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vaient que le mouvement se ralentissait; les grands ligueurs fatigués se laissaient gagner à l'apathie générale; ils ne savaient que « faire la guerre aux poules ». Mayenne ne valait pas mieux que les autres : « Il faudrait, s'écrie Commolet, un Aod à ce pourceau, à l'homme efféminé qui un gros ventre vous m'en

tendez bien »>.

Faut-il poursuivre et montrer, toujours d'après les récits courants, Edmond Auger, le seul Jésuite raisonnable du temps, confesseur et partisan d'Henri III, mais exilé par ses farouches confrères; Gueret et Guignard, professeurs de régicide; Alexandre Hay, convaincu d'avoir applaudi à la mort d'Henri III, etc., etc.

Bref, le parti royal n'avait pas de pires ennemis; le parti royal, c'est-à-dire le parti français, car de cœur et d'action, les Jésuites étaient Espagnols. Ou plutôt ils n'étaient rien, essentiellement cosmopolites, sans attaches solides à aucune patrie, « ne reconnaissant clairement d'autre dépendance que celle de la cour de Rome, mise elle-même sous le joug de leur domination »>. << S'ils furent chassés, ce fut par un élan d'honnêteté nationale »; parce qu'ils « n'étaient dévoués à personne »; parce qu' « entre les mains de ceux qui l'employaient, l'instrument pouvait d'un jour à l'autre, sur un mot parti on ne sait d'où, se retourner sournoisement »> (1).

(1) Hanotaux. Etudes historiques sur le XVI et le XVIe siècle, 1886, p. 155.

III

De toutes ces allégations, que reste-t-il, quand on étudie les faits ailleurs que chez Arnauld, l'Estoile, Pasquier et autres ennemis notoires? Je ne prétends pas qu'on puisse justifier tous les actes, toutes les paroles de tous les Jésuites en ces années de lutte et de passion. Mais, à s'en tenir aux faits déjà établis, il faut bien avouer que du monceau d'accusations accumulées par nos gallicans, il ne subsiste pas grand chose de grave.

Regardons-y d'un peu près. A Rome, on voit le général de l'Ordre faisant tout pour maintenir ses subordonnés dans l'esprit de leur vocation, dans l'observation rigoureuse de leur règle, à l'écart du mouvement, strictement enfermés dans leur ministère sacerdotal. Il est vrai qu'il n'y réussit pas au gré de ses désirs: mais les événements parfois sont plus forts que les volontés humaines. Et puis, que faire, lorsque les Papes n'entraient point dans ses scrupules, quand Sixte-Quint trouvait fort normal que les Jésuites combatissent l'hérésie jusque sous les drapeaux de la Ligue (1)?

A Paris, dans ce collège de Clermont, antre de la sédition et du fanatisme, au milieu de ces Jésuites qu'on ne manque pas d'associer à Boucher, Pelletier, Lincestre

(1). Voir la lettre du P. Aquaviva au P. Cl. Mathieu, 22 fév. 1586, dans Crétineau Joly, t. II, ch. 7.

et autres ligueurs irréductibles, voici ce que nous trouvons :

Un zèle pour la Ligue qui n'allait pas toujours jusqu'à l'héroïsme dans l'abnégation, témoin le recteur du collège, le P. Tyrius, qui eût bien voulu, au temps de la famine, garder intactes les provisions; tiédeur qui lui valut une verte algarade de la part du prévôt des marchands (1).

Des solutions pratiques données par les théologiens, fort sages en soi, mais que les docteurs de la Ligue ne pouvaient que trouver très relâchées. En plein siège, -au moment où, à ceux qui parlaient de se rendre, la Sorbonne promettait l'enfer, et le Parlement la potence, quelques personnages de sens plus rassis, consultèrent, mais en cachette, ce même Tyrius et le père Bellarmin alors à Paris, et conseiller du légat. Les théologiens déclarèrent qu'en sûreté de conscience on pouvait se rendre, même à un prince hérétique. Aux prélats qui lui furent alors députés, Henri IV put montrer les lettres de l'ambassadeur d'Espagne à son maitre, se plaignant vivement des deux Jésuites.

