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Cette seconde forme des Monita eut autant de succès que la première, et l'on eut, pour ne citer que les titres les plus caractéristiques :

Le machiavélisme jésuitique, Amsterdam, 1717.

Les intrigues secrettes des Jésuites...; où l'on a joint l'extrait de la Faculté de Théologie de Paris de l'an 1554, et la prophétie de sainte Hildegarde, morte en 1181, à Turin, chez Jacques Daniel, bon sujet des princes, à l'enseigne de la Vérité, 1718.

Les loups démasqués par la réfutation et traduction du livre intitulé Monita Secreta Societatis Jesu, en vertu duquel les Jésuites ont tenté d'assassiner Joseph Ier, roi de Portugal, avec un appendice de documents rares et inédits, Rome, 1760.

Signalons en terminant l'édition qu'on osa publier avec la rubrique Roma, tipografia della Propaganda, con permissione.

En 1786, le nombre des impressions montait à quarante-deux (1).

On a rendu les jansénistes responsables de ces éditions, second type; j'ignore si l'accusation est fondée. Les jansénistes cependant devaient bien savoir que les Jésuites se tiennent à l'écart des dignités ecclésiastiques, évêchés, prélatures, canonicats. De la part de protestants, cette ignorance serait moins étrange.

(1) The Month, 1893, t. I, p. 55.

V

Comme on le voit, les réfutations avaient en somme peu de résultat. Certain public était toujours prêt à dire avec un des éditeurs du XIXe siècle, Ch. Sauvestre : <«< Les Jésuites nient, donc c'est vrai (1). »

Même chez ceux dont nous n'avons aucun droit de suspecter la sincérité, la fable des Monita Secreta fit son œuvre de défiance et de mensonge.

A peine si les érudits les plus scrupuleux se décident à sacrifier la chère légende. Ne pourrait-on du moins en garder quelque chose? Elle correspond si bien à ce que l'on raconte par ailleurs. Les Monita ne sont pas authentiques, soit; à tout le moins la fiction couvre une part de vérité. Satire et caricature si l'on veut; mais, en histoire, il faut tenir compte des satires et des caricatures (2).

Voici beaucoup mieux. Un historien anglais, M. J. A. Symonds, parlant de la contre- réforme catholique, en vient à dire son mot sur les Jésuites. Pour ce qui regarde les Monita, il confesse « qu'il est difficile de se prononcer sur ce code ésotérique »; mais il remarque

(1) Nous résumons la préface de l'édition rouge-sang, Paris, Dentu, 1869.

(2) Voir par exemple Seignobos, dans la Revue des Cours et Conférences, 1901-1902, t. II, p. 458; H. Vollet, dans la Grande Encyclopédie (lire la critique qu'en fait M. Paul Bernard, op. cit., p. 32); Philippson, la Contre révolution religieuse au xvi° siècle, p. 133.

que Sarpi, «< cet observateur au regard pénétrant », avait noté le caractère secret des Constitutions jésuitiques. << Probablement, ajoute-t-il, l'erreur de Sarpi, et un peu de tout le monde, est de supposer que les Jésuites ont besoin d'un code écrit pour leur action la plus vitale. Ils forment un organisme puissant et pénétré de vie; aussi, le secret de leur politique n'avait pas besoin d'être réduit en règles. Mieux qu'un code, c'était une fonction biologique. Les hautes assemblées délibératives de l'Ordre, créaient, transmettaient, modifiaient incessamment une tradition de politique, que certains membres, ayant une initiation partielle dans le conseil, ont pu réduire en préceptes qui forment les Monita Secreta de 1612. Mais le feu quintessentiel, qui a soufflé un souffle de vie dans l'édifice des Jésuites pendant deux siècles d'activité organique, était bien trop vivant et trop spirituel pour être condensé sur du papier. Un moine et juriste comme Sarpi s'attendait à découvrir quelque code de gouvernement; et, en l'absence d'évidence directe, sa remarque est à retenir. Quant au public, grossièrement ignorant des lois évolutives dans la formation des organismes sociaux, il ne pouvait arriver à comprendre que ce code n'existât pas. Des aventuriers fournirent l'objet demandé, en le fabriquant d'après ce qu'ils savaient de la politique régnante. Mais, de même que le Liber trium Impostorum, nous pouvons regarder les Monita Secreta des Jésuites comme un document forgé ex-post-facta (1) ».

