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CHAPITRE III

Séditieux et Sans-Patrie

(1576-1594)

I.

II.

-

LA LIGUE.

LES JESUITES Ligueurs, la légende.

III. La véritable attitude des Jésuites.

IV. REPRISE DES ANCIENS PROCÈS PAR L'UNIVERsité.

V. — PLAIDOYER D'ANTOINE ARNAULD (1).

I

Franchissons quelques années.

Le dernier quart du xvie siècle et le commencement du xvire marquent une date capitale dans l'histoire de l'antijésuitisme.

(1) Outre les ouvrages indiqués au chapitre précédent, voir spécialement les Mémoires de l'Estoile, Palma Cayet, Cheverny, etc. dans la collection Michaud et Poujoulat, les Mémoires de la Ligue, la Satire Menippée, le Plaidoyer d'Arnauld (Annales des soi-disant Jésuites, t. I.). La Défense des Jésuites, par le R. P. Barny est dans du Boulay, t. VI, p. 866; celle du P. Cl. Dupuy est dans les Recherches historiques du P. Prat, t. V.

(Dazès) Compte rendu au public, 1765. Labitte, La démocratie chez

C'est vers ce temps-là, peut-on dire, qu'il se fixe dans ses grandes lignes; vers ce temps-là que l'échange s'étant fait d'un pays à l'autre des principaux chefs d'accusation, la légende se trouve constituée.

Ce n'est pas que chaque pays n'y conserve son originalité. Les peuples protestants gardent les grosses imaginations sanglantes. Les catholiques plus ou moins teintés de jansénisme ou de gallicanisme insistent sur les dangers politiques ou sur la morale relâchée. Les catholiques purs comme ceux d'Espagne, s'en tiennent en général aux querelles de couvent ou de clocher. Mais à ces différences près, on peut dire que vers 1600 ou 1610 l'antijésuitisme est bien près d'avoir sa forme définitive. La Ligue, l'apparition des Monita secreta, le Complot des poudres, les attentats sur la personne de Henri IV, voilà les épisodes autour desquels il est facile de tout grouper.

Grâce à eux, il se forme par toute l'Europe une image du Jésuite, à laquelle on pourra bien ajouter quelques traits inédits, mais à laquelle on aura soin de ne plus rien retrancher. Intrigue, mensonge, doctrines perverses et antisociales, compromissions coupables avec l'esprit du siècle, soif de domination, esprit

les prédicateurs de la Ligue. Colombier, Les Jésuites ligueurs (Etudes religieuses, 1874, t. I). Prat, Recherches historiques sur la C. de Jésus. Poirson, Histoire de Henri IV, 1865. L'Epinois, La Ligue et les Papes, 1886. Yves de la Brière, La conversion de Henri IV (Collection Science et Religion) 1904. Baudrillart, L'Eglise catholique, La Renaissance, Le Protestantisme, Paris, 1904. E. Lavisse, Histoire de France, t. VI, vol. 1. La Réforme et la Ligue, par J. H. Marićjol, Paris, 1904.

d'envahissement occulte, égoïsme corporatif sans attaches à la patrie, romanisme jusqu'à la négation des droits de la couronne, le cercle est à peu près complet des accusations entre lesquelles va désormais tourner indéfiniment l'antijésuitisme cosmopolite.

Insistons sur la France.

Au temps où Etienne Pasquier plaidait contre les Jésuites, les accusations courantes revenaient à ceci. Les Jésuites sont des hypocrites preuve, entre bien d'autres, la gratuité de leur enseignement. Ce sont des orgueilleux preuve, leur nom même; des cupides, des <«< croque-testaments » preuve, leur procès avec les héritiers de Mgr du Prat; des ambitieux voyez leur obstination à vouloir se faire une place dans l'Université; des ennemis de l'Etat, Espagnols d'origine, de tendances, de goût, d'inspiration.

Trente ou quarante ans s'écoulent. De l'ordre civil l'antijésuitisme passe, pour ainsi dire, à l'ordre criminel. Les Jésuites ne sont pas tout à fait, il est vrai, comme en Allemagne, ennemis de la société, prêts à mettre l'univers à feu et à sang pour le triomphe de Rome. Mais ils sont les fauteurs des doctrines anarchistes qui mettent la couronne des rois à la merci du Pape, et leur vie à la merci du premier conspirateur venu, responsables pour leur part de tous les grands attentats contemporains.

C'est aux environs de la Ligue que s'ajouta ce nouveau trait à la légende jésuitique.

Je ne fais pas l'histoire de ces temps de trouble. Je suppose connu le rôle de la Sorbonne et du Parlement

pendant la guerre civile, les déclamations outrées des docteurs, et les décrets extravagants de la cour suprême, les éloges donnés par tout ce monde à Jacques Clément, les appels à l'assassinat de Henri de Navarre. Il ne serait que trop facile d'accumuler ici les citations incendiaires.

En son principe, la Ligue avait été un admirable mouvement populaire : elle dégénéra, c'est le sort de toutes les entreprises humaines qui ne savent pas s'arrêter à temps. Je n'ai ici ni à la justifier, ni même simplement à la discuter. Une remarque suffit. Que les catholiques en fassent l'apologie, c'est logique; passant condamnation sur certains procédés que la sainteté du but poursuivi ne saurait justifier, ils considèrent le résultat cherché et obtenu, le maintien de la foi, et cela leur paraît bon.

Que les partisans du droit divin, tels que les régaliens du xviie siècle et les théoriciens de l'absolutisme royal, l'aient combattue, c'est logique encore une fois admise la conception nouvelle du droit monarchique, << il devenait scandaleux que des sujets dictassent leurs conditions à leur roi, et criminel qu'ils se fissent juges de l'indignité de ses actes ». Aux yeux de ces légistes << la Ligue avait le tort irrémissible de ne pas considérer la loi salique comme le dernier mot du droit politique français et de prétendre que la dévolution du trône pouvait et devait se régler autrement que la succession d'une terre ou d'un pré » (1). Mais enfin ces légistes

(1) L. de Lanzac de Laborie, Huguenots et Ligueurs. (Correspondant, 25 août 1904, p. 754).

avaient pour eux sinon la raison, du moins la logique. Mais que les historiens libéraux ou démocrates dont l'indulgence est inépuisable pour le Paris révolutionnaire, septembriseur, terroriste et communard, se prennent d'indignation vertueuse contre le Paris ligueur, c'est où la logique me parait défaillir. C'était pourtant le peuple alors, le bon peuple de Paris, qui spontanément se levait << pour inspirer à l'héritier présomptif le respect des volontés nationales et borner l'omnipotence du prince régnant ». Si mouvement fut populaire et démocratique, c'est bien celui-là. Par malheur il fut catholique, et cela ne se pardonne pas.

II

Et les Jésuites pendant ce temps?

Pris en masse, les Jésuites de France étaient ligueurs et ligueurs convaincus. Reste à savoir la manière, car il y en avait plus d'une.

Le parti de la Ligue n'était pas un de ces blocs homogènes, s'il en existe en politique, où tous ont les mêmes vues et emploient les mêmes moyens. Il y avait dans ses rangs des exaltés fanatiques. Il y avait des ambitieux vulgaires qui ne travaillaient que pour eux-mêmes, ou pour l'Espagne qui les payait. Mais il y en avait d'autres, qui, « bons Français et meilleurs catholiques, dit M. Mariéjol, mettaient le principe religieux au-dessus du principe monarchique », qui « joi

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