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méfaits de l'hérésie jésuitique, quel auteur Port-Royal met-il entre les mains de son secrétaire? Un pamphlet allemand. C'est dans l'Historia Jesuitica du sacramentaire Rodolphe Hospinianus que Pascal nous avons, page par page et de sa main, l'indication des renvois — va prendre ses idées sur les Jésuites et leur histoire. Certaines de ses notes sentent à plein leur provenance protestante; ceci par exemple: ils soutiennent que tout roi ou prince, déclaré hérétique par des hommes graves, c'est-à-dire par eux, Jésuites, peut être mis à mort; ils avaient, pendant la Ligue, un bref du Pape qui les dispensait d'obéir au roi; l'un d'eux avait enseigné qu'on pouvait alors lui obéir provisoirement, par feintise; leur pauvreté n'est qu'un trompe l'œil, etc. etc. C'est donc là, dans ce singulier document, que Pascal et ses amis lisaient les Constitutions. C'est Hospinianus qui leur apprenait à voir, dans les Déclarations qui les commentent et les expliquent, une œuvre de mensonge, contredisant et falsifiant le texte, là enfin qu'il devait puiser de quoi remplir le chapitre qu'il intitulait à l'avance : « Lettre des établissements violents des Jésuites partout » (1).

(1) Pensées, t. III, p. 389, 398, 399, etc.

R. Hospinianus, Historia Jesuitica, hoc est de origine, regulis, constitutionibus, privilegiis, incrementis, progressu et propagatione ordinis Jesuitarum. Item de eorum dolis, fraudibus, imposturis, nefariis facinoribus, cruentis consiliis, falsa quoque et sanguinolenta doctrina. Tiguri (Zurich) 1619, in-fo. Cet ouvrage fut repris et augmenté un peu plus tard par Ludovicus Lucius, Hist. Jes.. de Jesuilarum ordinis origine, nomine, etc. Bâle, 1627, in-4°

On devait aussi connaître à Port-Royal, à cette date le Teatro Jesuitico, dont nous parlons plus loin.

Ce projet de Provinciales nouvelles fut abandonné; mais il était trop riche de promesses pour n'être pas repris. Une douzaine d'années plus tard, c'était chose faite. Le premier volume de la Morale Pratique paraissait en 1669. Cette fois il s'agissait de montrer qu'il n'y avait plus lieu de distinguer entre Jésuites et Jésuites, casuistes sévères et casuistes relâchés; cette concession de Pascal est abandonnée : tous se valent, et ils font bloc. « Ce qu'il y a de plus effrayant dans la conduite de ces Pères, disait la Préface, est de voir qu'ils suivent dans la pratique toutes ces maximes corrompues, et qu'ils ne permettent rien aux autres contre la loi de Dieu.., qu'ils ne fassent eux-mêmes pour satisfaire leur propre convoitise ou pour l'agrandissement de leur Société ». Que si on les poursuit ainsi, à Dieu ne plaise que ce soit par animosité, c'est charité pure, c'est << par la douleur qu'on a de les voir en de si malheureux engagements... On désire de tout son cœur que ce travail puisse leur être utile, car, quoi qu'ils puissent dire, on les aime, et l'on a pour eux toute la charité que l'on doit. Mais on n'ose l'espérer ».

III

Où les jansénistes avaient-ils été chercher la matière de leur charitable avertissement? La chose vaut peutêtre la peine de s'y arrêter un peu.

Nous venons de parler du théologien suisse Hospinianus. Singulière autorité dans la questien : mais voici

plus singulier encore. Gaspard Scioppius a laissé un nom retentissant dans la littérature de diatribes. Triste sire qui passa sa vie à diffamer savants et princes, abrité derrière de sonores pseudonymes. Par ailleurs, vaniteux comme on ne l'est pas, quémandeur inlassable et ayant de quoi se venger quand on faisait la sourde oreille, d'une violence de langage inouïe, avec le goût des obscénités les plus révoltantes, converti au catholicisme par politique, et peut-être retourné au protestantisme sur ses vieux jours. Cet ennemi d'Henri IV et de Jacques Ier, qui trouvait des excuses au crime de Ravaillac, se prit contre les Jésuites d'une haine folle. Il déclarait les haïr au point d'en perdre le sommeil. Ils étaient pires que les Turcs, ennemis de Dieu, n'adorant que le Pape, empoisonneurs, magiciens, rebelles, régicides. La litanie n'est pas nouvelle. Il fit tant qu'on finit par lui attribuer, je ne dis pas en toute certitude, mais avec vraisemblance, la confection d'un certain nombre de pièces fausses qui, pendant cent ans, vont circuler surtout dans le public janséniste, contre la Compagnie, et circulent encore. Les titres seuls de ses élucubrations donnent quelque idée du genre - à l'obscénité près: Actio perduellionis in Jesuitas, 1632; Flagellum Jesuiticum, 1632; Anatomia Societatis Jesu, 1633; Jesuita exenteralus, 1635 (1).

