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CHAPITRE X

L'antijésuitisme janséniste

PORT-ROYAL

(1640-1656)

I. PLACE DES PROVINCIALES DANS L'HISTOIRE DE L'ANTIJÉSUITISME.

II. LES ANTÉCÉDENTS.

III. LE TON DE LA POLÉMIQUE AVANT PASCAL, JANSENIUS, SAINT-CYRAN, ARNAULD.

IV. L'AME JANSÉNISTE.

V. LA MENTALITÉ JANSÉNISTE (1).

I

Les Monita secreta sont aujourd'hui pour le gros public, friand lecteur de feuilletons. Pour les fins

(1) Nous ne pouvons indiquer ici que l'essentiel de la bibliographie. On pourra compléter par ce que donne M. Gazier dans l'Histoire de la langue et de la littérature française, t. IV (1897), p. 625.

1° OEuvres jansénistes. [Saint Cyran et Martin de Barcos). Petrus

lettrés, les érudits, pour les penscurs, il y a les Provinciales.

Passons donc par dessus un demi siècle.

L'année des Provinciales, 1656-57, marque le point culminant dans l'histoire de l'antijésuitisme français, et peut-être de l'antijésuitisme européen. L'immortel réquisitoire devient comme la somme de tous les réquisitoires passés et futurs. Il résume ce qui s'est dit jusquelà, laisse tomber les calomnies par trop invraisemblables, garde les accusations moins extravagantes, leur donne un vernis de zèle pour la justice, les fonde sur une base imposante de citations, par dessus tout, leur fournit ce

Aurelius, Paris, 1631, in-fo. Cfr. Petri Aurelii opera, fo, 1646. Les lettres de Jansénius à Saint-Cyran ont été publiées par le P. F. Pinthereau, avec d'autres documents, sous le titre La naissance du janssénisme (sic) découverte à Monseigneur le Chancelier par le sieur de Preville, 1644, et le Progrès du jansénisme... Avignon, 1655 (Sommervogel, vi, p. 823). [Ant. Arnauld ou Fr. Hallier]. Théologie morale des Jésuites, Extraict fidellement de leurs livres, s. 1. et a. 8 pp. 43 (réédité à Paris 1644, réédité et augmenté à Cologne 1659; réfutations par les Pères Annat, Caussin, Le Moyne et Pinthereau, cfr. Sommervogel, t. I, col. 400; II, 921, V, 1361; VI, 826). Ant. Arnauld. OEuvres, 43 in-4°, 1775-1783, Paris-Lausanne. Annales des soi-disant Jésuites.

2o OEuvres diverses. Rapin, S. J. Histoire du jansenisme, publiée et arbitrairement mutilée par l'abbé Domenech, Paris, 1861; Mémoires, publiés par L. Aubineau, Paris, 1865. Bayle, Dictionnaire, art. Arnauld, etc. Sainte-Beuve, Port-Royal. Maynard, Les Provinciales, 2 in-8°, Paris, 1851. Mgr Fuzet, Les jansenistes et leur dernier historien, Paris, 1876. Gazier, Pascal et les écrivains de Port-Royal (Histoire de la langue el de la littérature française, t. IV; voir la critique de ce chapitre, par le P. G. Longhaye, Etudes religieuses, 1898, t. I); du mème, Pascal pamphletaire, etc., dans la Revue des cours et conférences, 1905. Féret, La faculté de théologie de Paris. Epoque moderne, t. III.

qui avait manqué jusque-là aux pamphlets de ce genre, ce qui manquera à tant d'autres après lui: le style, l'esprit, la passion vraie qui fait l'éloquence, et, je l'ajoute immédiatement, une certaine dose de sincérité que les victimes ont peut-être eu le tort de trop mettre en doute. Pour la première fois, l'antijésuitisme entre. dans la littérature, il n'en sortira plus. Maintenant, il peut se présenter devant les gens d'esprit. Nous sommes loin de Zahorowski, et même de Pasquier et d'Arnauld l'ancien. Quand on s'en prend à la célèbre Compagnie, facile courage, on est en sûreté et devant sa propre dignité et devant le public,. car en a pour soi le grand savant, le grand penseur, l'austère chrétien, l'ascète, Pascal.

