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malicieux adverbe, en sont probablement coupables. Donc... Ambitieux et intrigants, il ne réclame d'ailleurs contre eux ni la mort, ni la prison, ni l'exil, ni même l'amende. Seulement qu'on les disperse par voie administrative (1). On sait la suite, la mission Rossi et son échec.

Une petite pointe de ridicule ne manqua pas à certains orateurs, Victor Cousin, par exemple. Il y avait du comédien en lui: son éloquence était « truquée », sa mise en scène avait pu réussir en Sorbonne, devant un auditoire juvénile. Mais, à la Chambre des Pairs, devant ces hommes rassis, mûrs et plus que mûrs, il n'eut pas le bon goût de comprendre qu'il fallait parler un autre langage. Il est vrai qu'il défendait sa chère Université. Sur ce Pro domo sua, il faisait d'inlassables variations.

Orateur politique assez terne jusque-là, on eût dit que le dieu l'avait saisi. Mais le dieu lui jouait de mauvais tours. Cousin se livrait à des lamentations pathétiques. Il adjurait, pleurait, posait en victime. L'accent, le geste, la mimique, tout faisait sourire. Prononçait-il le nom des Jésuites? sa voix tremblait, il s'éloignait avec horreur du verre d'eau sucrée..... du poison peut-être! Ecoutons le terrible Veuillot, rendant compte de la séance du 14 avril 1845.

<< M. Cousin a commencé d'un ton dolent. Il se meurt; il n'est sorti que pour observer ce qui se passe; il

(1) Thiers, Discours, t. VI, p. 617. Veuillot, Mélanges, 1re série, t. II, p. 86. Lecanuet, Berryer, p. 194. Il n'est que juste d'ajouter que M. Thiers, en 1850, parla tout autrement et défendit les droits des Jésuites.

supplie ses collègues d'avoir pitié de lui, et de permettre qu'il parle de sa place, car il va rendre l'âme : tout cela d'un air à fendre les rochers, et avec une télégraphie qui fait sourire les pairs, les huissiers, les spectateurs. Le garçon qui porte l'eau sucrée va le dire à ses camarades; les portes s'entre-baillent; de tous côtés des têtes curieuses viennent contempler les évanouissements de M. Cousin. Ces petites grimaces achevées, notre. moribond entre en matière, et d'une voix de stentor, pendant près d'une heure, il se livre aux emportements du zèle universitaire le plus fougueux. Ce qu'il dit, c'est... qu'il faut chasser les Jésuites ».

<< Il est notoire, s'écrie-t-il, qu'en présence de tant de lois anciennes et nouvelles qui se fortifient et se confirment les unes par les autres, il est, dis-je, notoire qu'une fameuse congrégation.....

M. LE COMTE BEUGNOT.

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M. COUSIN. Oui, nous y voilà : avez-vous donc cru que j'hésiterais à dire hautement ma pensée? Oui, une fameuse congrégation existe et marche tête levée, en opposition aux lois... Je n'hésite pas à me déclarer l'adversaire de la corporation; il en arrivera ce qui pourra..... >>.

Rire général, note discrètement le Moniteur. Veuillot commente: « Un éclat de rire, une sorte de huée unanime a salué encore cette parole: ç'a été la dernière punition de ce genre infligée à tant de bizarrerie » (1).

(1) Mélanges, 1re série, t. I, p. 27; Lecanuet, t. II, p. 205, 206. Thureau-Daugin, t. V, p. 552, etc.

Quant au fond des choses, ne signalons qu'un détail. A ceux qu'il s'agissait de maintenir hors du droit et de la liberté commune, Cousin refusait toute aptitude pédagogique. Reproduisant, en style d'honnête homme, les réquisitoires de Quinet, auquel il faisait, nous aurons à le signaler, d'étranges emprunts : « On fait sourire ou frémir, déclarait-il, ceux qui ont quelque connaissance en ces matières, lorsqu'on parle du génie des Jésuites pour l'éducation. Ce génie n'a jamais consisté que dans l'art de s'insinuer par une bonhomie réelle ou affectée dans les esprits et dans les âmes, et de discerner assez bien les vocations surtout dans leurs novices ». Chose curieuse cependant, ce même V. Cousin, quelques années auparavant, avait emprunté, pour l'imposer aux lycées, le plan d'études des Jésuites en leur collège de Brugelette (1).

