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des horreurs, qu'on voit dans les foires, où l'on va s'édifier sur l'inquisition et la Saint-Barthélémy, et à la porte desquels on vous inonde de petits papiers multicolores anticléricaux. Ces tracts, vraies « planches >> maçonniques, où, à défaut de trois points, on retrouve toutes les idées des basses loges sur l'obscurantisme, la liberté, l'égalité, la fraternité, l'immortelle révolution, qui en fait les frais? Ce n'est pas le pauvre diable d'artiste forain, à coup sûr. Quant au grotesque Rodin, le crapuleux voyou, l'espion répugnant, lui aussi est assez reconnaissable. « Chacun pourrait citer tel membre du « Collège des rites» qui se fait régulièrement ramasser ivre-mort au moins une nuit sur deux chez les mastroquets de son quartier. Personne n'ignore que la maçonnerie ne regarde pas toujours à revêtir de ses titres les plus flamboyants les plus stupéfiantes fripouilles et que tel de ses plus gros dignitaires empeste volontiers le gros vin et la crapule sous ses plus reluisantes ferblanteries (1). »

Quoi qu'il en soit de ses origines, Rodin hanta les imaginations pendant quelque temps. Dans les hospices d'aliénés, les gardes-malades s'entendaient appeler parfois << vil Rodin! » Aujourd'hui encore le héros d'Eugène Sue est resté comme l'incarnation du jésuitisme. Il y a plus, quand un érudit quelque peu distrait écrit un nom de Jésuite ayant quelque lointaine analogie avec celui-là, Alexandre de Rhodes, par exemple, c'est Rodin qui

(1) Maurice Talmeyr, Un type, dans le Gaulois, 18 septembre 1906. Comme le journaliste que nous citons, nous donnons ces rapprochements à simple titre d'indication.

obstinément vient se mettre sous sa plume (1). Le roman lui-même n'est point absolument démodé. Après soixante ans, quand le vent souffle d'un certain côté, l'on réédite le Juif errant, à l'usage du bon peuple qui aime les fortes boissons. Quant aux histoires littéraires elles ont définitivement banni l'auteur de leurs listes d'immortels. On le cite seulement parmi les plus audacieux des industriels de lettres : c'est tout ce qui reste de sa gloire de mauvais aloi.

VIII

Michelet, Quinet, Libri, Eugène Sue, V. Cousin, Villemain, Thiers; la liste est déjà imposante, des écrivains ou orateurs qui, vers 1845, se donnent la tâche de discréditer, et s'il est possible, de détruire la Compagnie de Jésus. Elle est loin d'être complète.

Et, par exemple, il nous faut bien ici sortir de France un instant, et signaler au passage Vincent Gioberti (2).

(1) Nettement, Roman-feuilleton, p. 168. C'est M. Rabbe, qui, dans la Revue historique, Nov. Dec. 1899. p. 282, a transformé le Père Alex. de Rhodes en Père Rodin (cfr. Etudes, 1899, t. IV, p. 541, art. de H. Chérot).

(2) Gioberti, Il Primato morale e civile degli Romani, 1843; Prolegomeni del Primato, 1845; Il Gesuita moderno, 1848. Voir les réfutations de Curci, Fatti e argomenti, 1845; Una Divinazione sopre le tre ultime opere di V. Gioberti, 1849. Correspondant, 1847, tomes 19 et 20, articles de C. Lenormant. Kannengieser, Les adversaires du pouvoir temporel, p. 250 et suiv., 1893. Crétineau-Joly, t. VI, ch. 8. Cantu, Les hérétiques d'Italie, t. V, p. 274, etc.

Ce prêtre piémontais, alors réfugié en Belgique, se faisait en ce temps-là l'apôtre d'une utopie généreuse et patriotique; rêve gigantesque de grandeur humaine pour la papauté et l'Italie. Il appelait de ses vœux l'heure prochaine, où, comprenant enfin sa vraie vocation, l'Italie au lieu d'être humiliée, émiettée, sans force et sans gloire, reprendrait sa place d'autrefois en tête des peuples. Une ère nouvelle de civilisation allait commencer. Une fois de plus l'Italie se retrouverait maîtresse et flambeau du monde. Elle se grouperait donc en fédération. Et comme, pour elle, le progrès religieux est inséparable du progrès civil et moral, c'est la papauté, mais une papauté plus italienne que jamais, qui présiderait à ses destinées. Telle est la thèse, qu'en 1843, de Bruxelles, il lançait dans son Primato morale e civile degli Italiani, ouvrage coloré, enthousiaste, éloquent; magnifique façade cléricale, qui cachait assez bien ses arrière-plans révolutionnaires, pour que beaucoup, dans le bas clergé, en aient été séduits.

