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sonnage. A côté de la chambre noire était ordinairement une petite cellule appelée « chambre des méditations ». Au centre, un petit autel portant une peinture couverte d'un voile, entouré de torches et de lampes, le tout de couleur rouge. C'est là que le Frère destiné aux œuvres de sang recevait ses instructions, etc., etc.

Tout cela nous reporte en plein xvie siècle, ou, plus exactement peut-être, en pleine franc-maçonnerie. Ces rires, grotesques et funèbres, ressemblent à s'y méprendre aux initiations des Roses-Croix ou des chevaliers Kadosh. Sachons gré, du moins, à l'historien anglais de mettre sa description au passé et de ne pas la présenter comme un tableau des réalités actuelles. D'autres n'auront pas cette discrétion (1).

II

Et par exemple, en pays allemand, sur la terre de l'histoire impeccable, on ne se contentera pas de garder et d'entretenir avec soin les vieilles légendes sur les Jésuites assassins de rois et d'hérétiques, de répéter sans se lasser l'empoisonnement de Clément XIV ou le meurtre de Guillaume d'Orange, on aura toujours des faits nouveau à verser au dossier des Jésuites. Le Père B. Duhr, dans la première édition de ses Fables jésuiti

(1) Ch. W. Heckethorn, Secret Societies of all ages and countries, Londres, 1897, 2 vol., cfr. The Month., t. 101, p. 205.

ques, avait un chapitre sur les meurtres récents des Pères. Dans celle de 1904, il en a un sur les derniers empoisonnements.

Un feuilletoniste, juif allemand, S. Münz, en 1900, dévoilait à ses lecteurs certains secrets du Vatican. Les Jésuites, vers 1880, y étaient maîtres rédoutés. Le cardinal Franchi, disait-on, avait été prématurément emporté par une espèce de choléra. Erreur : les Jésuites, ennemis de sa politique pacifique, l'avaient empoisonné. Le cardinal allemand Hohenlohe ne s'en cachait pas, il redoutait le même sort il n'y avait que son titre cardinalice, Sainte-Marie-Majeure, où il se sentit en sûreté. Partout ailleurs, il était si convaincu que les Jésuites le poursuivaient qu'il n'allait jamais dire la messe sans un calice soigneusement enfermé à clef. Quand au cardinal Galimberti, à défaut de poison réel, on lui versait le poison des pamphlets. Que Vanutelli prenne garde, et, s'il est jamais élu Pape, qu'il ne s'avise pas de prendre le nom de Clément : Clément XIV était vigoureux quand il monta sur le trône de Saint-Pierre, et l'on sait ce qui lui en advint (1).

Ailleurs nous apprenons qu'en 1877, les Jésuites de Mexico qui pourtant à cette date étaient dispersés, ayant à peine le droit de vivre faisaient des autoda-fé de sorcières (2).

Autre histoire plus ancienne. C'était en 1830. Le duc d'Anhalt-Koethen s'était converti quelques années

(1) B. Duhr, p. 929, 930, cfr. première édition, p. 733.

(2) Dhur, p. 879.

auparavant, en France, entre les mains du célèbre directeur de la Congrégation, le Père Ronsin. Un des Jésuites les plus en vue de la province d'Allemagne, futur général de la Compagnie, le Père Becks, l'avait aidé à faire face à toutes les difficultés que son passage au catholicisme devait entrainer. Dans le monde protestant, les esprits étaient fort montés. Profitant donc du trouble qui, par toute l'Europe, avait suivi la révolution de 1830, un journal de Leipzig: Der canonische Wachter, très anticatholique, ouvrit le feu contre les Jésuites. En décembre, parut un article à sensation, signé Hurlebusch, président du consistoire au duché de Brunswick. On y racontait que les deux Pères Becks et Lüsken avaient tenté de convertir un protestant de Wolfenbüttel. Ils avaient même essayé de lui mettre le poignard à la main pour assassiner un prédicant de Brunswick. Immédiatement l'attentat jésuitique devint le sujet de toutes les conversations et de toutes les terreurs, Hurlebusch voyant que son roman prenait, lança une brochure dans laquelle toutes les circonstances du crime projeté étaient racontées avec un luxe de détails qui ne permettaient pas de doute. Le néophyte Timpe avouait que le Père Becks lui avait enseigné que tuer les hérétiques était œuvre méritoire.

