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du Pape. On voit vers ce temps-là, le père général Aquaviva, avec un Jésuite espagnol, le cardinal Toledo, avec un italien, Possevino, avec Commolet, Commolet lui-même, plaider la cause d'Henri IV, s'efforcer de supprimer les derniers obstacles qui s'opposaient à l'absolution. Les Jésuites étaient alors bannis, le parti espagnol voulait faire de leur rappel une condition sine qua non du pardon pontifical. Clément VIII y voyait pour lui une question d'honneur. Mais qu'y eût gagné la France? La guerre se fût indéfiniment prolongée. Le père Aquaviva supplia donc le Pape de passer par dessus les malheurs particuliers des Jésuites et Clément VIII céda; le roi fut absous. Henri IV alors aura pour Toledo une lettre spéciale de remerciements. Quand un an plus tard, le cardinal mourra, le roi enverra à Rome une lettre de condoléances et fera célébrer à sa mémoire un service funèbre. Henri IV savait bien à qui il devait l'absolution et la paix. Cette politique des Jésuites de Rome pouvait être de gens habiles qui prévoyaient et préparaient l'avenir, elle n'était pas de partisans bien chauds des Espagnols (1).

Voilà pour le fond de la légende; reste à voir, et c'est le point important, comment elle s'est formée.

IV

Le 22 mars 1594, Henri IV était donc entré à Paris. Beaucoup de ses ennemis se jetaient à ses genoux. Il

(1) Lettres missives d'Henri IV, t. IV, 455, 456. (Let. du 15 nov. 1595).

pardonnait; et, sauf quelques exils assez bénins, l'amnistie était complète. Mais peut-il y avoir une amnistie pour les Jésuites? On se chargea de le leur faire entendre.

Vingt ans de guerres civiles, pendant lesquelles parlementaires et sorbonistes avaient joué leur rôle, et parfois combattu aux côtés des Jésuites, les dépassant de fort loin en ardeur et en intransigeance, n'avaient qu'assoupi les querelles d'autrefois. Pour ce qui est de l'Université, elle ne pouvait admettre que la solitude se fût faite dans ses collèges pendant la Ligue, alors que celui de Clermont avait toujours conservé bon nombre d'élèves. Ces choses-là ne se pardonnent guère. A la première occasion, l'étincelle se ralluma.

Qu'on veuille bien noter les dates, elles ont leur importance.

Le roi était entré à Paris le 22 mars. Moins d'un mois après, 18 avril, en conseil secret, l'Université, ou pour parler plus exactement une fraction de l'Université décidait de reprendre les vieux procès contre le collège de Clermont.

Le 22, elle faisait sa soumission. Les religieux en masse, Dominicains, Franciscains, Chartreux, Jésuites se réservaient comme nous l'avons dit, attendant une réponse de Rome, et, par suite, ne s'associaient pas aux Te Deum chantés dans les paroisses. On avouera que, habile ou non, cette attitude ne manquait pas de dignité. Les religieux ne refusaient pas leur adhésion, ils la suspendaient jusqu'à plus ample informé; et ils ne se mettaient pas du jour au lendemain en opposition avec eux-mêmes. Pour ce qui est des Jésuites, ils se

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trouvaient dans une position fausse dont il fallait faire son profit. Donc, le 12 mai, le nouveau recteur, Jacques d'Amboise, déposa contre eux sa plainte au Parlement. Les Jésuites étaient accusés d'être d'origine espagnole, d'avoir été partisans des Espagnols, ministres et espions de l'Espagne. Donc, il fallait les expulser. Cette conclusion n'alla pas sans protestation d'une notable partie du corps enseignant. Mais on passa outre. Le 14 mai, assignation fut donnée aux Jésuites de comparaitre le 16. Le 17, grande plaidoirie d'Antoine Arnauld. Tout cela en moins de deux mois.

