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l'infaillibilité pontificale de Clément XIV, supprimant la Compagnie (3).

Lorsque naguère on permit aux Jésuites allemands de rentrer individuellement dans leur patrie, première brèche à l'épaisse muraille légale que Bismarck leur avait opposée, une nouvelle crise d'antijésuitisme éclata. Les journaux évangéliques affectèrent une terreur comique. Plus que jamais on fit bon accueil aux légendes, d'où qu'elles vinssent. Si quelque part la haine suscitait aux Pères procès ou polémique, en France, par exemple, où, devant les dernières lois, il avait fallu se disperser, la presse allemande accueillait d'enthousiasme la version jacobine ou blocarde. Un seul exemple. Quelques officiers de Vannes, forts de leurs consciences, avaient opposé leur non possumus aux injonctions tyranniques du pouvoir civil. Plusieurs avaient été élèves des Jésuites. Dé facétieux anticléricaux bâtirent un petit roman. Les Jésuites étaient l'âme du complot; on s'était réuni chez le Père..... on donnait son nom, là, serments, bénédiction des épées, etc. Il suffit à un spirituel journaliste de reprendre le thème en l'accentuant jusqu'à l'absurde, pour faire crever la bulle de savon. En Allemagne on eut bien garde de l'empêcher de crever; les événements de Ploërmel et de Vannes purent servir aux publicistes d'OutreRhin d'argument nouveau contre la rentrée des Jésuites dans l'empire.

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(3) Voir dans Pilatus, p. 534, et suiv., une liste d'ouvrages antijésuitiques composés en Allemagne depuis une trentaiue d'années. Elle est, naturellement, très incomplète; on la décuplerait facilement.

VII

Parmi les épisodes qui marquèrent cette levée de boucliers citons le procès Hoensbroech (1).

S'il est un dogme protestant, c'est bien l'affirmation. suivante les Jésuites ont été créés pour détruire le protestantisme; c'est leur raison d'être. Or pour cette sainte croisade, tous les moyens sont bons. Grâce à leur monstrueux principe: la fin justifie les moyens, ou, comme dit Pascal : « Nous justifions le vice du moyen par la pureté de l'intention », il n'est pas de forfait que ne devienne action méritoire.

Cela se lit partout depuis trois cents ans. Des traités de théologie protestante et des libelles luthériens, l'assertion a passé dans les encyclopédies. Pas une qui ne l'enregistre et n'apporte à l'appui certains textes de Busembaum ou de Laymann, d'Edmond Voigt ou de Gury. Des historiens, sérieux pourtant, comme Ranke, l'ont acceptée; elle est tombée de là jusque dans les livres scolaires. Pas de légende antijésuitique plus solidement établie et plus universellement répétée.

Plus d'une fois les protestants furent mis au défi de montrer dans leur vrai contexte, les passages en ques

(1) Paul Bernard. « La fin justifie les moyens ». Etudes, 5 août 1904. B. Duhr, ch. XIV; Civilta cattolica, 7 octobre 1904.

Voir encore les ouvrages du Dr Neumann (Pilatus). Wass ist Warheit? et Der Jesuitismus, p. 560-570. Ratisbonne,

Quos ego,

1903-1904.

tion. Ainsi, en 1852, à Francfort, un célèbre missionnaire allemand, le Père Roh, ouvrit le concours, et promit une forte somme à qui découvrirait la formule, ou son équivalent dans un ouvrage authentique de Jésuite. Les facultés de droit de Heidelberg, de Bonn et de Hall devaient être juges. Le défi fut renouvelé en 1862 à Hall, et à Brême en 1863. Le concours resta ouvert jusqu'en 1872, date de la mort du Père Rho. Personne ne se présenta. Même défi en 1890, de la part de l'abbé Richter à Duisbourg et même silence.

