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il lui plaisait de croire ou de faire croire qu'il n'avait affaire qu'à un parti. Il y avait, au reste, ceci de vrai dans leur dénonciation acharnée des Jésuites que c'étaient les plus actifs et déterminés ouvriers de la transformation qui était seule capable de maintenir l'empire de l'Eglise sur le siècle plus dévoués, plus intelligents, plus répandus que les autres Ordres, Pascal les condamnait sans condamner l'Eglise ils montraient qu'ils étaient avec l'Eglise pour prouver que la condamnation était injuste. La vérité est que Pascal avait tort de les séparer de l'Eglise, et raison de leur imputer le relâchement. Etait-ce aveuglement ou habileté? Il y avait de l'un et de l'autre. Dire les Jésuites corrompent l'Eglise comme ils trompent le Pape, et non pas les Jésuites sont l'âme de l'Eglise et le bras du Pape, c'était à la fois passion et tactique » (1).

De cette page intéressante retenons d'abord cette conclusion l'antijésuitisme janséniste cache une attaque au moins implicite à Rome. Comme tous les autres. qui jusque-là avaient crié « sus aux Jésuites! » c'était bien moins aux Jésuites qu'ils en voulaient qu'à l'autorité romaine. La seule différence était qu'ils en avaient moins conscience. Seuls, au temps des Provinciales, les jansénistes logiques se l'avouaient en toute franchise, tel Pascal poussé à bout par la question du formulaire (2).

(1) Lanson, loco cit.

(2) Comparer simplement ces deux phrases: 1° « Je loue de tout mon cœur le petit zèle que j'ai reconnu dans votre lettre pour l'union avec le pape. Le corps n'est non plus vivant sans le chef que le chef sans le corps. Quiconque se sépare de l'un ou de l'autre n'est plus du

Et maintenant nous n'avons plus devant nous qu'une question intéressante, mais qui déborde par trop le cadre de notre étude. C'est tout un volume qu'il faudrait pour y répondre. Est-il vrai que, vers ce temps-là, se fit sentir par toute l'Eglise un fléchissement inquiétant? Est-il vrai que l'Eglise ait cru devoir, pour ressaisir son autorité sociale, accommoder sa morale aux exigences du siècle et lui organiser une religion mondaine?

Mais puisqu'il s'agit de décadence, il faudrait nous dire d'abord quelles sont les périodes que l'on compare. Le xvie siècle en gros et le xve (1)? les générations qui ont suivi le concile de Trente et celle qui l'a précédé? les contemporains de Pascal et ceux de saint François de Sales? Ou bien oppose-t-on les temps modernes en bloc au moyen âge en bloc, ou à l'Eglise primitive en bloc? Décadence dans les mœurs de la masse ou dans l'idéal des saints? Décadence dans la morale privée, ou dans l'enseignement de la chaire, ou dans la théologie des casuistes, ou dans l'ascétisme, ou dans l'observation des lois de l'Eglise, ou dans la pratique des sacrements?

Si j'examine certains points plus en détail, voici ce que je rencontre aux environs de l'an 1600. Des

corps et n'appartient plus à Jésus-Christ », etc. (Lettre à Mlle de Roannez, novembre 1656 [Edition Brunschvicg, in-16, p. 218], cf. dix-septième Provinciale: « Je n'ai d'autre attache sur la terre », etc.); Après que Rome a parlé, et qu'on pense qu'elle a condamné la vérité..., il faut crier d'autant plus haut qu'on est accusé plus injustement », etc. (Pensées, t. III, n. 920, p. 342, 343).

