صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

de clairement prouvés; mais, après avoir recueilli et confronté une masse de témoignages, soit des amis, soit des ennemis ou des neutres, j'ose affirmer que l'obéissance des missionnaires Jésuites de Chine, dans leur ensemble, a été ce qu'elle devait être » (2).

IV

Or, c'est précisément ce qu'il ne fallait pas laisser croire au public, et l'infatigable jansénisme se hâta d'ajouter un chapitre nouveau à sa littérature antijésuitique, déjà si chargée pourtant, et que, pendant tout le xvme siècle, il ne cessa d'allonger de productions nouvelles.

C'est le temps où, toutes les semaines, les Nouvelles ecclésiastiques, petite feuille fondée en 1727, et qui ne disparaîtra qu'en 1803, mène la campagne en faveur de la secte et cueille par toute la France tous les faits divers << molinistes ». Jean-Antoine Gazaignes, ou l'abbé Philibert, compile ses Annales des soi-disant Jésuites, cinq gros volumes in-4o, contenant, par ordre chronologique, et enrichis de notes incroyables, « tous les Actes et Ecrits authentiques, Dénonciations, Avis doctrinaux, Requêtes, Ordonnances, Mandements, Instructions pastorales, Décrets, Censures, Bulles, Brefs, Edits, Arrêts, Sentences, Jugements émanés des Tribunaux

(1) Jos. Brucker, Etudes, 1896, t. I, p. 509.

ecclésiastiques et séculiers contre la doctrine, l'enseignement, les entreprises et les forfaits des soi-disant Jésuites depuis 1552, époque de leur naissance en France ». Le recueil devait aller jusqu'en 1762; il s'arrêta à l'année 1668 et c'est presque dommage, l'encyclopédie antijésuitique eût été complète.

On ne s'en tenait plus alors aux faux documents, on multipliait les fausses histoires.

Les protestants avaient donné l'exemple des romans bâtis de toutes pièces. En 1598, ils avaient inventé l'histoire du Père Henri Mangot, Jésuite, brûlé à Anvers pour crimes infâmes. Enquête faite et publiée, c'était une pure calomnie (1).

Les jansénistes du xvIIe siècle ne dédaignèrent pas de la relever. Mais voici qui est de leur crû. C'est en 1724, l'histoire d'Ambroise Guis, assassiné par les Jésuites de Brest qui convoitaient sa fortune; en 1731, celle du Père Girard, de Toulon, brûlé à Aix comme sorcier, libertin et quiétiste; en 1732, l'histoire, - ceci est la perle de l'écrin, du Père Chamillard, mort janséniste impénitent, appelant de la bulle Unigenitus, thaumaturge, et... qui ressuscita tout à coup pour tout démentir (2).

(1) Sommervogel, au mot Coton (t. II, col. 1540, in-4°) et Richeome (t. VII, col. 1818, in-6); Prat, Recherches, t. I, p. 673; CrétineauJoly, t. V, ch. 3.

(2) Crétineau-Joly, t. V, ch. 111, fin. Le Père Girard avait eu le tort de trop croire aux vertus d'une de ses pénitentes, nommée la Cadière, et il en parlait sans discernement. Alors elle feignit les extases. Le

Quand on sert au public de pareilles histoires, après tout faciles à vérifier, car Brest, Aix ou Toulon ne sont pas au bout du monde, on peut bien lui en préparer d'autres dont on mettra la scène en Chine, aux Indes, aux Antipodes. Il n'y aura personne pour y aller voir; et si les missionnaires incriminés s'avisent de répondre, comme il faut un an pour qu'on leur porte la calomnie et un an pour que la réplique soit renvoyée, le roman aura eu tout le temps de faire son chemin. On ne renonce pas facilement à une fable qu'on a crue pendant deux ans. A ces féconds inventeurs, la question des rites, et tout spécialement la légation du cardinal de Tournon, va fournir un excellent terrain. La grosse calomnie y germera touffue, pullulante, indéracinable. Naturellement on n'avance rien que sur pièces authentiques, autographes, que l'on peut aller voir à Rome, aux archives de la Propagande.