Pourquoi cette hâte, et ce besoin d'écraser sans un moment de répit son adversaire de l'avant-veille, son allié d'hier un peu tiède? Voulait-on pêcher en eau trouble? Trouvait-on que le meilleur moyen de se faire pardonner était de se porter accusateur? Ou bien encore l'Université en plein désarroi, sans maîtres et sans élèves crut-elle qu'il n'y avait pas pour elle de relèvement possible si les Jésuites conservaient leur collège? D'autres assurent qu'en-dessous l'on trouvait la main des protestants et l'on cite cette phrase du diplomate calviniste Jacques Bongars : « Nous sommes ici occupés à faire chasser les Jésuites; l'Université, les curés des paroisses et toute la ville ont conjuré contre ces pestes publiques ». Tout cela est plausible (1).

Quoiqu'il en soit des intentions, la hâte était quelque peu excessive, et témoignait d'une rancune bien tenace.

(1) Daniel, Hist. de France, t. VII, p. 254.

V

Le plaidoyer d'Antoine Arnauld, et l'entrée en scène de la remuante et vigoureuse famille d'avocats et de docteurs auvergnats, marque une date dans l'histoire de l'antijésuitisme. Du personnage, nous n'avons qu'une chose à dire. Son père avait passé par le calvinisme. Avant de faire souche de jansénistes, il avait fait souche de protestants. Puis il était revenu à sa première religion. lors de la Saint-Barthélemy. « Ce coin, voilé le plus possible par ses petits-fils de Port-Royal, remarque Sainte-Beuve, relevé malignement par les Jésuites, doit être indiqué de loin au fond de notre tableau et y tient plus peut-être que les Arnauld eux-mêmes ne croyaient (1). » Quant à l'avocat lui-même, il était catholique; on a essayé de soulever des doutes sur ce point, mais sans fondement sérieux. De ces observations nous n'avons qu'une conclusion à tirer: Antoine Arnauld l'ancien, par ses antécédents, avait tout ce qu'il fallait pour plaider contre les Jésuites avec ce degré de passion qui endort le sentiment de la justice. Qu'il le veuille au non, il y aura des inspirations calvinistes dans son antijésuitisme.

Avec lui, les vieux débats vont prendre de l'ampleur. Ce n'est plus comme au temps de Pasquier un simple

(1) L'Estoile, Journal de Henri IV, Collect. Michaud, t. II, p. 239. Lenient, La Satire au xvr° siècle, t. II, p. 188.

procès civil, c'est une véritable action publique qu'Arnauld intente aux Jésuites. Par delà la concurrence faite à l'alma mater, par delà même la politique espagnole reprochée aux religieux ligueurs, Arnauld entrevoit dans la Compagnie un vaste complot qui embrasse le monde entier. Les moins amis des pères en sont stupéfaits. Ceux qui, comme l'Estoile, voudraient voir tous les Jésuites aux Indes employés à convertir les infidèles, ne peuvent s'empêcher de trouver qu'Arnauld eût été bien plus fort s'il avait été moins outré. « Son tableau, dit Lenient, chargé des plus sombres couleurs, a le tort d'être une calomnie (1). »

Accaparements d'immeubles et d'héritages, corruption de la jeunesse à laquelle ils n'apprennent autre chose que la sédition et l'amour de l'Espagne, assujettissement à Philippe II de la couronne de Portugal, prédications incendiaires de Commolet, tout cela n'est qu'un jeu. Voici mieux, il faut citer: « Mais si les Jésuites sont pernicieux à la France, pour le moins ont-ils fait de grands miracles aux Indes! Oui certainement et fort remarquables pour nous, car ils ont fait mourir avec leurs Castillans par le fer et le feu 20.000.000 de ces pauvres innocents que leur histoire même appelle des agneaux. Ils ont bien arraché le paganisme, non pas en convertissant les payens, mais en les bourrelant cruellement. La façon à laquelle ils dépeuplèrent l'ile Espagnole est fort remarquable; ils

(1) Port-Royal, t. I. p. 59. Varin, La Vérité sur les Arnauld, t. I, p. 339.

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