صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

se laisser éblouir et absorber par l'impérieuse personnalité de Pascal. Le contraste est si complet entre son génie et la médiocrité de ses adversaires. Comment veut-on qu'avec un style si trainant et si lourd, ils aient raison pour le fond? Disons seulement que, comme il arrive toujours en pareil cas, bien des coups furent portés à faux. Je ne parle pas que des jansénistes : ceux-là aussi qui soutenaient l'orthodoxie catholique et romaine, qui se plaignaient, et il y avait de quoi, d'être calomniés, eussent sagement fait parfois d'envisager les choses avec plus de calme, de laisser absolument de côté les polémiques personnelles, et surtout d'y regarder à deux fois avant d'accepter les bruits qui couraient et dont ils ne pouvaient toujours établir le bien fondé. Il était si facile alors de répliquer à ceux qui criaient à la calomnie, «< calomniateurs vousmêmes! >>

Quant à la malencontreuse Apologie des casuistes, par le Père Pirot, qui fit, en son temps, plus de mal aux Jésuites que les Provinciales elles-mêmes, elle démontre une chose la proverbiale habileté de ces religieux, est, avec une foule d'autres assertions, à reléguer au nombre des fables. Etourdis sous le coup qui venait de leur être porté, ils n'ont pas vu où était le vrai danger, par où leur position était solide, par où ils étaient vulnérables.

Le casuiste voulut trop prouver et il gâta une cause qui n'était point si mauvaise. Son confrère, le Père de Champs, dans sa Quæstio facti, s'était contenté de venger, à grand renfort de citations, le probabilisme du

reproche de nouveauté réplique. Mais Pirot, non content d'établir que les solutions reprochées à certains Jésuites ne leur étaient pas particulières, voulut encore les justifier il n'arriva qu'à prouver, par un fait nouveau, qu'il y avait bel et bien du laxisme dans l'air; et immédiatement, censures, pamphlets, mandements, factums, de pleuvoir. A lui tout seul le Père Pirot en provoqua une soixantaine. L'orage se termina, pour lui, par la condamnation de son livre en cour de Rome (1).

on ne lui donna guère la

Pour comble de disgrâce, exactement à la même date, le Père Pirot avait son émule en maladresse audelà des Pyrénées.

Vers 1652 avait paru un pamphlet d'un certain Grégoire Esclapès, intitulé « Manifeste aux fidèles du Christ sur les doctrines perverses qu'enseignent, défendent,

(1) Et. de Champs. Quæstio facti. Utrum Theologorum Societatis Jesu propriæ sint istæ sententiæ dua: Prima, ex duabus opinionibus probabilibus possumus sequi minus tutam. Secunda : Ex duabus opinionibus probabilibus licitum est amplecti minus pro`babilem. Paris, 1659.

G. Pirot. Apologie pour les casuistes contre les calomnies des jansenistes. Où le lecteur trouvera les vérités de la morale chrestienne si nellement expliquées et prouvées avec tant de solidité qu'il luy sera aisé de veoir que les maximes des jansenistes n'ont que l'apparence de la vérité, et qu'effectivement elles portent à toutes sortes de pêchés et aux grands relaschemens qu'elle blasme avec tant de sévérité. Paris, 1657. Voir la liste des livres publiés contre le Père Pirot dans Sommervogel, VI, col. 857 et suivantes.

Sur la publication du livre, l'opposition qu'elle rencontra chez les supérieurs de Paris, et l'idée inexacte que se faisaient de la situation ceux de Rome, voir Rapin, Mémoires, t. III, p. 14.

pratiquent universellement les Jésuites » (1). On répliqua par un opuscule ayant pour titre : « Ladreme il Perro, y no me muerda, le chien aboic mais ne mord pas » signé Juan del Aguila (1653). L'auteur tout le monde. alors avait le goût des pseudonymes, était le Père Mathieu de Moya, professeur de philosophie et de théologie. Il soutenait, thèse indiscutable, que les doctrines mises sur le compte des seuls Jésuites, avaient été enseignées par d'autres, bien avant qu'il y eût des Jésuites au monde. Par respect, disait-il, pour ces anciens théologiens, il ne se permettait pas de les censurer. Mais croyant que l'auteur du Manifiesto était dominicain, il avait pensé pouvoir puiser surtout chez les dominicains. Cette fois ce fut bien un dominicain qui répondit. Le Teatro Jesuitico, que nous retrouverons plus loin, imprimé soi-disant à Coïmbre, parut en 1654, signé Francisco de la Piedade, de son vrai nom le Père Jean de Ribas.

