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triple ou décuple, puisque la prorogation volontaire lui en donnerait le droit.

Pourquoi pas, dira-t-on peut-être? Conventio et reconventio pari passu ambulant.

Pourquoi pas ? C'est qu'une énorme différence existe entre l'acte de la volonté et l'acte de la loi.

Dans la prorogation volontaire, le juge a été choisi par les deux parties; il possède également leur confiance; c'est de leur aveu qu'il termine leur différend; celle qui succombe n'a pas le droit de se plaindre volenti non fit injuria.

Le juge par réconvention, au contraire, non-seulement n'est pas du choix des deux parties, mais il peut n'être point le juge naturel du demandeur originaire, dont le rôle a été changé par l'exception ; reus excipiendo fit actor. Or, en poursuivant un débiteur devant le tribunal de son domicile, d'après la maxime actor sequitur forum rei, on accepte bien ce tribunal pour toutes les exceptions tendant à anéantir ou à restreindre l'effet de l'action principale, mais on ne lui attribue pas juridiction pour des actions nouvelles plus importantes, qui n'auraient aucune connexité avec la demande primitîve.. Ces actions doivent être portées devant le juge du défeudeur.

IV. En partant de ces bases, il faudrait rigoureusement conclure que la réconvention est inadmissible toutes les fois qu'elle excède la demande principale, car alors elle ne se borne plus à anéantir ou à restreindre les effets de cette demande; elle n'est plus une simple défense; elle va plus loin : elle tend à rendre débiteur celui qui avait actionné primitivement comme créancier.

Cependant tous les auteurs et la jurisprudence autorisent le défendeur à demander, par réconvention, une somme supérieure à celle qui est l'objet du procès originaire. Le motif en est pris dans l'intérêt des plaideurs, qu'une seconde action, intentée séparément, entraînerait dans de nouveaux frais.

V. Mais où s'arrête le pouvoir réconventionnel?

M. Toullier fixe la limite à 300 fr. » Si la réconvention est formée devant un juge de paix, dit-il, dans une instance dont l'objet principal n'excède pas les bornes de sa juridiction, tandis que l'objet de la réconvention surpasse en valeur la somme de 300 fr., le juge de paix se déclarera incompétent pour le tout. >>

Le savant professeur de Rennes, qui a pris cette décision dans un projet de loi proposé par la cour suprême, et non adopté, aurait dû remarquer que, dans ce projet, la compétence des juges de paix était portée à 300 fr. en premier

ressort. C'est donc au maximum de la compétence que doit s'arrêter la demande réconventionnelle; et comme la compétence actuelle des tribunaux de paix ne dépasse pas cent francs dans les actions purement personnelles et mobilières (1), nous pensons que la réconvention n'est point admissible devant eux, lorsqu'elle excède cette somme.

Et cela est de toute justice.

Les deux parties doivent jouir des mêmes avantages, la même faveur leur est due. Pourquoi le défendeur aurait-il le privilége d'investir son juge du droit de statuer sur une demande excédant ses attributions, lorsque cette demande eût été repoussée, présentée par l'autre partie ? N'est-ce point assez pour lui qu'afin d'éviter des involutions de procédure, la loi l'ait autorisé à porter devant son propre tribunal une action qui, si elle n'eût point été proposée à titre de défense, aurait appartenu au tribunal de son adversaire?

Notre opinion sur ce point est donc conforme à l'équité et à la doctrine de la cour régulatrice, mal interprétée par M. Toullier.

Quand la loi se tait, d'ailleurs, qui a le droit de parler pour elle? En brisant la barrière qu'elle a posée, où établira-t-on la nouvelle ?

Cent écus, dit M. Toullier. Cinq cents francs, dira un autre; et qui sait si l'on n'ira pas jusqu'au-dessus du taux fixé pour la compétence en dernier ressort des tribunaux civils? La voie de l'arbitraire une fois ouverte, il n'y a pas de raison pour placer la limite en deçà ou en delà.

VI. Mais, objecte le vénérable Henrion de Pansey, comme le juge de l'action est naturellement le juge de l'exception, il faut décider que le juge de paix, compétent pour connaître de la demande, l'est également pour statuer sur la compen

sation.

Oui, sur la compensation, car la compensation, qui est un paiement, ne peut excéder la créance réclamée; et si la première demande est de la compétence du tribunal, nécessairement la seconde en est aussi.

Mais si la compensation proposée doit s'opérer sur une somme plus forte dont on réclame le paiement, si, par exemple, lorsque je vous demande cent francs, vous prétendez que je vous en dois deux cents, et vous concluez à ce que, compensation faite, je sois déclaré votre débiteur du surplus, comme votre réconvention excède le taux de la compétence

(1) On sait que par l'action personnelle nous demandons ce qui nous est dû, et par l'action réelle ce qui nous appartient.

du juge de paix, il devra vous renvoyer devant les tribunaux civils, et statuera seulement sur la demande primitive.

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Ainsi, deux choses à examiner d'abord dans toute tion réconventionnelle; sa nature et son but. Si, par sa nature, elle est hors des attributions du juge de paix, ou si, par son but, elle excède le taux de sa juridiction, ce magistrat doit se déclarer incompétent et rejeter la réconvention.

