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le moins qu'on puisse donner à un juge dont le tribunal est si élevé que de lui laisser le temps qu'il croit nécessaire pour instruire exactement le procès qu'il doit juger?...

<«< Il ne s'agit point de condamner les opinions des missionnaires de la Chine; on ne dispute sur aucun point dogmatique. D'un côté, les Jésuites ne croient pas moins que leurs adversaires que ce culte doit être retranché s'il est religieux; d'un autre côté leurs adversaires ne reconnaissent pas moins qu'eux que ce culte ne devrait point être retranché, de peur de troubler tant d'églises naissantes et de casser le décret d'un Pape comme favorable à l'idolâtrie, supposé que ce culte fût purement civil. Tout se réduit donc à une pure question de fait. Les uns disent: Un tel mot chinois signifie le ciel matériel; les autres répondent : il signifie aussi le Dieu du ciel. Les uns disent Voilà un temple, un autel, un sacrifice; les autres répondent : Non, ce n'est suivant les mœurs et les intentions des Chinois qu'une salle, une table et qu'un honneur rendu à de simples hommes sans en attendre aucun secours. Qui croirai-je? Personne. Chacun, quoique plein de lumière, peut se prévenir et se tromper. Les relateurs non suspects assurent qu'il faut une très longue étude pour bien apprendre la langue chinoise. Les mœurs et les idées de ces peuples, sur les démonstrations de respect, sont infiniment éloignées des nôtres. D'ailleurs nous savons par notre propre expérience que les signes qui expriment le culte religieux peuvent varier selon les temps et les usages de chaque nation. Le même encens qui exprime

le culte suprême, quand on le donne à l'Eucharistie, ne signifie plus le même culte, dans le même temple et la même cérémonie, quand on le donne à tout le peuple et aux corps même des défunts. On rend dans nos églises, le vendredi-saint, à un crucifix d'argent ou de cuivre des honneurs extérieurs qui sont plus grands que ceux qu'on rend à Jésus-Christ même dans l'Eucharistie, quand on l'expose sur l'autel. L'officiant ôte ses souliers le vendredi-saint, et tout le peuple se prosterne dans la cérémonie de l'adoration de la croix. Ainsi, on donne de plus grands signes de culte en présence du moindre objet, et l'on donne des signes de culte qui sont moindres en présence de l'objet qui mérite le culte suprême. Quel Chinois ne s'y méprendrait pas s'il venait à examiner nos cérémonies? Les protestants euxmêmes qui sont si ombrageux sur le culte divin, et qui auraient horreur de saluer en passant une image du Sauveur crucifié, ont réglé cependant que chaque proposant se mettra à genoux devant le ministre qui doit lui imposer les mains, etc. Il est donc évident par tant d'exemples que les signes du culte sont par eux-mêmes arbitraires, équivoques et sujets à variation en chaque pays à combien plus forte raison peuvent-ils être équivoques entre des nations dont les mœurs et les préjugés sont si éloignés.

« Toutes ces règles ne prouvent point que le culte chinois (plus exactement, que telle cérémonie non proscrite par les Jésuites) soit exempt d'idolâtrie mais elles suffisent pour faire suspendre le jugement des personnes neutres... Que ceux qui savent à fond la

langue et les mœurs chinoises aient impatience de voir ce culte condamné, s'ils le croient idolatre; pour moi, qui ne sais aucune de ces choses, je suis édifié de voir que le Pape veut s'assurer sur les lieux, par son légat, des faits qui sont décisifs sur une pure question de fait »> (1).

