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d'attitude, maniérés, exagérés, souvent mobiles à l'excès. Cette mobilité amusait, mais elle mettait en garde. Ils pouvaient bien apprendre une attitude, un maintien; mais les grâces apprises, les allures savamment obliques, onduleuses et serpentines, ne sont rien moins que rassurantes. Ils travaillaient à se faire simples, humbles, petits, bonnes gens... La grimace les trahissait ». Une chose pourtant gagnait les femmes ils avaient pour les enfants des caresses de grand-mères. Et c'était leur suprême habileté. « Ils aimaient tant les enfants qu'ils auraient voulu les élever tous ». Artificieuse politique qui fait employer des moyens tout opposés en des questions semblables, ici la férocité, là une étrange douceur férocité, car les Jésuites sont d'impitoyables plagiaires plagiarius, voleur d'hommes (1).

Devant les âmes se pose la terrible question du salut. Le théologien, le vrai, répond : « C'est la grâce du Christ qui nous tient lieu de justice, et sauve qui elle veut. » Ce principe, Rome n'en veut pas, et par là, bannit le christianisme de son dogme; survient le juriste, c'est-à-dire le Jésuite: « Ce qui vous sauvera, ce seront vos œuvres, l'emploi que vous ferez de votre libre arbitre ». Et voilà, semble-t-il, qui est juste. Vous péchez et vous expiez. Mais le juriste jésuite trouve moyen d'anéantir l'expiation. La faute est petite, elle n'existe même pas. « Au pis, si elle reste faute, elle sera lavée par les bonnes œuvres; or, de toutes, la meilleure, c'est de se vouer aux Jésuites, à l'intérêt ultra

(1) Pages 50 à 54.

montain. » On a l'air de sauver la liberté, en réalité, on la confisque au profit de l'autorité. Rome avait livré le christianisme le Jésuite livre la morale, en attendant que le monde le monde gagné par les confesseurs,

- livre la famille (1).

« L'essentiel pour les Jésuites, c'est d'affaiblir, d'amoindrir, de rendre les âmes faibles et fausses, de faire les petits très petits et les simples idiots : une âme nourrie de minuties, amusée de briborions, devait être facile à conduire. Les emblèmes, les rébus, les calembours moraux étaient très propres à cela... Toutes ces petites sottises réussissaient à merveille chez les femmes désœuvrées, en qui l'esprit était faussé de longue date par la galanterie sans idées. Pour leur plaire, en tous les temps, il n'a fallu que deux choses: premièrement les amuser, partager leur goût pour le petit, le romanesque et le faux; secondement les flatter, les gâter, dans leurs faiblesses en se faisant plus faible, plus mol, plus femme qu'elles (2).

Faut-il continuer? montrer à la suite de notre auteur qui a « pris ses preuves historiques chez les plus purs et les meilleurs de ses adversaires, qui cite peu, mais exactement et toujours après avoir minutieusement vérifié » (3), les Jésuites faisant la chasse au péché, cherchant toujours un moyen d'aller plus loin dans l'indulgence, de renchérir sur le prédécesseur, si bien que le péché «< ne savait plus où se réfugier dans la vie

(1) Pages 77-81.

(2) Page 86. (3) Page 45.

humaine »? Ce fut le tort de Pascal de ne pas accentuer ce développement progressif par où les casuistes allaient. renchérissant l'un sur l'autre (1).

Voici pour terminer, le Jésuite calomniateur: « Un choeur de trente mille hommes, répétant tous les jours la même chose dans le monde chrétien! qui résisterait à celà? C'est là proprement l'art jésuite, et ils y ont été incomparables. Il leur fut dit à leur naissance à peu près comme Virgile dit à son Romain dans le passage si connu (Excudent alii spirantia mollius aera...): « D'autres animeront l'airain, ou donneront la vie au marbre; ils excelleront dans d'autres arts... toi, jésuite, souvienst'en, ton art est la calomnie (2). »

