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tendait bonne, attaquant des doctrines qu'il estimait criminelles sur l'exposé qu'on lui en faisait, il pensait avoir fait assez pour la justice quand il avait bien vu dans les auteurs la citation à objecter et quand il avait cru la comprendre. Sa conscience, en somme, pouvait se croire en sûreté; il s'en tenait à l'opinion de docteurs graves.

Soit, par exemple, la question des cinq propositions. Oui ou non, sont-elles dans l'Augustinus? Elles y sont, disaient les Jésuites. Elles y sont, disait le Pape. Elles y sont, devait bientôt dire Bossuet, « elles sont l'âme du livre ». Elles n'y sont pas, répliquait Arnauld : « J'ai lu exactement le livre de Jansénius, et n'y ai point trouvé les propositions. » D'autres vont plus loin: ils y ont trouvé juste le contraire. Pascal s'en tient là; et, en une matière où il faut aller au plus sûr, où le probabilisme est criminel, Pascal se fait probabiliste. « Je sais, mes Pères, le mérite de ces pieux solitaires... et combien l'Eglise est redevable à leurs ouvrages si édifiants et si solides. Je sais combien ils ont de piété et de lumières! »... Donc, je me range à leur opinion. Du reste, il n'y a qu'à lire Jansénius pour savoir à quoi s'en tenir. L'avez-vous lu, Montalte? Non, mais je le lirai quand je voudrai. « Si la curiosité me prenait de savoir si ces propositions sont dans Jansénius, son livre n'est pas si rare ni si gros que je ne le puisse lire tout entier pour m'en éclaircir. »Vous n'y pensez pas! un in-folio latin de mille pages, à deux colonnes, en petit caractère, qui ferait aujourd'hui vingt bons volumes. Il y faudra du temps, surtout à qui n'est pas

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théologien de profession. Peu importe, j'en crois nos messieurs. «< Ils ont plus examiné Jansénius que vous; ils ne sont pas moins intelligents que vous, ils ne sont donc pas moins capables que vous. » — Mais, Montalte, il ne s'agit pas de nous, il s'agit de Rome et du Pape. En matière de doctrine, vous me paraissez non seulement probabiliste mais laxiste (1).

La conclusion, c'est que, dans les Provinciales, c'est un peu Pascal que nous entendons, et beaucoup les Solitaires. Si le ton est de lui, le fond est d'eux (2).

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C'est ici que nous rencontrons la question des textes. Les Provinciales, disaient les anciens adversaires de Pascal, ne sont qu'un tissu de textes arrangés, falsifiés, tronqués; donc mensonge et calomnie.

Non, disent aujourd'hui les admirateurs, il a commis

(1) C'est avec Montalte que je raisonne et non avec Pascal. Pascal avait certainement, bien souvent, au moins feuilleté l'Augustinus. Mais il est dans son rôle de ne pas le laisser voir. Nous voulons simplement le montrer, en matière capitale, s'en remettant, ou ayant l'air de s'en remettre, au jugement et à la conscience d'autrui. Cfr. Maynard, I, p. 74; II, p. 236, 303, 304, 335.

(2) Rappelons, sans y insister, l'anecdote rapportée par le Père Rapin. Un jour, pressé par Mme de Sablé, une amie du dehors, qui lui objectait les réfutations qu'on faisait de son livre, il aurait déclaré : « Ce n'est pas mon affaire, cela regarde ceux qui m'ont fourni les mémoires sur lesquels j'ai travaillé ». Mme de Sablé le racontait au Père Rapin, qui nous l'a redit. Mémoires, t. II, p. 395.

très peu d'erreurs graves. Les citations sont exactes. « Les textes, sauf quelques insignifiantes exceptions, ne sont ni tronqués, ni pris à contresens. Qui pourrait en douter? (1) »

Ce n'est pas qu'à cette affirmation sommaire l'on n'ajoute immédiatement des restrictions. L'exactitude est toute relative. Pascal ignorait ce scrupule scientifique auquel nous habitue la critique moderne. Il se contente en ce genre de ce qui satisfaisait généralement le monde lettré et théologien de son temps. « Pascal, nous dit Sainte-Beuve, comme tous les gens d'esprit qui citent (?), tire légèrement à lui, il dégage l'opinion de l'adversaire plus nettement qu'elle ne se lirait dans le texte complet. Parfois il arrache quatre mots de tout un passage, quand cela lui va et cède à ses fins il aide volontiers à la lettre. » Ajoutons, toujours avec SainteBeuve, que Pascal est homme du monde. Il éprouve un certain dégoût à toucher ces matières si bien étiquetées par d'autres. << Cela le mène à brusquer plus d'un cas et à passer outre à des distinctions subtiles, qui n'existent pas pour lui (2). »