(1) Cité dans le Month, janvier 1893, p. 52.

Cette page est curieuse, et n'a besoin, je pense, d'aucun commentaire. Elle montre à plein l'état d'esprit dont nous parlons. On n'ose plus soutenir que les Monita soient une œuvre authentique. Qu'à cela ne tienne, il est des romans plus vrais que les histoires.

Nous pouvons aller plus loin. Le célèbre mot prêté à Voltaire est plus profond qu'il ne semble. Il est parfaitement vrai, du mensonge hardiment lancé et opiniâtrément soutenu, il reste toujours quelque chose. Ceux-là même qui n'y croient pas en subissent l'influence mystérieuse. Que d'idées, ou plutôt que d'impressions, colportées par les Monita, se sont imposées même à des esprits pour qui les Monita étaient pure calomnie.

Et par exemple, les Jésuites ont-ils des constitutions secrètes, incommunicables? Si vous les interrogez, ils répondent qu'à l'origine, cela est exact, l'on ne produisait pas à n'importe qui les règles et autres écrits. officiels de l'Institut. La raison en était bien simple: ils étaient si nombreux ceux qui ne cherchaient qu'à interpréter à mal tout ce qu'ils lisaient. Aujourd'hui les conditions sont changées les bibliothèques de la Compagnie ont été confisquées lors de la suppression : les livres et papiers les plus intimes font partie des dépôts publics, où tout le monde peut les lire. Oui, mais qui nous affirme qu'il n'y a pas autre chose? Soit, il y a encore les avis, correspondances, lettres générales et privées, échangées entre les supérieurs et les inférieurs. Il est vrai que ces communications d'ordre intime ne se font pas par la voie de la presse, et

que le public n'est pas appelé à en avoir connaissance. Est-on bien sûr que le gouvernement les ignore? Les cabinets noirs ne sont pas une fiction, je pense, et il n'est guère de secrets pour la police.

Mais on aura beau dire, l'impression reste les Jésuites ont des règles occultes.

Jean Palafox, le célèbre évêque de Pueblo de los Angeles, grand adversaire des Jésuites, que les Jansénistes eussent tant voulu voir canoniser, croyait-il aux Monita Secreta? Non sans doute. Et pourtant sa fameuse et étrange lettre à Innocent X, dont les Jansénistes ont pris soin d'établir l'authenticité, et qui suffisait à elle seule pour trahir un esprit quelque peu déséquilibré, accuse l'ordre d'avoir des règles clandestines, des privilèges soigneusement dissimulés, une conduite pleine de sous-entendus (8 janvier 1649).

Mais Richelieu lui-même, un vigoureux esprit cependant, croit au mystère. Parlant d'un Père, il dit de lui << qu'ayant fait son quatrième vou, il était informé de toutes leurs lois particulières et de leurs secrets » (1).

Lorsqu'en 1761 le Parlement décréta une enquête sur l'Institut des Jésuites, on en parla comme d'une chose impénétrable, occulte, tenue depuis deux cents ans soisoigneusement cachée. Ordre fut donné aux supérieurs -d'avoir à déposer devant leurs juges un exemplaire de leurs Constitutions. Or, ces Constitutions avaient été plus d'une fois examinées au Parlement et à la Cour (2).

(1) D'Avenel, Richelieu et la monarchie absolue, t. III, p. 347. (2) En 1560, 1561, 1565, 1580, 1592, 1603. Dazès, Compte rendu des Comptes rendus, t. I, p. 10 ct suiv.

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