Laissons de côté les Jésuites corrompus eux-mêmes, pour avoir trop corrompu le monde, et arrêtons-nous, pour n'avoir pas à dire les blasphèmes que le culte du Sacré Cœur amène sous la plume du visionnaire. Michelet trouve quelque part que Eugène Sue, « notre admirable romancier, a eu tort d'idéaliser à ce point les Jésuites, de les peindre comme de fortes têtes, des calculateurs profonds ». Lui certes, n'a rien idéalisé, et son Jésuite 30.000 hommes, c'est son chiffre

bien absolument et complètement monstrueux (3).

est

<< Michelet, écrit M. Lanson, lira dans les textes tout ce qu'il voudra; avec une subtilité féroce d'inquisiteur, il n'y aura bassesse ou crime qu'il ne prête à ceux qu'il n'aime pas. Il exprimera aussi des faits tout ce

(1) Pages 88-89.

(2) Page 99.

(3) Pages 108, 216, note.

qu'il voudra, par le plus outré, le plus intempérant symbolisme qu'on puisse voir. Son imagination dominée par sa foi et ses haines devient une machine à déformer la réalité. Son histoire, dès lors, débordant de diffamations et de calomnies fantaisistes, tournant à l'hallucination délirante, nous donne à chaque instant, l'impression d'être du même ordre que la Légende des siècles ou les Châtiments » (1).

En ce qui regarde les Jésuites, ces « diffamations et calomnies fantaisistes » de Michelet, ont cependant une importance capitale. Qu'on y regarde un peu de près, sous les réquisitoires savants que nous aurons à analyser plus loin, il ne faut pas gratter beaucoup pour trouver du pur Michelet (2).

VI

Après ces enfants terribles du Collège de France, qui osaient bien se donner comme les interprètes autorisés du monde officiel, voici les grands universitaires et les grands politiques.

Par deux fois, en 1844 et 1846, Cousin, Villemain, Thiers, et d'autres encore auxquels il faut bien ajouter Guizot, furent amenés à parler de la Compagnie de Jésus. C'était toujours pour lui faire son procès, et

(1) Histoire de la littérature française, 5o édition, p. 1011. (2) Voilà pourquoi nous ne nous attardons pas à réfuter ces folies : nous en retouverons plus loin la substance.

montrer quels dangers sa présence dans un pays, à bien plus forte raison son éducation, feraient courir à l'Etat et à la société. En tout cela, peu de faits, mais, c'était alors la mode oratoire, beaucoup d'idées générales, ce qui veut dire, quand on est sur un terrain faux, beaucoup d'idées creuses et de déclamations.

Ajoutons, pas mal de mauvaise foi.

Le cardinal de Bonald venait de condamner le Manuel de droit public ecclésiastique, œuvre ultra gallicane de M. Dupin. Soixante évêques adhérèrent publiquement à l'acte de l'évêque de Lyon. Fureur des parlementaires. Dans un conciliabule secret, les chefs de la gauche, Thiers, Odilon Barrot, Dupin, de Rémusat, Duvergier de Hauranne, décidèrent d'opérer « une sortie » sur la situation légale des Jésuites en France. De là les interpellations des 2 et 3 mai 1845. Toujours même tactique : dériver sur l'odieuse congrégation, les coups que l'on n'ose porter directement à l'Eglise et à l'épiscopat (1).

Mais enfin, pourquoi faire payer aux Jésuites ce qui était le fait des évêques? M. Thiers nous le dira. Il demandait qu'on appliquât « les lois existantes ». Il protestait, bien entendu, de son profond respect pour l'auguste religion, de son pays, mais une autre chose l'enflammait d'un égal amour, remarquait L. Veuillot, <«<les augustes lois qui proscrivent les ministres de cette auguste religion ». Le péril, c'était la lutte acharnée des évêques contre l'université. Les évêques, ces derniers temps, ont beaucoup écrit. Les Jésuites, notez le

(1) Lecanuet, t. II, p. 250. Thureau-Dangin, t. V, p. 548.

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