Les Jésuites peuvent objecter la faveur et l'amitié des papes, les éloges et la confiance d'un François de Sales ou d'une Thérèse de Jésus, d'un Louis de Grenade ou d'un Pierre Fourier (1), montrer qu'ils étaient en communauté de vues avec Vincent de Paul. On répond par Pascal.

S'ils mettent en avant leur irréprochable Bourdaloue, on répliquera que Bourdaloue est à peine un Jésuite; et qu'il n'y aurait peut-être pas eu de Bourdaloue s'il n'y avait eu un Pascal. Quant aux autres, fussent-ils canonisés, authentiqués pour ainsi dire par l'Eglise,

(1) M. Gazier, Revue des Cours et Confér., 13 avril 1905, p. 273, met saint François de Sales parmi ceux qui ont parlé très sévèrement des Jésuites. On serait heureux de savoir d'où vient le renseignement. Ce qui est certain c'est que dans ses œuvres on trouve partout leur éloge.

qui les connaît? Qu'est-ce que François Régis, par exemple, ou Julien Maunoir? Pascal, lui, c'est le génie, et les Jésuites n'ont pas un homme de génie. Ils disent avoir des saints, mais Port-Royal a Pascal.

Au cours des luttes jansénistes, sauf quelques condamnations de détail que certains théologiens Jésuites ont eu à se partager avec beaucoup d'autres, la Compagnie a eu gain de cause à Rome. Les Provinciales restent à l'Index. Malgré beaucoup d'efforts venant de côtés divers, le probabilisme n'est point réprouvé : il s'enseigne ouvertement à Rome sous les yeux du Pape. Mais dans l'opinion « laïque », c'est-à-dire incroyante, Pascal a définitivement vaincu; il a vaincu plus qu'il n'aurait souhaité peut-être. Le procès n'est donc plus à refaire pour ce qui est des Jésuites, il y a l'autorité de la chose jugée.

Il nous faut ici regarder en face le redoutable adversaire, le plus vivant encore, après trois siècles, de tous ceux que les Jésuites ont rencontrés en France. Ce n'est pas, bien entendu, pour risquer après tant d'autres une réfutation qu'on ne lirait point, inutile pour les catholiques, et qui ne convaincrait ni les jansénistes, s'il en existe encore, ni leurs amis les libres-penseurs. Ce que nous cherchons, c'est, dans l'évolution de la légende antijésuitique la place et l'apport de Pascal. Comment s'est-il fait l'idée du Jésuite qu'il nous impose? Où l'a-t-il prise? Qu'y a-t-il mis de personnel? A considérer son état d'âme et d'esprit, quelle en est, a priori, avant tout examen de l'œuvre, la valeur documentaire et testimoniale? Qu'en reste-t-il aujour

d'hui? Questions délicates, dans la discussion desquelles celui qui s'aventure à n'être pas de l'avis du « Provincial» court quelque risque de se voir accusé d'outrecuidance et de parti pris. Et pourtant, si nous sommes de l'avis des papes qui ont condamné quelques unes des solutions dénoncées par le polémiste, nous sommes de leur avis aussi quand ils condamnent le polémiste lui-même et tous les principes de son école.

II

Une première remarque s'impose. Considérées au point de vue qui nous occupe, les Provinciales ne sont pas une œuvre isolée, la simple protestation d'une grande intelligence et d'un haut caractère contre un système de politique et de morale qui lui répugne. C'est un peu cela, mais c'est autre chose encore, l'œuvre d'un parti. Les Provinciales forment un anneau, le seul brillant, d'une longue chaine d'accusations doctrinales et morales portées contre les docteurs ultramontains. Tout d'abord c'est en général aux théologiens catholiques que l'on en veut, ou plutôt à l'enseignement même de l'Eglise, et la dénonciation part du camp protestant. Puis elle se restreint aux seuls «< molinistes », entendez les Jésuites et leurs amis, et elle est le fait des jansénistes. Lorsque Pascal intervient, la lutte est engagée depuis longtemps. Les traits à lancer sont

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