Et voici, par exemple, l'auteur anonyme des Anecdotes de l'état de la religion dans la Chine, Villermaules, dit l'abbé de Villers. Le fond de son pamphlet en sept volumes est composé de la relation de Mer de Tournon. Un autre légat, Mezzabařba, l'a vue, nous assure-t-il, corrigée et approuvée; on doit l'en croire sur parole, car on ne montre pas l'approbation. Lui-même se donne pour ancien missionnaire (il l'a été, mais au Canada, d'où on l'a chassé), ce qui ne l'empêche pas d'écorcher les mots chinois, d'ignorer les mœurs et la géographie,

confesseur se défia et chercha à s'en débarrasser. Les ennemis des Jésuites s'emparèrent de l'histoire pour l'exploiter. Girard fut accusé de plusieurs crimes énormes, examiné par le parlement d'Aix et absous.

tout comme un vulgaire docteur de Sorbonne. A coup sûr, il a lu et médité la Morale pratique, car pour lui les Jésuites sont l'Antéchrist en personne, à preuve une vieille prophétie du xive siècle qui les a clairement désignés. Pour lui encore, et cette déclaration équivaut à une signature, la constitution Unigenitus n'a pas de pires ennemis, « comme on est en état de le démontrer à tout le monde chrétien, avec la clarté des rayons du soleil »> (1).

Jugeons de la valeur de l'ensemble par un détail, mais caractéristique. L'auteur crut pouvoir s'en prendre personnellement au Père de Goville. A l'en croire, ce missionnaire avait bien signé le formulaire de Clément XI, mais il avait ensuite déclaré que ces actes de Rome étaient sans conséquence, qu'on pouvait, comme si de rien n'était, continuer à offrir des présents aux tablettes de Confucius. Il avait donné des consultations en ce sens, et cela par écrit. Une copie en avait été envoyée à la Propagande où l'on pouvait la voir. Sur quoi, ordre du Pape au Père Général d'avoir à faire revenir le Jésuite parjure. Comme il n'obéissait pas, on envoya de Canton l'autographe même du Père de Goville. Nouveaux ordres de renvoi, nouvelles tergiversations.

(1) Anecdotes de l'élat de la religion dans la Chine, ou Relation de M. le cardinal de Tournon, patriarche d'Antioche, visiteur apostolique, avec pouvoir de légat a latere à la Chine, écrite par lui-même, 7 vol. in-12, 1734-1742. Les accusations contre le Père de Goville sont au tome IV. On trouve ses réponses dans les Mémoires de Trévoux, décembre 1735, p. 2625 et 1736, p. 2412. Elles sont reproduites dans plusieurs éditions des Lettres édifiantes et curieuses, par exemple, édit. 1819, t. II, p. 1-45.

Cela dura plusieurs années pendant lesquelles intervinrent, l'un après l'autre, le Père Général, le Père Visiteur, la Congrégation de la Propagande. Durant ce temps, lui se faisait l'accusateur d'un ecclésiastique, et il se livrait au commerce de l'or. Contraint enfin à s'embarquer sur le premier vaisseau en partance il avait trouvé le moyen de prolonger indéfiniment son voyage.

Pour entrer en des détails aussi précis, il fallait être ou bien audacieux dans le mensonge, ou bien sûr de ses preuves. Car, au moment où Villermaules imprimait tout cela, le religieux par lui mis sur la sellette était en France, où il s'occupait des affaires de sa mission.

La réponse ne tarda pas. Pour ce qui est du commerce de l'or, le Père de Goville apporta diverses attestations de gens qui l'avaient connu à Canton, et le justifiaient complètement, entre autres celles du directeur de la Compagnie des Indes. On pouvait aller voir les originaux chez un notaire où ils étaient déposés. Il ajoutait un détail intéressant. Ainsi qu'il arrive souvent, à la base de la calomnie il y avait un fait réel. Souvent, comme il était très au courant des poids et mesures de Chine, il avait prêté son concours aux marchands dans leurs transactions pour les empêcher d'ètre dupés. Sur tout le reste il opposait le démenti le plus catégorique, soulignait jusqu'à dix contradictions dans le récit qu'on faisait de ses crimes, mettait l'auteur des Anecdotes au défi de prouver une seule de ses allégations. En particulier jamais l'Archiviste de la Propagande ne pourrait produire la consultation dont on parlait, pour cette

« السابقةمتابعة »