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Donc on eut la tirade sur « l'obéissance parfaite et supérieure qui obéit sans vouloir même examiner si l'acte commandé est juste ou coupable» l'obéissance avec son idéal cadavérique, l'homme qui doit obéir sans avoir le droit de réfléchir (!). Le perinde ac cadaver revint plusieurs fois, ainsi que l'obéissance jusqu'au péché mortel inclusivement; puis l'éternelle morale relâchée, avec des extraits de moralistes qui, naturellement n'étaient pas Jésuites, et des citations prises à contresens, et les indignations vertueuses devant les restrictions mentales, devant le probabilisme qui « justifie tous les méfaits, c'est-à-dire qui institue à côté de l'honnêteté véritable, à côté de l'honnêteté des braves gens, une fausse honnêteté pour les coquins ».

Puis ce fut l'assassinat d'Henri IV, la richesse scandaleuse des Jésuites, le Père Roothaan à la conférence de Chiéri, et autres vieilles nouveautés (1).

V

Et nous voilà bien près de retomber une fois de plus dans l'antijésuitisme de bas étage. Si les discours. des ministres et autres honorables trahissent la plus complète inconscience, les articles de certains journaux sont la honte de la presse antireligieuse. Ce n'est

(1) Officiel, Chambre des Députés, p. 70, 74, 161, 162, 163, 192, 702, etc.. etc.

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plus de la haine, c'est de la fureur et du délire (1). Naguère pour citer deux ou trois exemples, sans plus le 4 janvier 1899, le Journal de Seine-et-Oise, associait dans une même charge le Père Didon et le Père du Lac, leur prêtant ce joli discours : « Du sang, du sang, encore du sang et des têtes coupées ». L'Anticlérical, un autre jour, ajoutait, au dominicain et au Jésuite, le Révérend Père Picard, assomptionniste, leur mettait à tous trois un poignard à la main, les représentait dansant sur des corps de femmes égorgées, en criant « Tuez-les tous, Dieu saura reconnaître les siens ». Il est assez clair que le Jésuite leur importe peu, et que l'ennemi, c'est l'Eglise.

Et toujours la manie de crier au Jésuite: « Ils sont campés au milieu de nous, s'écriait Yves Guyot, dans le Siècle, pour nous exploiter à l'aide de la bêtise des uns, des passions des autres, par la ruse, par la violence, par le crime. Un Jésuite ne recule devant rien. La fin justifie les moyens. Les moyens? les voici. Qui a lancé la France dans l'aventure du Boulangisme? les Jésuites. Battus avec le « brave général », qui a inventé les scandales du Panama en poussant au parlement et à la tribune, un de leurs hommes, Jules Delahaye? Les Jésuites. Qui a fondé la Libre Parole? Les Jésuites (2). La campagne antisémitique a été engagée pour venger les Jésuites des décrets de 1880 ».

(1) Remarquons cependant que les grands journaux, même non religieux, ou s'abstinrent dans cette campagne, ou défendirent la liberté. (2) Ils donnaient sans doute à Drumont pour mot d'ordre de les attaquer comme trop indulgents à l'égard des juifs.

Mais dans l'affaire Dreyfus les Jésuites n'étaient-ils pas partout? Il est vrai que, parmi les officiers mêlés au procès, leurs élèves ne sont nulle part. On en signale un parmi les juges, et qui passe pour avoir acquitté. Il y en avait six parmi les témoins, dont trois à décharge. Raisonnement enfantin! Est-ce que la Libre Parole n'a pas été la première informée de l'arrestation de Dreyfus? Et la Libre Parole ayant été fondée par les Jésuites, la preuve est faite (1).

La litanie n'est pas épuisée. Qui a soulevé la Bretagne en faveur des Soeurs expulsées? Les Jésuites. Battus sur ce terrain, qui a fait éclater la grève des mineurs, juste au moment où la Chambre allait rentrer? Qui agita à la veille des élections sénatoriales la question des inscrits maritimes? Eux, toujours eux. Il y en a qui gesticulent, mais Rodin est toujours en dessous qui tire les ficelles.