Cela est finement dit, et au fond, cela est fort sévère. Voilà Pascal transformé en simple amateur. M. Lanson, à son habitude, est plus précis. Après avoir remarqué qu'il y a dans les Provinciales plus d'erreurs et d'inexactitudes que ne le dit Sainte-Beuve, il les explique en partie par ce qu'il appelle une espèce d'émondage. Il

(1) J. Bertrand, op. cit., p. 175. (2) Port-Royal, t. III, p. 125.

note que Pascal en usait de même sorte avec saint Augustin, saint Thomas et même ses amis. Nous irons plus loin qu'Escobar ne se plaigne pas d'être parfois allégué de travers. Lui-même ignore par trop ce qu'est une citation exacte; et si parfois Pascal est peu équitable à l'égard de Suarez, Vasquez et autres, la faute en est à Escobar et à sa façon d'arranger les textes (1).

Si donc, continue M. Lanson, l'auteur des Provinciales écourte, allège, dégage certaines phrases, ce n'est pas pour prêter aux casuistes ce qu'ils n'ont jamais dit, c'est au contraire pour mettre en saillie ce qu'ils ont enseigné, mais parfois un peu obscurément. Procédé peu critique, mais peut-on dire qu'il est malhonnête? Reste qu'il est dangereux, « il supprime les atténuations, les justifications, les circonstances qui expliquent et adoucissent, et Pascal offre ainsi les décisions toutes crues dans l'absolu ». Procédé, ajouterons-nous, d'autant plus dangereux que l'auteur est plus prévenu, plus passionné, plus entraîné par la polémique, plus entouré d'âmes vibrantes et emportées. Dès lors les citations, à peu près exactes, ne risqueront-elles pas d'être à peu près comprises? Or, en matière aussi délicate, l'à peu près est infailliblement l'erreur.

Examinons à ce point de vue l'une des Provinciales les plus chargées de textes, la dixième. Il y est parlé des adoucissements apportés au sacrement de pénitence par les casuistes en ce qui touche la confession, la

(1) Edition Maynard, t. II, p. 34. Lanson, art. Pascal, dans la Grande Encyclopédie.

satisfaction, l'absolution, les occasions prochaines de pécher, la contrition et l'amour de Dieu. J'y relève une quarantaine de citations.

Voici d'abord la part du feu. Quinze textes où il y a trace de relâchement. Onze sont d'Escobar et de Bauny; car, Escobar et Bauny, l'on ne sort guère de là, et quand on allègue d'autres auteurs, c'est bien souvent qu'on les trouve dans Escobar. Un autre texte est d'un Jésuite parfaitement inconnu, mais neveu d'un grand homme et nommé Sirmond comme son oncle; rien ne nous met en garde contre une confusion possible. Ailleurs on ne nous avertit pas que la doctrine de tel et tel, relâchée par excès de subtilité, est combattue par Suarez, Vasquez et autres (1).

Maintenant, voici trois textes invérifiables, les thèses d'où ils sont pris étant perdues; et quatre autres sans portée mais non sans contre sens (2). Quatre fois Pascal cite d'après Escobar, lequel cite de travers; et, une fois, aux infidélités du compilateur, il ajoute les siennes (3). Une fois il prend l'objection pour la réponse (4). Ailleurs les citations sont faites de bouts. de phrases pris à droite ou à gauche, ne reproduisant la pensée que par à peu près (5); ou bien deux passages

(1) Pour tout ce qui suit, nous renvoyons à l'édition Maynard, t. II, p. 13, 14, 15 (Granado), 16, 23, 25, 26, 31 (Hurtado, Lamy), 36 (Sirmond).

(2) P. 10 et 24 (Imago primi sæculi), p. 22 (P. Petau), p. 16 et 32 (thèses).

(3) P. 15 (Reginaldus et Fagundez), et 34 (Suarez et Vasquez).

(4) P. 28 (Suarez).

(5) P. 20, 22 (P. Bauny).

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