
Il charme l'écho de vos bois ;
Si les accens de fon hautbois
Rendent la Bergère penfive;
C'est encor lui: rendez-le moi ;
J'ai fon amour, il a ma foi.

Si, même en n'ofant rien vous dire,
Son feul regard fait attendrir;
Si, fans jamais faire rougir,
Sa gaîté fait toujours fourire;
C'est encor lui : rendez-le moi;
J'ai fon amour il a ma foi.

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Si, paffant près de sa chaumière,

Le pauvre, en voyant fon

Ofe demander un agneau,

troupeau,

Et qu'il obtienne encor la mère;
Oh! c'eft bien lui: rendez-le moi;

J'ai fon amour, il a ma foi.

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