Le pamphlet fut répandu à profusion, il devint texte de lecture scolaire, on l'affichait à la porte des écoles, on le distribuait dans les villes, on le colportait dans les campagnes.

Le Père Becks réclama auprès du journal: la démarche ne servit qu'à exciter les haines et à raviver

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l'imposture. On arguait du ton modéré de la réclamation pour en faire de la timidité, et par suite un argument de plus en faveur de l'attentat. Bref, il fallut en venir aux grands moyens. Le calomniateur fut traduit devant les tribunaux. Les tribunaux étaient luthériens, ils durent cependant se rendre à l'évidence, et Hurlebusch fut condamné à faire amende honorable par écrit. Il se déroba, mais son complice Timpe, poussé par le remords, finit par rétracter ses impostures devant les tribunaux (1). L'Allemagne protestante semble avoir eu un goût particulier pour ce genre de légendes. Il s'en faut pourtant qu'elle en ait eu le monopole.

En 1834, la franc-maçonnerie espagnole préparait l'anéantissement des religieux. Le choléra venait d'éclater. La foule allait, répétant que l'eau des. fontaines était empoisonnée. Par qui? Au moyen-âge, elle eût dit, par les Juifs. Cette fois là, ce fut par les moines et les carlistes. Des enfants furent arrêtés dans les rues, jouant avec des poisons, les répandant ostensiblement, pour attirer les regards. La police leur demanda qui leur avait inspiré ce jeu : ils répondaient à haute voix : « Les Jésuites ». Résultat: l'assaut donné aux maisons religieuses, massacre d'une quinzaine de Jésuites, suivi à bref délai d'autres carnages chez les Franciscains, les Dominicains, les Pères de la Merci (2).

Voici maintenant pour l'Amérique lorsque, le

(1) Crétineau-Joly, t. VI, ch. 2, B. Duhr, p. 867.
(2) Crétineau-Joly, t. VI, ch. 5.

14 avril 1865, le président Lincoln fut assassiné au théâtre par un acteur qui, le coup de pistolet tiré, s'écria, en bondissant sur la scène : « Sic semper tyrannis, le Sud est vengé », il se trouva un prêtre apostat, l'abbé Chiniquy, pour rejeter le crime sur les Jésuites (1).

En 1868, en Australie, attentat d'O'Farrell contre le duc d'Edimbourg. O'Farrell est transformé en Jésuite (2). Naguère encore, on écrivait au Père Général, pour lui demander quelles raisons il avait pu avoir de condamner à mort le roi d'Italie et l'impératrice d'Autriche (3). Au lendemain de l'attentat de Madrid sur Alphonse XIII, la Lanterne écrivait : « Le jeune roi d'Espagne a été formé, élevé, dressé par les Jésuites (ce qui est faux), mais il a eu le tort de laisser voir, depuis son avènement au trône, des dispositions libérales. Son mariage avec une protestante est un signe de l'indépendance de son esprit. Dès lors, on peut se demander si les Jésuites espagnols, si le parti clérical de là-bas, dont on connaît l'intransigeance et la férocité, n'ont pas voulu punir le jeune roi de ses tendances libérales, ou tout au moins, le ramener à la réaction. Et qu'on ne se récrie pas devant cette hypothèse! Qu'on n'aille pas dire qu'on voit la main des Jésuites partout » (4).

(1) Duhr, p. 373.

(2) H. S. Merriman, The Velvet Glove.
(3) Correspondant, 10 janv. 1903, p. 30.

(4) Cité par l'Univers, 3 juin 1906.

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