On n'en resta pas là. De Moya reprit la plume, et, cette fois sous le nom d'Amaedeus Guimenius, il opposa au Teatro son Opusculum singularia universae fere theologiae moralis complectens, qui reproduisait en l'accentuant, son premier ouvrage. Le point de vue était toujours purement apologétique et historique. Il rapprochait, comparaît les propositions et ne les jugeait pas. Il se défendait dans la préface d'attribuer la moindre probabilité aux opinions qu'il exposait. Il s'en

(1) Manifiesto a los Fieles de Christo, de las Doctrinas perversas que ensenan, defienden y praclican universalmente los Jesuitas.

expliqua lui-même nettement plus tard dans une lettre à Innocent XI (1681). Il eût sagement fait de s'en tenir là. Malheureusement, dans une troisième édition (Cologne 1665), il voulut discuter, condamner, absoudre et, il est bien difficile de le nier, certaines solutions sont empreintes de laxisme.

L'effet produit fut lamentable. Toute une littérature pullula autour du malencontreux Opusculum, comme en 1657 autour de l'apologie du Père Pirot. Condamné immédiatement en Sorbonne (1665), puis par Alexandre VII (1666), il fut traité de cloaca, sterquilinium, latrina casuistarum. Bossuet devait traduire ce latin dans sa formule célèbre « les ordures des casuistes >>. Ce que Rome a condammé reste condamné, et de Moya est, avec Pirot, un des spécimens authentiques des tendances au relâchement contre lesquelles il était urgent de protester. Mais au lieu de montrer, ce qui était vrai du reste, que la soi-disant morale des Jésuites n'était pas plus la leur que celle des autres, que n'ontils plutôt, l'un et l'autre, établi la thèse que le Père G. Daniel, en 1694, se faisait fort de prouver : « Quand un docteur Jésuite a donné dans ses livres une décision (certainement) mauvaise..... le sentiment contraire..... a été aussi le sentiment commun des théologiens de la Société » (1). Cela n'eût point suffi pour arrêter le jeu intempérant des polémiques : la balle eût encore rebondi cent fois; du moins certains coups maladroits

(1) Daniel, Seconde lettre au R. P. Alexandre; Recueil de divers ouvrages, t. II, p. 27. Sur l'Opusculum, cfr. Sommervogel, t. V,

col 1349-1355.

n'eussent pas été donnés, que les adversaires ne pouvaient manquer de souligner par leurs clameurs.

Ces deux aventures du Père Pirot et du Père de Moya ne sont que des épisodes dans la guerre intense qui se menait en ce temps là. Pascal avait terminé sa dix-huitième Provinciale en louant la patience des gens de Port-Royal « si religieux à se taire ». S'ils se taisaient. alors, c'est que lui parlait, et qu'il parlait bien. Qui les eût écoutés? Mais Montalte avait cru devoir se taire; eux alors aussitôt de reprendre leurs clameurs.

L'année même des Provinciales, Port-Royal mettait sur le compte des « curés de France » la Nouvelle théologie morale des Jésuites et des nouveaux casuistes. En 1658, Nicole, sous le nom de Wendrock, donnait sa traduction latine annotée des Petites Lettres où ses meilleurs arguments contre le probabilisme sont empruntés, sans qu'il s'en vante, au Père Comitolo..., un Jésuite égratigné en passant par Pascal. Mais on prend son bien où on le trouve. Passons par dessus plusieurs années... En 1667 parait la Morale des Jésuites extraite fidèlement de leurs livres, par un docteur de Sorbonne. Le docteur s'appelait Nicolas Perrault, le frère de l'architecte et de l'auteur des Contes. Dans la préface, il est dit qu'on se passe de l'imprimatur de l'Ordinaire, parce qu'il n'est pas à propos « d'exposer les approbateurs au ressentiment d'une Compagnie qui a pour maxime qu'elle peut en conscience tuer tous ceux qu'elle prétend nuire à sa réputation » (1). Le but

(1) Maynard, II, 308.

« السابقةمتابعة »