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III

La voir partout, c'est pourtant bien la manie de l'antijésuitisme cosmopolite. A ce point de vue, il n'a pas fait un pas depuis le xvIe siècle. Les luthériens contemporains de Canisius voyaient des Jésuites parcourir l'Allemagne, déguisés en reîtres et en seigneurs. Etienne Pasquier tenait que des villes entières étaient jésuites sans le savoir. Les Illuminés contemporains de Mirabeau dénonçaient la maçonnerie envahie par les Jésuites. En 1891, voici ce qu'on lisait dans les Hamburger Nachrichten, journal de Bismarck.

« Le jésuitisme est une grande puissance, et il compte des membres là même où on s'attendrait le moins à en trouver... La Compagnie a des affiliés partout, dans les administrations, dans les milieux bourgeois, sans distinction de culte; même, des juifs et des boursiers en font partie. On sait qu'au besoin la Compagnie oblige ses membres à passer au protestantisme, et à faire leur carrière dans l'Eglise évangélique. La vanité sert leurs desseins. La conscience d'appartenir à une puissante corporation répandue sur tout le globe, exerce sur bien des gens un attrait irrésistible » (1). Ils le pensent, puisqu'ils le disent, mais quelle étrange mentalité!

Que les Jésuites se fassent hérétiques pour mieux

(1) Cité par Kannengieser. Le réveil d'un peuple, p. 289-290.

combattre l'hérésie, l'invention ne date pas d'hier: c'est un des points capitaux du serment qu'ils font de combattre les princes hérétiques, per fas et nefas. On le disait au xvie siècle. Les Illuminés du xvine l'ont redit à leur façon, et les amis de Bismarck l'ont répété. En Angleterre, à en croire certains publicistes, le danger est imminent et il est partout. Le Ritualisme, c'est l'invasion par les Jésuites de l'Eglise Etablie. Il y a des Jésuitesses qui entrent dans les familles, comme nourrices et gouvernantes. Quant aux Jésuites-hommes, ils ont une préférence pour le métier de clergyman anglican. Un certain Rev. F. A. C. Lillingston publiait naguère, un opuscule intitulé : « Les Jésuites, ce qu'ils sont, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils sont en train de faire ». · On y apprend que le Dr Pusey leur était affilié, qu'ils étaient les supérieurs du cardinal Newman, non pas supérieurs à ciel ouvert, mais occultes, et qu'il était content d'être leur dupe; qu'ils envahissent l'anglicanisme à le tête de la Society of the Holy Cross, et de la Confrérie du Saint-Sacrement; que beaucoup de pasteurs anglicans sont Jésuites. Le 14 mai 1886, dans un discours à Exeter Hall, on citait le cas d'une dame qui avait avoué à son médecin que, non seulement elle était catholique, mais Jésuitesse. Etant encore protestante. elle s'était affiliée à la secte, elle avait prononcé son serment, entre les mains de son recteur anglican, dans l'église, à la table de communion, et elle était entrée en correspondance suivie avec Rome.

Hier encore, 1903, un M. W. Walsh, dénonçait l'immense danger que courait l'empire britannique.

« Les quelques centaines de prêtres Jésuites résidant en Grande-Bretagne et en Irlande, disait-il, ne représentent pas la totalité des servants de l'Ordre. Ce sont les officiers d'une très grande armée, tous sujets d'un étranger qui n'obéit pas à Edouard VII, le général des Jésuites, à Rome. Et cette armée, si les ordres du général sont en conflit avec les lois, obéira au général et laissera le roi se tirer d'affaire ». Cette armée comprend la foule des crypto-Jésuites, des Jésuitesses, même des gens non catholiques. Elle se dissimule sous le nom d'Apostolat de la prière. Cette association pieuse compte dans le monde entier 25.000.000 d'adhérents. On ne sait, sur ce chiffre, la part de l'Angleterre (1).