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Rome ne se pressait donc pas. L'enquête du SaintOffice commencée en 1697 dura jusqu'en 1700. Le décret ne fut signé qu'en 1704, et promulgué seulement en 1709 par Clément XI. De son côté, le légat Maillard de Tournon, aux Indes et en Chine, avait enjoint aux missionnaires de supprimer un certain nombre de pratiques. A-t-il toujours procédé avec toute la circonspection voulue? Plusieurs en ont douté. Quoiqu'il en soit des formes dont son entourage est peut-être plus responsable que lui, ses actes, pour le fond, furent confirmés en 1710, et, du même coup, défense fut faite aux divers partis de rien publier désormais sur la querelle des rites sans l'imprimatur de l'Inquisition. Décisions fort graves. Le Saint-Siège devait savoir que, de l'humeur dont, en ce temps là, était l'empereur de

(1) OEuvres complètes, Paris, 1850, t. VII, p. 556 et suivantes. Lettres du Père de la Chaize à Fénelon, 12 septembre 1702; réponse de Fénelon, septembre 1702; lettre du même aux directeurs du séminaire des Missions étrangères, 5 octobre 1702.

Chine, Kang-Hi, l'on pouvait s'attendre, si les prohibitions du légat étaient maintenues, à la persécution, et probablement aussi à la ruine des églises Mais il y allait d'une question de principes: à l'Eglise universelle il fallait épargner, en matières doctrinales, l'ombre même d'un soupçon. Ce qu'un Pape avait toléré, un autre Pape l'interdit. Les Jésuites étaient condamnés.

Dans tout le cours de cette pénible controverse, aucune insulte gratuite, aucune diffamation ne leur avait été épargnée. Que leurs contradicteurs catholiques et eux-mêmes, aient apporté à soutenir leurs idées une ardeur singulière, que l'irritation se soit fait jour d'une façon superflue à notre gré, qui pourra s'en scandaliser de bonne foi? Tous croyaient défendre, avec la vérité, le bien des âmes et la gloire de Dieu. Mais derrière ceux dont l'opinion, en fin de compte, devait avait gain de cause au tribunal suprême, les intrigants ne manquaient pas, et les calomnies allaient leur train.

Les Jésuites ne faisaient rien que pour des vues humaines. Le succès avant tout, c'était leur programme. Ils dispensaient les néophytes des lois de l'Eglise, jeûne, communion pascale, confession annuelle: en revanche, ils les autorisaient à contribuer de leur argent aux fêtes païennes. Ils permettaient, non seulement de faire devant les tablettes de Confucius, des prostrations et des encensements, mais de prier le philosophe, le << Saint », de lui demander esprit, science, sagesse, de le remercier des grâces reçues. Et puis quelles méthodes apostoliques! Avait-on idée de saint Paul, se présentant

pour convertir les Césars avec des cartes de géographie, des globes, des sphères, des miroirs, des horloges, des épinettes !

« C'est avec ce nouveau genre de filets évangéliques qu'ils allaient à la pêche des âmes... Reconnait-on à ces filets des ministres du Dieu des chrétiens? » Les estampes venaient en aide au texte. Et voici par exemple, dans une gravure magnifique, le triomphe du Père Martini. En grand costume de mandarin, il se prélasse dans un tròne superbe, porté sur les épaules de ses satellites. A ses pieds, un grand coffret avec cette inscription, le « sceau du roi ». En avant le grand parasol de cérémonie. Devant, derrière, une interminable file de soldats, de bannières, d'insignes. Qui aura l'idée de faire le sceptique devant une si belle estampe? (1)

On pense bien que l'arrêt de Clément XI, et le Décret qui interdisait de poursuivre les polémiques, s'il ferma la bouche aux Jésuites, ne fut pas pour gêner beaucoup certains adversaires. Une campagne nouvelle commença sur nouveaux frais. Les obstinés appelants de la Bulle Unigenitus, se voilèrent la face devant l'exemple d'insubordination donné, disaient-ils, par les inventeurs de l'obéissance aveugle. Et ils découvrirent «< un complot insensé contre la Bulle Ex illa die, un concert impie pour ne se soumettre jamais, une désobéissance ouverte et scandaleuse, une révolte enfin devenue aussi naturelle à la Société que la nécessité de respirer pour

(1) Annales des S. d. Jésuites, t. III, vij et suiv., 320 et suiv.

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