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une forte indemnité, ils ont vendu son royaume à Philippe d'Espagne. Philippe d'Espagne s'est tellement laissé subjuguer par ces « cyclopes atroces » qu'il leur a immolé son fils bien-aimé Don Carlos. Et comme le roi manifestait trop de douleur, ils exigèrent de lui qu'il se fit ouvrir une veine du front pour purger ce qu'il avait de sang hérétique.

Au Pérou, ils enfoncent des alènes rougies au feu, dans la chair des indigènes pour leur arracher le secret de leurs trésors. Les Papes, en 30 ans, ont fait mourir 900.000 hommes, et les Jésuites 2 millions. Les souterrains de leurs collèges d'Allemagne sont probablement bondés de soldats : ils n'en dorment pas. Ils sont à la solde du roi d'Espagne, etc., etc.

On eut aussi le Jésuite libertin. Un jour on annonce l'apostasie et le mariage de Canisius avec une abbesse de Mayence. Une autre fois on « lance » le grand scandale de Munich (1565). Les enquêtes prouvent que toute l'histoire n'est que calomnie; la calomnie fait son chemin, grossit en route, se corse de détails ignobles, et, bien des années encore après, alimente d'innombrables pamphlets. On nous permettra de ne pas insister.

C'est donc par centaines que l'on compte les brochures, pamphlets, caricatures, vers burlesques, où les Jésuites sont accusés de véritables monstruosités, parmi lesquelles l'assassinat passerait pour péché véniel. Qu'un moment soit venu où les Pères aient un peu perdu patience et répondu dans le style à la mode, on peut s'en scandaliser, mais qui s'en étonnera?

L'Historia Ordinis Jesuitici qui parut en 1593, et qui

semble, plus que tous les autres pamphlets, les avoir blessés, était, au dire du théologien Polycarpe Leiser, son éditeur, l'œuvre d'un ancien novice, mort six ans auparavant, Elie Hasenmüller.

L'apostat, selon un procédé commode et qui sera repris bien souvent par les fugitifs, vrais ou supposés, de la Compagnie, révèle ce qu'il a vu, ce qu'il sait d'expérience. C'est un miracle de la Providence si, lui, peut enfin dévoiler les mystères de l'affreuse association. Ordinairement en effet, les Jésuites ont des moyens expéditifs pour empêcher ces révélations indiscrètes. Dès que le supérieur soupçonne quelque dangereuse défection, les tortures, la potence ou le poison y mettent ordre sans retard.

Faut-il suivre l'auteur à travers ses divagations? Les Jésuites ont été fondés par le diable en personne, « père spirituel » d'Ignace. Leur règle et leurs constitutions ne contiennent pas une seule syllabe ayant quelque rapport avec la doctrine ou la vie de Jésus-Christ; leur unique. but au contraire, c'est d'effacer complètement le nom du Rédempteur, et de se substituer à lui; ils déshonorent Dieu et ils honorent le diable; ils méprisent le Christ, et ils adorent l'antéchrist, c'est-à-dire le Pape de Rome. Le Pape est le Priape des Jésuites. Tout être qui se joint à eux devient une bête enragée. Ils ont la spécialité du parricide, et il faudrait, en souvenir de Néron tuant sa mère, les appeler les Néroniens. « Assassins de profession, sangliers féroces, voleurs, traitres, serpents, race de vipère; ils sont plus féroces que les Turcs, et bien autrement funestes à l'Allemagne. Dans leur vie privéc

ce sont des boucs impurs, des pourceaux répugnants..... Ils ont reçu du Pape le plein pouvoir de commettre impunément tous les excès. Si on les connaissait mieux, on leur cracherait à la figure. Personne ne leur confierait l'éducation, je ne dis pas de son fils, mais de son porc » (1).