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(1) Pour ce qui regarde le xvI° siècle, la réponse se trouve dans l'excellent ouvrage de M. Baudrillart, l'Eglise, la Renaissance et la Réforme. Bloud, 1904.

réformes énergiques en tous sens, menées par saint Charles Borromée, saint François de Sales et autres grands prélats, presque toujours avec les Jésuites pour collaborateurs. L'usage, assez nouveau dans sa généralisation, des retraites, dont le résultat immédiat, pour les individus et les congrégations, est le relèvement de la vie intérieure; et ces retraites ne sont que l'adaptation des Exercices de saint Ignace. L'organisation en grand de l'enseignement secondaire catholique, avec sa conséquence, l'ordre et la discipline dans le monde des écoles. La fréquentation des sacrements amenant, tous les catholiques le savent, augmentation de grâce et de vie chrétienne. Le relèvement dans les mœurs sacerdotales; et ici, je laisse la parole à M. Seignobos : « La réforme et la direction donnée à la vie religieuse par la Compagnie de Jésus ont eu des conséquences considérables. Le clergé catholique, jusque-là désorganisé, qui ne faisait rien pour retenir les fidèles et dont beaucoup de membres passaient au protestantisme, a, sur le modèle des Jésuites, observé une discipline stricte les prêtres obéissent mieux à leurs supérieurs; ils reçoivent au séminaire une éducation uniforme, prennent des manières plus modernes, plus correctes, plus polies (encore une innovation des Jésuites). Désormais, le clergé travaillera à gagner les laïques par le catéchisme, la prédication, la confession; il surveillera leur conduite et leurs lectures; son autorité morale grandira de plus en plus »> (1).

(1) La Contre-Reforme, (Cours el Conferences, 4 mai 1905, p. 395).

J'avoue ne pas trop voir comment ces faits peuvent coïncider avec l'éclosion d'une petite religion mondaine amoindric, affadie, décadente.

La décadence, il est vrai, j'en saisis la trace aux environs de 1650. Saint Vincent de Paul se plaint, dans une lettre célèbre, qu'on ne voit plus cette hantise des sacrements qu'on voyait autrefois (1). Le nombre des pâques diminue dans les paroisses; les communions mensuelles ne se voient plus guère un peu qu'aux Jésuites. A qui la faute? A ceux-là mêmes qui accusent l'Eglise d'être en décadence, aux jansénistes.

Niera-t-on que l'abandon de l'Eucharistie n'entraîne ordinairement dans les masses le déclin des mœurs? Qu'on regarde les lamentables statistiques de la dépopulation en France? Il n'y a excédent notable des naissances que là où il y a fréquentation des sacrements. Qu'on explique le fait comme on voudra; il mérite d'être constaté.

Et je reviens à mes questions. Le clergé des environs de 1600 est-il en décadence ou en progrès sur celui de 1550? Et les ordres religieux? Je ne compare pas entre eux les chrétiens qui ne pratiquent pas : ils sont hors de cause. Mais les bons catholiques, contemporains de François de Sales, sont-ils inférieurs ou supérieurs aux chrétiens pratiquants contemporains de Calvin? Et les saints, canonisés ou non, qui représentent dans l'Église l'idéal, ce même François de Sales, Vincent de Paul,

(1) Lettres du 25 juin et du 16 septembre 1648. (Sainte-Beuve, op. cit., t. II, p. 191).

Thérèse et tant d'autres, sont-ils inférieurs aux saints du xve siècle? L'efflorescence de la sainteté sur les hauteurs n'est-elle pas un signe que l'atmosphère générale, chez les chrétiens ordinaires, est de température assez élevée ?

Et ma conclusion est toujours la même des vues hâtives, des conséquences tirées avant l'examen détaillé des faits, et par suite une vue très incomplète des choses. Les réalités sont beaucoup moins simples qu'on le dit. S'il y a eu décadence pratique, et comment la nier lorsque l'on compare non pas 1656 avec je ne sais quelle date antérieure qu'on ne précise pas, mais 1550 par exemple avec 1900? où en est la cause? Dans un mouvement de l'Eglise pour s'adapter à l'esprit du siècle? La réponse, pour être classique chez les historiens protestants, n'en est pas moins par trop simpliste.

VII

Ce déclin du christianisme, sous sa forme romaine et moderne, on essaye de l'établir en décrivant la morale nouvelle, la religion nouvelle, oeuvre de la politique ultramontaine et jésuitique.

Certains auteurs, pour grande preuve, se contentent de mener leurs lecteurs au Gesù de Rome. Cette église somptueuse, qu'est-elle autre chose qu'un grand salon, avec de petites chapelles comme boudoirs? Ainsi Taine

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