صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

ne crut aux Monita Secreta. Défendant les catholiques anglais contre les accusations protestantes, il sut faire participer les Jésuites à son œuvre d'équité. On citerait peut-être de lui d'autres faits semblables. Mais cela même ne fait que compliquer ce caractère étrange de batailleur. Derrière cette passion, cette étroitesse d'idées, ce manque absolu de critique, cette crédulité, cet entêtement, tout au fond de l'âme, au jour du jugement, qu'est-ce que Dieu a pu trouver, lui qui « discerne l'âme de l'esprit, et porte le scalpel entre les tendons et les moelles, les pensées du cœur et les intentions » (1)?

VI

Triste ouvrage en somme. Bayle, le sceptique, qui vers ce temps-là s'amusait à faire un dictionnaire des sottises et contradictions des historiens, en notait la profonde maladresse: « Leurs ennemis (aux Jésuites) leur feraient beaucoup plus de mal, disait-il, s'ils mesuraient mieux les coups qu'ils leur portent... Il faut être bien aveugle pour ne pas prévoir que plusieurs libelles qui paraissent tous les jours contre la société, lui fourniront de belles armes; si elle payait les auteurs pour publier telles histoires, on pourrait dire qu'elle emploierait bien son argent » (2).

(1) Hebr. IV, 12.
(2) Au mot Loyola.

Sainte-Beuve en est agacé, un peu à cause de l'évidente injustice, beaucoup pour le manque absolu de talent. On pardonne tout au talent, et même la calomnie. « Après la victoire décisive des Provinciales, dit-il, cela me fait l'effet du gros train et des fourgons qui, en traversant le champ de bataille, achèvent les blessés et broient sous leurs roues les morts... Ces livres manquaient par trop d'esprit d'équité, ou tout au moins de malice intelligente; ils me dégoûtent et m'ennuient à n'en pouvoir parler. Que vous dirai-je? Il y eut la queue de Pascal, comme il y eut la queue de Voltaire » (1).

Mais écoutons un réquisitoire autrement grave. Au moment où paraissait la Morale pratique, Bourdaloue était en pleine possession de sa gloire. Il attaquait le mal et le faux sous toutes ses formes, mais à visage découvert et en face. On pouvait s'en plaindre, mais il avait le droit, lui, de tout oser. Ce n'était point vaine recherche de l'actualité mais il y avait des erreurs dans l'air, et quelle erreur veut-on que le prédicateur démasque, quel vice veut-on qu'il attaque si ce n'est l'erreur et le vice du moment? Il disait donc dans son sermon sur la Sévérité chrétienne : « On est sévère, mais, en même temps, on porte dans le fond de l'âme une aigreur que rien ne peut adoucir; on y conserve un poison mortel, des haines implacables,

(1) Port-Royal, III, p. 216. « Ils me dégoûtent à n'en pouvoir parler »; toujours le même procédé chez Sainte-Beuve: il fait son choix dans les faits à mettre en œuvre, et se croit en règle avec sa conscience d'écrivain, en nous avertissant, par manière de prétérition, qu'il y a des choses qu'il omet elles gâteraient le bel ensemble du portrait.

des inimitiés dont on ne revient jamais; on est sévère, mais en même temps on entretient des partis contre ceux qu'on ne se croit pas favorables, on leur suscite des affaires, on les poursuit avec chaleur, on ne leur passe rien, et tout ce qui vient de leur part on le rend odieux par les plus fausses interprétations. La loi de Dieu nous défend d'attaquer même la réputation d'un particulier; mais par un secret que l'Evangile ne nous a point appris, on prétend sans se départir de l'étroite. morale qu'on professe, avoir droit de s'élever contre des corps entiers, de leur imputer des vues, des sentiments qu'ils n'ont jamais eus; de les faire passer pour ce qu'ils ne sont point, et de ne jamais vouloir les connaître pour ce qu'ils sont; de recueillir de toutes parts tout ce qu'il peut y avoir de Mémoires scandaleux qui les déshonorent, et de les mettre sous les yeux du public avec des altérations, des explications, des exagérations qui changent tous les faits et les présentent sous d'affreuses images » (1)!

Cela, c'était contre le parti en général. Bourdaloue alla plus loin, et c'est bien Arnauld qu'il visait quand il s'exprimait ainsi :

« Un homme aura passé toute sa vie à décrier, non seulement quelques particuliers, mais des sociétés entières; il aura employé ses soins à réveiller mille faits injurieux et calomnieux; et comme si ce n'était pas assez de les avoir débités de vive voix, et d'en avoir

(1) Dominicales, 3° dimanche après la Pentecôte, Sur la sévérité chrétienne, 2° partie.

informé toute la terre, ou par lui-même, ou par d'autres, animés de son esprit, il se sera servi de la plume pour les tracer sur le papier et pour en perpétuer la mémoire dans les âges futurs; cependant cet homme meurt et sur tout cela l'on ne voit, de sa part, nulle satisfaction; on ne pense pas même à entrer pour lui là-dessus en quelque scrupule; et sans hésiter on dit : C'était un homme de bien, c'était un grand serviteur de Dieu il est mort dans les sentiments de piété qui pénétraient les cœurs et qui ont édifié tout le monde. Je le veux, mes Frères, et je ne rabattrai rien de l'opinion de sa bonne vie; mais, après tout, trois choses me font de la peine l'une, qu'il est incontestablement chargé d'une multitude infinie de médisances, et de médisances atroces; l'autre, que toute médisance qui n'est pas réparée autant qu'elle pouvait et devait l'être, devient dès lors, au jugement de Dieu, et selon la doctrine la plus relâchée, un titre certain de condamnation; et la troisième enfin, qu'il ne paraît rien qui donne à connaître que ce mourant ait marqué quelque repentir de ses médisances passées, et qu'il ait pris quelques mesures pour les effacer. Voilà ce que je vous laisse concilier avec la sainteté de la vie et la sainteté de la mort. C'est un mystère pour moi incompréhensible et un secret que j'ignore » (1).

(1) Dominicales, 11° dimanche après la Pentecôte, sur la Médisance, 2e partie.

VII

Dans la Morale pratique, il est vrai, tout n'était pas de la même invraisemblance; il s'y rencontrait plus d'une histoire qui était pour embarrasser les Jésuites.

Arnauld, en effet, exploitait habilement toutes leurs contestations avec les prélats et les autres religieux, surtout en pays de mission et c'est là le fond original de sa compilation. « Tout le monde sait comment les querelles de ce genre, où les deux parties souvent obéissent à d'excellents mobiles et peut être ont également raison à des points de vue différents, peuvent influencer des esprits pieux, honnêtes, jusqu'à les rendre témoins peu sûrs et rapporteurs inconsciemment infidèles de ce qu'ils ont vu et entendu, ou cru voir et entendre. Cette observation d'expérience suffit pour infirmer la valeur des autorités les plus sérieuses qui appuient les accusations de la Morale pratique. Inutile de parler des autres (1). >>

Donc tout n'est pas faux dans les « histoires » accumulées par le docteur. Il était vrai que les Jésuites avaient eu des procès avec d'autres religieux et qu'ils les avaient perdus; que de graves démêlés avaient mis la mésintelligence entre eux et l'évêque Palafox; que, dans la question des rites, ils étaient bien près d'être abandon

(1) Jos. Brucker, article Ant. Arnauld, dans le Dictionnaire de théologie catholique.

« السابقةمتابعة »