Ces légendes, inventées au jour le jour par des chroniqueurs facétieux, qui le croirait? sont acceptées quelques fois sans plus d'examen par de forts honnêtes gens. Et voici, par exemple, une dame «< catholique française, née au sein de l'Eglise, élevée dans un couvent, instruite par un Jésuite » qui, prenant, contre un rédacteur des Etudes, fait et cause pour la théosophie, écrit le plus sérieusement du monde : « Le jésuitisme est autrement vivant et puissant que le cléricalisme, et, bien qu'il ait du plomb dans l'aile, et que sa vieillesse

(1) Comte de Mun, La loi des suspects, p. 233, résumant un article du Siècle : Une association de malfaiteurs, 28 oct. 1899.

ne lui laisse plus de longs espoirs, il s'arme pour de nouveaux combats ». Ces nouveaux combats sont, bien entendu, l'antiséministe et l'affaire Dreyfus. Puis il y a l'intrigue « moins connue, mais fort instructive de Mme Marie du Sacré-Cœur; le nationalisme, dont ce pauvre Déroulède se crut naïvement le père; la descente des courses où le président Loubet fut bousculé par un fils des preux, élève des Jésuites; l'affaire des fiches, l'affaire Syveton; enfin la séparation de l'Eglise et de l'Etat »> (1).

Le dernier trait est à noter. Le Grand-Orient est donc à leurs ordres. La « rue Cadet » n'est qu'une succursale docile de la «< rue des Postes ». Soyez sûrs que cela s'est dit. N'a-t-on pas raconté en certains salons que la persécution actuelle est une machine truquée par les Jésuites pour renouveler l'Eglise dans l'épreuve ? N'a-t-on pas dit et répété, jusqu'en des milieux ecclésiastiques, qu'un Jésuite en vue, du dernier bien avec Waldeck-Rousseau, arrangeait avec lui les petites affaires de son Ordre, et préparait une dispersion à l'eau de roses?

Hier encore quel bruit n'a-t-on pas fait autour de l'élection du « Pape noir »! Un général des Jésuites allemand! C'était l'union de Rome et de Berlin contre la France. Désormais le clergé français « séparé » est à la merci des Jésuites, qui sont à la merci de Guillaume II.

(1) La Compagnie de Jesus et la Theosophie, Réponse d'une catholique aux « Etudes ». Paris, Bodin, 1906, p. 4, 5, cité dans les Etudes, 1906, t. I, p. 182, 183, (Une theosophe catholique), par L. de Grandmaison.

Où ne les trouve-t-on pas, ces tout-puissants Jésuites? Ils tiennent les ministères : on les signale dans les rangs anarchistes, jetant les bombes sur les pas des rois; la franc-maçonnerie qui croit les combattre est menée par eux; les ligues antimaçonniques, antiblocardes, antirépublicaines sont leur œuvre; ils sont dans les partis les plus contradictoires, d'autant plus redoutables qu'on ne les voit nulle part.

Mais le commerce aussi est à eux : j'entends le grand commerce anonyme, accapareur et tout puissant. « Ils font le commerce dans le monde entier, disait-on à la Chambre en 1890, et leurs cinquante-huit vaisseaux parcourent toutes les mers. Oui, Messieurs, allez à Bordeaux, dans tous nos ports, et vous les verrez; vous reconnaîtrez leurs vaisseaux à leur pavillon blanc et noir. A Bordeaux, ne trouvez-vous pas leurs grandes maisons de commerce, ne savez-vous pas qu'ils rapportent de tous les pays du monde des trésors immenses qu'ils renferment?..... » (1). Le député Tourgnol, auquel nous devons cette révélation, est un ancien principal de collège, ayant débuté dans l'enseignement par la chaire d'histoire.

Joli commentaire à joindre aux rééditions des Monita Secreta.

Le XIXe siècle y avait été largement dans la diffusion du vieux libelle. A chaque crise du delirium jesuiticum on l'avait réimprimé, arrangé au goût du jour et répandu

(1) Cité par M. de Mun, Loi des suspects, p. 239.

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