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nés par les congrégations romaines. Mais en toutes ces querelles on oubliait par trop l'adage juridique : Audiatur et altera pars.

Or, l'autre parti pouvait-il toujours se faire entendre? Le Père Le Tellier avait, sur le fait des missionnaires, répondu à la Morale pratique. Son ouvrage avait paru, avec l'approbation de l'évêque de Québec, Mgr de Laval, de sainte mémoire, lequel, ayant vu à l'oeuvre les Jésuites du Canada, appelait le livre d'Arnauld un grand scandale (1). L'auteur expliquait pourquoi l'on avait tardé à répondre. A quoi bon? disait-il. Cela empêchera-t-il la calomnie d'aller son train? Faisons comme le roi qui laisse crier ses ennemis de Hollande et ne se met pas en peine de les réfuter.

<«< Que servira-t-il aux Jésuites de la Chine d'avoir esté les premiers, et presque les seuls, qui se soient soumis, et sans la moindre résistance, aux Vicaires apostoliques dès qu'ils y ont paru en 1684; si cela n'a pas empêché leurs ennemis de publier encore l'été passé par la plume de leur secrétaire, le Gazetier de Hollande, que le Saint-Père était extrêmement irrité contre eux? etc... (2).

Que servira-t-il aux Jésuites d'Allemagne d'avoir une attestation signée par quatre des principaux conseillers de M. l'électeur Palatin, tous protestants, dans laquelle ils témoignent que l'histoire du Jésuite,

(1) C. de Rochemonteix, Les Jésuites de la Nouvelle-France, t. I, p. XXII, Paris, 1895.

(2) Sur cette question des Vicaires apostoliques, voir Etudes, 1896, t. I, p. 504, article du Père Jos. Brucker, Histoire des Missions.

contrefaisant une voix du ciel pour tromper ce prince et l'animer à la destruction de l'hérésie, n'est qu'une pure fable? Le Gazetier hollandais continuera à parler de la fourberie des Jésuites. Il continuera à dire que ce sont les Jésuites qui, par leur avarice et leurs conseils, ont engagé l'empereur dans sa guerre contre les Hongrois; que le peuple de Vienne irrité en a massacré plusieurs qui voulaient se sauver à l'approche des Turcs; que c'est eux, et non pas, comme il l'avait dit un peu auparavant, quatre Turcs déguisés, qui ont brùlé Stockolm l'an dernier.

<< Il y aura toujours, continue Le Tellier, des Barnets en Angleterre, des Jurieux en Hollande et des XXX en France pour adopter de semblables histoires » (1).

il

Ce qui le rassure, c'est que, pour un qui les attaque,

Ꭹ en a vingt qui les défendent. Pour un Melchior Cano, il y a Louis de Grenade, Jean d'Avila, Thèrèse de Jésus, Barthélemy des Martyrs. Henri IV peut les consoler de l'avocat Arnauld, et Innocent X de Palafox.

Et puis il y a cette piquante constatation : leurs ennemis ne s'entendent guère. Ecoutez les protestants : les Jésuites, c'est la moelle et la quintessence du papisme; mais écoutez les jansénistes: le plus grand malheur pour l'Angleterre catholique, c'est d'avoir des missionnaires Jésuites. En France, on les trouve trop espagnols et trop français en Espagne. L'auteur du livre intitulé la Politique du clergé de France (Jurieu) les montre tout dévoués à la maison d'Autriche, par con

(1) Pages 28, 29, 32.

séquent il faut les bannir et protéger les huguenots. Un autre, ailleurs, publie une brochure : « L'empereur et l'empire sont trahis, comment? et par qui? » par les Jésuites. En Angleterre, ils sont les émissaires du Pape; en France, le Saint-Siège n'a pas de plus grands ennemis et ils ne cherchent qu'à lui susciter des affaires. << Et, ce qui est merveilleux, c'est que toutes leurs entreprises pour le Pape, contre le Pape, en France comme en Angleterre, en Espagne comme en Hollande, sont animées de l'esprit de la Société entière, sous les ordres et par la direction du Général » (1).

Dès lors, à quoi bon tant se mettre en peine de répondre on n'y suffit pas. Le Tellier avait essayé cependant une réplique. Du même coup, il réfutait Arnauld le janséniste et son ennemi le calviniste Jurieu, insistant sur les calomnies lancées contre les missionnaires.

Mais Le Tellier jouait de malheur. Il oubliait une chose, c'est que pareille publication lui était interdite. A la suite des controverses entre missionnaires, en vue de la paix, pour mettre fin à ce déluge d'écrits pour ou contre les Jésuites, Clément X par son bref Creditae nobis, du 19 décembre 1672, avait interdit de publier des livres ou écrits de missionibus vel de rebus ad missiones pertinentibus. L'ordre était universel. Les Jésuites se soumirent, ils interrompirent, par exemple, leurs Relations de la Nouvelle-France. Tous les autres les suivirent-ils dans leur obéissance, nous n'avons pas à

(1) Pages 40, 41.

l'examiner. Mais l'ouvrage du Père Le Tellier tombai sous la prohibition de Clément X, il fut mis à l'Index, donec corrigatur. Les jansénistes purent continuer à attaquer les missionnaires: il ne restait personne pour leur donner la réplique (1). Du reste, il n'y avait pas que Rome à mettre ainsi des entraves à la défense; à l'heure où les Jésuites étaient le mieux en cour à Versailles, le Père G. Daniel, 1694, publiait ses Entretiens de Cléandre et d'Eudoxe, la meilleure des réfutations de Pascal qui ait paru au xviie siècle. Le succès avait été immédiat. En un clin d'œil l'édition disparut. Mais Bayle nous apprend qu'un ordre venu du roi suspendit la vente. Les exemplaires qui se payaient 50 sols se revendaient 14 francs. Que s'était-il passé? On voulait ménager Nicole; or Daniel le malmenait assez vigoureusement, et l'archevêque de Paris s'était plaint. Mais surtout le roi voulait qu'on se tût. Le Père de la Chaize intervint et l'ouvrage fut arrêté (2).

(1) De Rochemonteix, op. cit.; lire toute l'Introduction. Bien entendu, la prohibition n'était pas absolue; mais on exigeait une permission écrite de la Propagande. On se demande si l'ordonnance fut suffisamment promulguée. Voir encore sur les difficultés spéciales que l'exécution du Bref rencontrait en pays gallican, J. Brucker. Etudes, Partie bibliographique LIII, p. 513.

A la condamnation du livre il y avait une autre cause. Les dominicains se disaient diffamés à l'occasion de ce qu'on y racontait du Père Collado O. P. qui avait exploité contre les Jésuites du Japon les dires, vrais ou faux, du franciscain Sotello.

(2) Bayle, art. Pascal; Maynard, I, p. 47.

CHAPITRE II

La querelle des Rites

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