(1) Sur Scioppius, cfr. Huylenbroncq, Vindicationes... Bruxelles 1715, ch. I, p. 19. Janssen, L'Allemagne et la Réforme, t. v. p. 475. Pilatus, Der Jesuitismus, p. 493-495. Ch. Nisard, Les gladiateurs de la République de Lettres, t. II, p. 1–206. Paris, Levy, 1860. Sommervogel, t. III, au mot L. Forer.

Ce << fouetteur », cet « éventreur » des Jésuites, est un de ceux qui ont le plus contribué à répandre et à fixer la fable des Monita secreta, découverts par hasard dans le portefeuille du Recteur de Paderborn, après le pillage du collège. On lui doit plus encore. Au temps où l'on discutait sur ce qu'il y avait à faire des immeubles dont, au cours de la guerre de Trente ans, certains ordres religieux avaient été dépossédés, il proposait qu'on les donnât aux Jésuites pour en faire des séminaires et des collèges (1630). Il les ménageait encore en ce temps là. Mais voici qu'une requête présentée par lui à la Diète, en vue d'une pension qui récompensât ses bons et loyaux services, n'obtient pas de réponse. La faute évidemment en est aux Jésuites, confesseurs de l'Empereur et de ses Electeurs, qui ne l'ont pas appuyée, comme il y comptait. Inde iræ. Et si aujourd'hui les Pères passent encore en Allemagne pour d'infatigables accapareurs de monastères et autres maisons, ils le doivent à Scioppius (1).

Les Jésuites n'étaient pas restés sans se défendre. << Forer, Alberti et Inchofer, entre autres, l'avaient fait

(1) On lui attribue, par exemple, le texte .courant et classique de cette fameuse lettre du franciscain Sotello, dont on a tant abusé contre les Jésuites du Japon (Cfr. L. Forer. Mantissa Ant-Anatomia Jesuitica, Eniponte 1645, L. Pagès. Hist. de la Relig. Chr. au Japon, 1869, t. II, 137). Le fond peut être authentique; ce missionnaire, qui pourtant devait mourir confesseur de la foi, ne parait pas avoir été très équilibré. Mais certains détails, relevés par les Jésuites, trahissent un homme ignorant des choses japonaises, et semblent interpolés.

Cette question a été examinée en détail par le Père B. Duhr, op. cit. n. 20, p. 582.

avec vigueur et avec esprit. Ils dépouillèrent Scioppius. de ses fausses apparences... ils parvinrent à détacher de lui tous ceux qui le protégeaient encore, et ils le réduisirent à passer le reste de sa vie dans la retraite... Ils purent se flatter au moins d'avoir triomphé de lui' vivant : mais une fois mort, ceux à qui il avait légué sa haine et ses libelles, et qui les firent fructifier, le vengèrent bien »> (1).

Ces vengeurs de l'intègre Scioppius furent les compilateurs de la Morale Pratique. Mais il avait, en Allemagne, en Italie, jusqu'en Espagne, des amis et des émules. Ici nous retrouvons le Teatro Jesuitico, un vrai trésor pour les Solitaires. Il comprenait partie doctrinale et partie historique. La première avait été exploitée déjà par Nicolas Perrault, dans son ouvrage de 1667. Restait la seconde qu'il ne fallait pas laisser perdre. On y reproduisait les feuilles volantes, dont un certain François Roales, prêtre, avait inondé l'Espagne. La fleur des calomnies de Scioppius et de ses amis y était soigneusement mise en œuvre. L'auteur y avait ajouté sa cueillette d'anecdotes. Tout cela était excellent pour les jansénistes de Port-Royal, d'autant que, partis sur une fausse piste, ils s'obstinaient à attribuer le pamphlet à un pieux évêque dominicain, qui s'indigna très fort quand il sut comment on exploitait son nom. Il fallut avouer qu'on s'était trompé : mais l'ouvrage restait. Ne pouvant plus arguer de la vertu de Don Ildephonse de Saint Thomas, on se rejeta sur l'honnêteté

(1) Nisard, op. cit., p. 141.

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