Un rôle suivi de modérateurs et par exemple Odon Pigenat, ce farouche président du conseil des Seize, n'y était entré que malgré lui, sur l'ordre de Mayenne « pour tâcher de modérer la fureur de cet exécrable tribunal ». De son rôle ingrat il ne recueillit que des déboires; sa présence pourtant n'avait pas été inutile.

(1) L'Estoile, Journal de Henri IV, p. 21. Mémoires de la Ligue, t. IV, P. 207.

On le vit bien quand, lui disparu, le président Brisson et plusieurs autres furent massacrés pour n'avoir pas ratifié une sentence de mort (1).

On constate en outre plusieurs confusions de noms et de dates qui ont permis d'exagérer le rôle des Jésuites; comment par exemple Claude Mathieu, un zélé ligueur certainement, mais Lorrain d'origine, ce détail n'est pas à négliger, ne pouvait en 1591 porter en Espagne les lettres des Seize, vu qu'il était mort en 1587 on l'a confondu avec un moine espagnol (2); comment on a fait porter au Jésuite Pigenat la responsabilité des excès de son frère, le docteur François, curé de Saint-Nicolas; comment on dédouble le Père Bernard Rouillet en deux Ligueurs, le Jésuite Bernard, et le Jésuite Rouillet, — comment on fait un Jésuite du curé Guincestre, etc. (3).

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Si l'on se reporte aux derniers temps de la Ligue, une autre constatation s'impose. Ces farouches séditieux

(1) P. Ch. Dupuy. Discours apologétique, (Prat, t. V. p. 28). La légende ajoute qu'il tomba enragé quand il vit Paris aux mains d'Henri IV. La vérité est qu'il avait quitté Paris dès 1592, malade avec des accès de fièvre chaude dus à ses travaux excessifs. En 1594, il vivait encore et commençait à se remettre. Donc il faut corriger la note de Labitte, p. 119.

(2) Fleury, Hist. Eccles., t. 36, p. 335, Paris 1742, in-12. Dazės p. 33. Ce qui a causé cette confusion, c'est sans doute le titre de Courrier de la Ligue qu'on lui donnait. Or, ce terme ne signifiait point qu'il se faisait le porteur des messages du parti; mais on le lui avait donné, dit l'Estoile, « parce que il a écrit ce qui se passait à Rome et en France au sujet de la Ligue ». Journal de Henri IV. Crétineau-Joly, t. II, ch. VII, p. 320.

(3) Labitte, p. 149; Dazès, t. II, p. 202 et suiv.

ne repoussaient point les projets de conciliation honorable. On sait que vers 1593, dans les deux partis, se forma un courant d'opinions modérées et pacifiques qui tendait à un rapprochement. Le tiers parti royaliste reprochait au Béarnais de ne pas se convertir assez vite. Le tiers parti ligueur repoussait nettement l'idée d'un roi lorrain ou espagnol : il maintenait le principe de la loi salique; le roi devait être et catholique et Français. C'était aussi la pensée des Jésuites les plus en vue.

Témoin Commolet que l'Estoile lui-même nous montre en 1594 recommandant en chaire la personne « du Roy notre Sire », voulant, disait-il, pour la France << un Roy naturel, pas Espagnol »; si zélé pour les intérêts d'Henri IV que le cardinal d'Ossat, au nom de Clément VIII, le citait au roi comme un argument vivant pour l'empêcher d'exécuter contre les Jésuites les arrêts du Parlement (1).

Il est vrai que les Jésuites n'allèrent pas se précipiter aux genoux d'Henri IV, dès que, catholique et vainqueur, il fut entré dans Paris. Ils laissèrent à d'autres plus compromis qu'eux cet empressement de mauvais aloi. Rome alors se réservait : c'était à elle de dire le dernier mot, et ce dernier mot, l'absolution, elle hésitait, elle répugnait même à le prononcer. Tous les religieux, les Jésuites comme les autres, attendaient. Mais ils faisaient mieux que de protester au roi de leur dévouement tout frais et tout neuf, ils agissaient auprès

(1) Dupleix, Hist. de Henri le Grand, p. 191. Lettre du cardinal d'Ossat, 16 février 1595. L'Estoile, édit., Michaud, p. 156, 175, 180, 230.

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