Un autre aussi eut en cette affaire sa part de ridicule, qui, hélas! tourna au tragique. Ce fut le pauvre Villemain. Il était très écouté alors. Entre tous les grands universitaires du temps, c'était le charmeur. Nous le trouvons aujourd'hui superficiel. Mais ses auditeurs ne voyaient que l'orateur brillant, facile, fin, spirituel, harmonieux, qui, dans une promenade légère, vous emportait à fleur des faits et des œuvres. Abrité derrière Pascal, il avait le premier lancé son coup de clairon, et chacun y était allé, à sa suite, de son petit air où de sa fanfare. Lui-même était revenu à la charge,

(1) Cretineau-Joly, t. VI, ch. VIII. Cousin, Défense de l'Université, p. 26, 27.

et les Jésuites avaient peu d'adversaires aussi obstinés. Or le pauvre grand-maître, en ce temps-là, harcelé de chagrins intimes et de déboires politiques, vit sa haine littéraire pour les Jésuites se changer en idée fixe, en manie de la persécution. Les Jésuites le harcelaient. Il les voyait partout. Sortant de la chambre des Pairs après un discours brillant, soudain, sur la place de la Concorde, il s'arrête. « Qu'avez-vous? - Vous ne voyez pas? Non. » Et montrant un tas de pavés : <«< Tenez il y a là des Jésuites, allons-nous en ».

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A la fin de 1844, il fallut lui donner un successeur au ministère de l'Instruction publique. Quant au Constitutionnel, avec son intelligence coutumière, il montra dans cette maladie une trame des Jésuites. Naturellement..... (1).

VII

Cependant, parallèlement à cet antijésuitisme de haut vol, il s'en développait un autre de bas étage. Les vieilles traditions de 1828 n'étaient pas perdues, et l'on trouvait moyen de reproduire les légendes de Montrouge et de les élever presque à la hauteur de l'épopée. .

Le Constitutionnel, en ce temps-là, végétait. Devenu de par le triomphe des libéraux journal conservateur et gouvernemental, n'ayant plus à faire de l'opposition,

(1) Thureau Daugin, V., p. 546, 547. Eglise et Etat, p. 256.

il déclinait. Le nombre des abonnés en 1830 était de 22.000; en 1837 il descendit à 6.610; en 1843 il n'était plus que de 3720. C'est alors qu'il passa aux mains de Louis Véron (15 mars 1844) (1).

de

C'était une puissance que le docteur Véron, médecin devenu journaliste. Le scrupule le gênait peu. Aussi avait-il pour spécialité de lancer ou de relancer les affaires. Il fit ses preuves dans la direction de l'Opéra (1831-1835); fonda la Revue de Paris (1829), et en 1843 entreprit de sauver le Constitutionnel, où il était rédacteur. Il y parvint si bien qu'en 1852 il le pouvait revendre à Mirès 1.900.000 francs.

L'«< article bête » avait réussi quinze ans auparavant. Il fallait trouver quelque chose d'analogue. On venait d'inventer le journal à 40 francs, c'est-à-dire à bon marche. Le prix ayant baissé, le niveau littéraire devait baisser aussi. Donc, pour allécher les lecteurs, on résolut de leur servir des romans par tranches quctidiennes. Tout le secret consistait à ne jamais laisser languir le lecteur. Dans cet art un peu grossier, Alexandre Dumas passa maître du premier coup. Mais il eut vite des émules.

L'arme était neuve encore, pas usée par cinquante ans de service; on résolut de la tourner contre les Jésuites. Le roman-feuilleton permettait de reprendre la guerre interrompue et, de son côté, le Jésuite donnerait un peu de saveur au roman.

Eugène Sue qui venait d'avoir un succès aux Débats

(2) Hatin, Histoire de la Presse en France, t. VIII, p. 589.

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