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à des milliers d'exemplaires. Les seules années 1824 et 1826 avaient fourni chacune sept éditions. C'était le temps de la Congrégation, de Montrouge et du Père Gury; aussi l'édition clandestine de 1826 fut-elle ornée d'une lithographie significative représentant la fameuse chambre des méditations (1).

Passons un demi-siècle. L'édition Ch. Sauvestre, en 1877, en était déjà au onzième tirage. On préparait alors la ruine des Jésuites et de l'enseignement congréganiste. Il fallait frapper les imaginations. L'opuscule fut drapé d'une belle couverture rouge sang: il parut chez Dentu et s'étala à toutes les vitrines; 22.000 exemplaires s'écoulèrent en dix-huit mois. En 1880, on en était à la dix-neuvième édition.

Puis vint en 1893, l'édition de Pierre des Piliers, un moine défroqué, à en croire la préface, francmaçon de l'espèce la plus caractéristique. Qu'on en juge par la planche suivante, envoyée à tous les ateliers .. de la République pour leur communiquer son

œuvre.

<< Mon V... et mes T... C... FF... de votre R.·. A.·.

« J'ai voulu faire œuvre à la fois patriotique et républicaine, ou décléricalisatrice et partant maçonn..., en rééditant les si curieux Monita Secreta des Jésuites. Ce

(1) 1824, édition Arnold Scheffer. Paris, 1826, Instructions secrètes des Jésuites, suivies des Jésuites condamnés par leurs maximes et par leurs actions, avec une lithographie représentant la chambre des méditations. Voir Paul Bernard, Les Instructions secrètes des Jésuites, p. 21-23.

sont, vous le savez, leurs INSTRUCTIONS SECRÈTES, rédigées en latin par les généraux de l'Ordre, mais restées expressément manuscrites, à l'usage unique et mystérieux des Supérieurs, sous les peines les plus graves au cas contraire.

« Depuis plus de deux siècles déjà, les Jésuites ont fait disparaître habilement par le confessionnal, et par d'autres moyens astucieux les diverses éditions parues en France, et le Code infernal qui restera la honte à jamais des fils de Loyola, n'était plus trouvable en librairie, où je l'ai vainement demandé durant quinze ans, à trois cents libraires, sinon davantage

encore.

<< Il m'est enfin tombé sous la main de rencontre, et je viens d'en faire une traduction nouvelle avec mes Commentaires.

<< Vive la République! A bas le jésuitisme et son produit le cléricalisme!

<< Pierre DES PILIERS... >>

Dans les Commentaires on lisait ceci :

« A cette heure, la Compagnie de Jésus est à la tête d'une foule de comptoirs dans les deux mondes; elle possède seule, et comme principale associée, une véritable flotte de clippers qui desservent la ligne du Brésil et dont le port d'attache est Bordeaux. Elle a des intérêts peut-être plus considérables encore au Havre, où elle commandite le transport des émigrants et les ateliers de construction. Elle possède les plus belles usines à fer de France, Bessèges, Alais, etc. En Californie, elle

a des mines d'or, et une rue entière à San-Francisco est devenue sa propriété. C'est là qu'elle fait même ses plus belles opérations de prêt à 30, 40, 50, 100, 200 pour 100 » (1).

Après cela, on ne s'étonnera plus de la légende parisienne qui, naguère, faisait du Bon-Marché une annexe du Gésu de la rue de Sèvres. On s'expliquera que, plus d'une fois, les Jésuites de Jersey ont reçu pour leur <«< flotte des Antilles » des propositions fort engageantes, bateaux à vendre, pilotes ou capitaines à enrôler, transport de marchandises. Sur les côtes de Bretagne, on parle quelquefois des flottes mystérieuses de la Compagnie. Laquelle? La Compagnie des Indes, celle des Transatlantiques ou la Compagnie de Jésus? Il n'y a pas de doute la Compagnie de Jésus.

<< Cela me remet en mémoire, écrivait M. de Mun après avoir cité le passage du député Tourgnol, un brave paysan de Basse-Bretagne..., qui, il y a vingt ans, se plaignant de la persécution religieuse inaugurée par les lois de M. Jules Ferry, disait : « Tout de même, pour les Jésuites, c'est sûr qu'ils ont la puissance de jeter des sorts, et que, cette année, ils ont fait souffler le mauvais vent. C'est eux qui sont cause qu'il n'y a pas de pommes » (2).

(1) Sur les Monita Secreta, édition des Piliers, voir Etudes religieuses, 1894, t. II. p. 106, article du Père Abt, Les loges maçonniques et les Monita Secreta.

(2) Op. cit., p. 239.

V

Nous sommes au terme de notre enquête.

On le voit, entre l'antijésuitisme d'ancien régime et celui du xixe siècle il n'y a que des nuances de détail. Le siècle qui a renouvelé tant de choses n'a pas su donner un tour un peu neuf à cette vieille machine de guerre.

Il est des passions qui, monotones dans leur fond, toujours les mêmes comme la nature humaine, savent du moins prendre des formes imprévues; et la littérature de tous les peuples n'est, pour une bonne moitié, composée que de variations infinies sur deux ou trois. thèmes qui ne changent jamais.

Mais d'où vient que la colère et la haine sont si facilement_monotones, et qu'entre toutes les passions violentes; elles ont peine à varier leurs effets esthétiques? Aux théoriciens de l'art d'examiner ce petit problème.

La haine antijésuitique n'a point échappé à cette loi, et rien ne ressemble au pamphlet d'aujourd'hui comme le pamphlet de jadis.

Quant à résumer en une sorte de formule tous les traits qui, depuis 1540, se sont accumulés pour former la caricature populaire du Jésuite, il n'y faut pas songer. Ou plutôt il n'y a qu'à dire le Jésuite est un homme qui a tous les vices et commet tous les crimes; sa spécialité, s'il en a une, ce sont les vices et les crimes d'ordre politique.

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«Fort bien, dira-t-on, mais l'antijésuitisme que vous dépeignez là ne compte pas. Ce sont folies d'imagination; personne que vous ne les prend au sérieux. Mais n'y a-t-il pas chez les gens d'étude et de critique, chez ceux qui ont fait de l'histoire leur carrière, de l'exactitude leur culte, un antijésuitisme dont il faut aussi tenir compte?

<< Vous ne nierez pas la haute valeur morale de Pascal, car, en somme, il faut remonter jusqu'à lui ni la compétence et la modération de Sainte-Beuve. Les Jésuites n'ont pas contre eux que Michelet et Quinet. Ils ont Lamennais, ils ont Taine, ils en ont une foule d'autres de moindre envergure mais d'égale compétence. Que ferez-vous de leur témoignage? »

Il est vrai, par des pentes douces on peut monter d'Eugène Sue à Michelet, puis de Michelet à Paul Bert, puis à d'autres encore, puis à Sainte-Beuve et nous voilà dans un monde nouveau. Ici l'aversion pour les Jésuites ne se dissimule pas, mais aversion d' « honnêtes gens », sans éclats, sans violence, sans mauvais goût. On mettra même une sorte de coquetterie à entretenir des rapports personnels plus que corrects avec tel ou tel Jésuite. Mais dès qu'il s'agit de la « Société », le ton change, tranchant, dédaigneux, n'admettant pas de réplique, c'est l'histoire qui parle, et il y a longtemps que l'histoire a jugé.

Plus rares aux premiers temps de la Compagnie, ces doctes ennemis ont été se multipliant. Actuellement ils sont légion. L'on peut bien dire qu'en France, aujourd'hui, ils sont toute l'Université. Ils ont pour eux le

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