Or, dans les éloges que l'auteur distribuait un peu à tout ce qui était italien, les Jésuites avaient eu leur part. Plus tard, il s'en expliqua : « J'aurais voulu, disait-il, me risquer à les convertir, si c'était possible, c'est-àdire, à les rendre en Italie ce qu'ils sont en Irlande et en Amérique d'excellents citoyens ». Bref, il voulait les enrôler dans le mouvement qui, en ce temps-là, entraînait aux révolutions la jeune Italie. Les Jésuites ne le suivirent pas comme il l'eût voulu. Aussi, deux ans plus tard, 1845, dans un nouvel ouvrage, Prole

gomeni del Primato, il les attaqua de front, faisant retomber sur eux toutes les fautes de la papauté. L'année suivante, il rééditait son Primato, avec une page belliqueuse à leur adresse. Et comme les Jésuites, par la plume mordante de Curci avaient répliqué, il lança, mai 1847, il Gesuita moderno, qui fut suivi en 1848, d'une Apologia del Gesuita moderno.

Le Gesuita moderno est un pamphlet monstre, 2837 pages en cinq volumes.

Que reproche aux Révérends Pères ce prêtre ultramoderne? Tous les crimes. Il est clair que s'ils avaient consenti à accepter le programme de la «< jeune Italie », on eût passé l'éponge; mais, puisqu'ils s'obstinaient dans leur mouvement rétrograde, rien ne leur était pardonné.

Ils sont cause de la décadence italienne du xvIIe siècle. Ils ont empoisonné Clément XIV, ou si ce n'est pas eux, c'est du moins quelqu'un de leurs amis. Ils ont provoqué les récents massacres de Lucerne, etc., etc.

Quant aux injures, s'il y avait, selon le maître de philosophie de M. Jourdain, cinq ou six manières de dire : << Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour », il y en a deux mille peut-être, suivant M. Gioberti, pour exprimer cette pensée Les Jésuites sont des scélérats, ennemis de la civilisation, des lumières, de la liberté. A chaque page on lit les aménités suivantes : « stupide ignorance, ignoble et vile nature, menteurs effrontés. ignorants, blasphémateurs iniques, sans foi ». Leurs écrits « sont des chefs-d'œuvre de mensonge et d'insolence; leur conduite, un

composé de colère, de haine, des artifices les plus honteux et les plus criminels. Les Jésuites sont des âmes dures et cruelles, des âmes de fer, impénétrables aux sentiments les plus sacrés, aux plus nobles affections monstres d'orgueil, insatiables, d'un égoïsme révoltant; enclins à la fraude, à l'imposture, à la calomnie, sans entrailles, ministres de perdition, apòtres de l'enfer, en somme le fléau le plus funeste et le plus terrible qu'on ait vu de toute vie humaine et chrétienne ». Il nommait et diffamait des personnes réelles et vivantes, comme lui ayant été dénoncées par des amis; et, entre autres accusations, il avançait que, dans les écoles des Jésuites, « on prêche une morale relâchée qui n'a du christianisme que l'apparence; des mœurs dont les païens honnêtes rougiraient; une justice contraire aux lois publiques, et qui ne peut avoir d'autre sanction que celle que lui donnent des brigands » (1).

Ce ne sont pas les livres les mieux faits qui ont le plus d'action sur les événements. Le Gesuita moderno était une œuvre de passion et de colère, diffuse et déclamatoire; elle n'en eut pas moins son résultat presque immédiat; les Jésuites furent chassés du Piémont et du royaume de Naples, en attendant d'être expulsés de Rome.

(1) Cantu, p. 276. Lenormand, loc. cit., t. XX, p. 13 et suiv.

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