Le 31 mars 1903, dans une réunion politique, à Rixdorf, près Berlin, un député du centre, l'abbé Dasbach, pour en finir avec la vieille calomnie réchauffée pour la circonstance, déclara : « A qui fournira la preuve, j'offre, de ma bourse, 2000 florins ». Cette fois la réponse vint, rapide, affirmative, décisive. Le 10 avril, un jésuite défroqué, très célèbre en Prusse, le comte de Hoensbroech, pangermaniste fougueux, pamphlétaire déjà connu pour son art de travestir les textes, et comme on pouvait le prévoir, ennemi déclaré de ses frères d'autrefois, releva le gant et s'engagea à fournir la preuve demandée.

Trois mois après, la preuve paraissait dans le Deutschland, (juillet 1903). L'article commençait par une déclaration fort curieuse. C'était l'exécution sommaire de toutes les tentatives faites jusque-là pour prouver la thèse. « On a servi, disait l'auteur, toute une série de preuves, qui ne tiennent pas devant la critique. Ce sont des textes violemment séparés du contexte surtout en ce qui concerne le Medulla theologiæ moralis de

Busembaum - et bien qu'ils renferment expressément ces mots quand la fin est licite, licites sont les moyens », que peut-on déduire de là? Absolument rien, puisqu'il ne s'agit pas le moins du monde, dans tous ces passages, de moyens moralement condamnables par eux-mêmes. Or, c'est uniquement de moyens illicites qu'il est question, et point d'autres. >>

un

Reste donc à apporter des documents nouveaux. Mais avant d'en venir là, Hoensbroech fait une autre restriction. Les Jésuites n'ont pas enseigné telle quelle et ex-professo, dans sa généralité, la maxime en question; seulement, dans certains cas, et avec certaines réserves, ils admettent qu'on peut déclarer licites des actions mauvaises qui tendent à une fin honnête. Prouver cela, ajoutait-il, suffisait à pouvoir réclamer les 2000 florins. Et maintenant voici la preuve. Il cite un cas, seul. Les moralistes demandent est-il permis, quand on voit un homme absolument résolu à commettre une faute considérable, et qu'on a épuisé tous les moyens pour l'arrêter, de dériver sa volonté perverse du côté d'une faute moindre? Presque universellement, qu'ils soient Jésuites ou non, les moralistes, et Luther luimême, répondent oui. Je vois un malfaiteur décidé à exiger la bourse et la vie : je l'amène à se contenter de la bourse, sa victime n'aura qu'à me remercier. Encore, lorsque les casuistes exposent le cas de conscience dans toute son ampleur, ont-ils soin d'envelopper leur réponse de restrictions et d'atténuations. Prenons les solutions les plus larges, elles montrent, non pas la préoccupation de justifier un moyen mauvais par une

intention bonne, mais ne pouvant la supprimer tout à fait, de diminuer l'offense faite à Dieu.

La preuve apportée par le polémiste tombait donc à côté; restait à la soumettre au jury. Il avait demandé que ce jury fût composé de trois professeurs catholiques et de trois protestants, tous pris parmi les professeurs attitrés des universités allemandes. Vingt-six protestants se récusèrent. Lui-même récusa deux catholiques. Impossible par conséquent de remplir les conditions du concours le tribunal compétent n'existait pas. Hoensbroech eut l'audace de recourir aux tribunaux ordinaires. La cause fut portée devant les magistrats de Trèves. Ils n'avaient pas à intervenir sur le fond du débat. Ils jugèrent seulement que le cas n'était pas de ceux où pouvait intervenir la loi allemande. Il n'y avait pas eu concours ni promesse de prime, au sens légal du mot, mais un simple pari. Or le code refuse son appui aux dettes de pari ou de jeu. Hoensbroech fut débouté de sa demande. Il en appela, et le curieux procès fut porté à Cologne. La sentence de Trèves fut cassée (30 mars 1905). Le défi du député fut déclaré promesse obligatoire. Restait à examiner le fond même de l'affaire. Les juges passèrent au crible les textes incriminés. Vasquez, Sanchez, Becanus, Layman, Castro Palao, Escobar, toutes les victimes de Pascal, furent interrogées, d'autres encore, Mariana, Tolet, Gury, Palmieri, Delrio, et tous absous. Ces fameux textes furent déclarés ne rien contenir qui ne fùt admissible par le moraliste le plus rigoureux. Les journaux les plus hostiles durent enregistrer le fait. C'est « l'absolution

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