L'Historia Jesuitici Ordinis devait avoir, comme tous les chefs-d'œuvre, ses contrefaçons et ses imitations. L'on ne s'en priva pas. Sans parler du Jesuiticum Jejunium que Leiser mit encore sur le compte de Hasenmüller, sans parler du Miroir des Jésuites où un poëte demandait

D'écorcher tous les Jésuites,

De faire des tambours avec leur peau
Et de battre le tambour nuit et jour,
Jusqu'à ce que tout leur cuir fut crevé;

on multiplia ces Histoires où venait se déverser tout ce que la haine inventait au jour le jour. Bien entendu les individus n'étaient pas épargnés. Tandis qu'un prédicant apostrophait en chaire le P. Gretzer, « ce vil barbouilleur de papier, franc hérétique, adultère », qui portait toujours avec lui le diable dans une bouteille, Bellarmin avait les honneurs d'une Nouvelle et très véridique histoire. Ne fallait-il pas se venger de rudes coups portés par ce vrai savant, aux théologiens novateurs? Donc, on le voit, dans le pamphlet allemand,

(1) Ce pamphlet est réfuté en détail par le Père Jacques Gretzer dès 1593-1594. Opera, édition de 1734, t. XI, p. 4-147. Cfr. Sommervogel, t. III. col. 1755-1756.

étalant un luxe de prince, épicurien de la pire espèce, de vie si abominable qu'il avait fait 1642 victimes dont 563 femmes mariées; ajoutez la magie, le poison, les cadavres jetés la nuit dans le Tibre..., tout cela clairement prouvé par le petit livre de confession de Bellarmin, publié par son secrétaire. Il était mort en damné, et on voyait son spectre, en plein jour, planer dans les airs sur un cheval aux ailes déployées. Le Pape l'avait aperçu et en avait été épouvanté (1).

Toute cette littérature n'est point très captivante, le lecteur en conviendra, et, si nous ne cherchions qu'à intéresser, nous eussions supprimé la moitié de ces lourdes et nauséabondes inventions. Mais ne faut-il pas mettre à nu le péché originel de l'antijésuitisme? Il est tout entier dans une formule du Père Becanus, mettant sur les lèvres des Calvinistes, l'aphorisme suivant :

« Les Jésuites, nos grands adversaires, il faut les tuer, ou, si la chose est trop difficile, les chasser; à tout le moins, les écraser sous le mensonge et la calomnie ». Et l'auteur prouve son assertion par les faits : « En Angleterre, dit-il, où prévaut le Calvinisme, les Jésuites jusqu'ici ont subi la mort, ainsi Edmond Campion, Roger Filocus (Filcock), Henri Garnett et beaucoup d'autres. On sait que récemment on a parlé de chasser les Jésuites de l'Empire. Quant aux calomnies et mensonges ils sont innombrables. Je n'en dirai qu'un mot. Ces dernières années, les Calvinistes ont répandu le bruit que les Jésuites en Belgique avaient machiné la

(1) Janssen, V, p. 568.

mort de Maurice de Nassau. Ce mensonge a été officiellement relevé. Ils ont assuré dans leurs livres, qu'à Anvers un Jésuite avait été supplicié pour un crime infame; toute la ville a protesté. Ils ont raconté que les Jésuites de Munich en Bavière, non seulement avaient essayé de séduire une jeune fille, mais qu'ils avaient commis un affreux homicide. Par ordre du Duc Sérénissime la calomnie a été découverte et réfutée sur documents authentiques. Ils ont dit qu'à Cracovie, quatre Jésuites, pour forfaits énormes, avaient été, par ordre du Sérénissime roi Etienne, punis de mort. Etienne lui-même, sur la prière du Révérendissime et Illustrissime prince Wolfgang, archevêque de Mayence, qu'on dépeignait comme leur complice, réfuta l'accusation par lettres royales munies de son sceau. Faut-il poursuivre? D'un mot, les prédicants calvinistes, dans leurs chaires, vont criant que les Jésuites sont les auteurs de tous les maux d'ici-bas. Bien sûr, du train dont ils marchent, ils diront bientôt au peuple que les Jésuites ont introduit en ce monde le péché originel; et que, dans une confession auriculaire, ils ont conseillé à Absalon de déclarer la guerre à son père David » (1).

(1) Becanus. Aphorismi Doctrinæ Calvinistarum ex eorum libris dictis et factis collecti; cum brevi responsione ad aphrorismos falso Jesuitis impositos. Mayence 1608 Aphor. 15.

Becanus a été souvent mal compris. Des catholiques ont pris à la lettre certains de ces aphorismes, et les ont cités d'après lui, comme étant de Calvin. Les protestants ont répliqué en criant à la calomnie. Il suffisait de lire attentivement le titre du théologien, pour voir qu'on l'interprétait à faux. Il ne dit pas que ces aphorismes se trouvent textuellement dans les livres de Calvin, par exemple; mais que

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