Où ne les retrouve-t-on pas, ces madrés Jesuites? Le Rock, toujours vigilant, dans son numéro du 3 février 1905, par la plume de son directeur, M. W. C. Copeland, revenait sur le danger imminent couru par l'Empire. Suivons bien ses déductions.

Le Jésuitisme est un produit du mahométisme hispano-moresque. On sait que le vert est la couleur sacrée des musulmans. A-t-on remarqué qu'elle est celle aussi de l'Irlande jésuitisée? Et par exemple, n'a-t-on pas vu en 1902, à la revue des Boys Brigads, aux Horse-guards, le contingent catholique déployer des drapeaux où le vert dominait? or on était en Angleterre, pas en Irlande. Où les Boërs ont-ils pris leur instinct de défiance en face de l'Empire? A Rome. Le Dr Leyds, leur grand

(1) The Month. Nov. et déc. 1895. Protestant fiction, par J. Britten, cfr, 1903, t. II, p. 329. M. Walsh. The Jesuits in Great Britain; an historical inquiry into their political influence, Londres, 1903.

leader, sera peut-être étonné de l'apprendre, lui-même est romaniste. Mais les Boërs encore hostiles aux anglais ont des brassards verts. Tout se tient. Voici mieux : Lors du couronnement, les préparatifs de la cérémonie de Westminster furent, dans le plus grand détail, prévus par le duc de Norfolk, un romaniste fervent. Et bien, « les lords et leurs femmes étaient assis sur des chaises d'acajou, au siège de jonc, mais recouvert d'une étoffe « eau du Nil » vert pâle, attachés avec des rubans de soie ». Circonstance aggravante, ces chaises ont été achetées comme souvenirs. Est-ce assez clair?

Et nous ne sommes pas au bout. A-t-on remarqué que les rayons N, appliqués au corps humain, se colorent de façon différente, d'après les dispositions du patient? Or quand ils provoquent des émissions vert sombre, c'est un signe d'un mauvais état moral. Que le vert ait été choisi par Mahomet, Rome et Loyola, n'est ce pas une indication satanique du symbolisme occulte de cette couleur »?

Le pénétrant écrivain à qui nous devons ces révélations est «< Maître es Arts, de l'université d'Oxford » (1).

IV

En Angleterre, comme en Allemagne, beaucoup de ces légendes envahissent jusqu'aux livres scolaires, et

(1) Cité dans le Month, 1905, t. I, p. 321.

les plus énormes accusations sont enregistrées sans broncher. Un exemple: nous copions dans un livre sur les Grands faits de l'histoire : « Les rusés Jésuites (the wily Jesuits est une expression courante en Angleterre, comme ailleurs on dit « les bons Pères ») à force d'étudier la médecine et de la pratiquer, acquirent un pouvoir sur les vies humaines dont ils firent un terrible usage. Ils connaissaient les herbes vénéneuses et les minéraux. Ils savaient en user au besoin, par exemple, quand ils voulaient se débarrasser de quelque ennemi actif. Il y avait dans l'ordre des membres laïcs; et ces Jésuites « de robe courte », comme on disait, n'étaient pas les moins utiles des frères » (1).

S'étonnera-t-on après cela que, dans l'imagination populaire protestante, le Jésuite soit devenu un être fantastique, satanique, d'une race à part? et il nous souvient du temps, où, prenant des bains sur une plage du pays de Galles, on venait curieusement examiner si vraiment nous avions des pieds de bouc. D'autres ajoutent que le Jésuite exhale une odeur de souffre très caractérisée.

Cet antijésuitisme gros et drôle a eu ses poètes. La muse inspiratrice est celle de l'horreur : « Je ne trouve pas, déclarait naguère un révérend anglais, d'autre mot pour exprimer le sentiment qu'inspire le Jésuite, un mélange de crainte et de dégoût » (2).

(1) The Great events of history. (Nelson school series) par W. F. Collier, L. L. D. Trinity Collège, Dublin-Londres, cité par W. H. Auderdon, S. J. The Jesuits, a sermon, Londres, Burns and Oates, 1880. (2) Saturday Review, 14 oct. 1899, p. 48.

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