VII. Il la repoussera aussi, mais non point pour incompétence, si la liquidation de la somme que le défendeur offre en compensation est tellement difficile qu'elle puisse retardér le jugement de l'action principale d'une manière préjudi ciable au demandeur originaire. Tel est l'avis de Dumoulin, adopté par Henrion de Pansey, et qui nous semble parfaitement raisonnable. Il ne faut pas que, par des chicanes calculées de manière à entraîner des longueurs cousidérables, un débiteur de mauvaise foi puisse fatiguer son créancier et reculer indéfiniment sa condamnation. « La permission d'étendre la réconvention, dit à ce sujet le judicieux Coquille, donnerait occasion de rendre tous procès sans fin, ou les mettre en longueurs et difficultés, en tant que celui qui serait convenu en une action dont l'expédition de sa nature serait aisée, pourrait mettre en avant une action de grandes longueurs et difficultés, et serait l'une empêchée par l'autre. »

<< Il est du devoir des juges, dit Toullier, lorsqu'ils s'aperçoivent qu'une réconvention paraît formée dans le dessein de retarder malicieusement la condamnation du défendeur, et le paiement d'une dette claire et liquide, de rejeter la demande réconventionnelle, sauf au défendeur à se pourvoir; en tout cas, de disjoindre les deux affaires, et de prononcer définitivement sur la demande originaire, en renvoyant le jugement de la réconventionnelle après qu'elle serait instruite. »>

A cet égard, la loi s'en rapporte à la prudence des juges, en leur recommandant une rigoureuse sévérité dans l'admission de la réconvention : Jure stricto ulentes, nec molli animo eas suscipiant.

VIII. Enfin, hors le cas de compensation, les deux actions ne peuvent recevoir une solution simultanée qu'autant qu'elles tirent leur principe de la même cause. « Supposez, dit Pigeau, qu'un propriétaire demande que son locataire soit tenu de garnir les lieux : celui-ci peut se défendre en demandant que le propriétaire fasse auparavant les réparations nécessaires. Ces deux demandes tirent leur principe de la même cause, qui est le bail, » ex eodem negotio, comme dit Papinien, le prince des jurisconsultes.

Il en serait autrement, si la seconde demande n'avait au

cune connexité avec la première, si le droit de l'une des parties prenait sa source dans un fait ou dans un acte étranger à l'acte ou au fait qui sert de base aux prétentions de l'adversaire. Ainsi, sur une complainte possessoire dirigée contre moi, je prétends que le demandeur m'a également troublé dans la possession d'un de mes immeubles. Les deux actions sont par leur nature de la compétence du tribunal de paix; le préjudice éprouvé par moi est égal ou même supérieur à celui dont mon adversaire se plaint; il existe par conséquent une possibilité de compensation. Néanmoins il n'y aura pas lieu à la jonction des deux causes, parce que la demande réconventionnelle n'a pas la même origine que la demande principale, et elles seront jugées séparément, soit par le même magistrat, si les deux parties sont ses justiciables, soit par deux magistrats différents, si les parties n'ont pas leur domicile dans la même juridiction, si elles ne sont pas ejusdem fori. La réconvention n'est pas admissible non plus lorsqu'à une demande en indemnité pour dommages faits aux champs, on oppose une demande en réparations civiles pour injures proférées avant le procès, et qui par conséquent n'en peuvent être considérées comme un accessoire. « Le bien des plaideurs, dit Duparc-Poullain, exige qu'on n'accumule pas dans un procès, par des incidents, les objets qui y sont étrangers, faute de connexité. »

IX. Il n'y a qu'une exception à cette règle : c'est lorsque la demande a pour objet d'opérer compensation. Dans ce cas, en effet, le défaut de connexité ne peut empêcher la prorogation, parce que la demande réconventionnelle est une simple exception plutôt qu'une action véritable. Aussi la compensation a-t-elle toujours été admise ex causâ dispari.

X. Elle ne serait pas, néanmoins, dans l'hypothèse suivante. Jacques, cité en paiement de 50 fr., se présente avec une lettre de change de pareille somme, souscrite par le demandeur, et qu'il offre en compensation. Si le demandeur conteste la validité de ce titre, quoique la somme ne soit pas hors de la compétence du juge de paix, comme la réconvention est basée sur un acte dont l'appréciation appartient exclusivement aux juges consulaires, le juge de paix ne pourra en connaître. Il y a pour lui incompétence ratione materiæ, et rien ne saurait détruire un obstacle de cette nature, qui est absolu et d'ordre public.

XI. Nous ajouterons ici quelques réflexions de M. Toullier sur les différentes espèces de compensation et sur les cas où elle ne peut être l'objet d'une demande réconventionnelle.

« On compte trois espèces de compensation; 1° la compensation légale, qui produit son effet de plein droit, et à l'insu même des parties, lorsqu'elles sont devenues réciproquement. créancières et débitrices l'une de l'autre pour des sommes également liquides; 2o la compensation par voie de simple exception, qui a lieu lorsqu'une créance privilégiée, comme un dépôt, est opposée à la demande en paiement d'une somme égale et liquide, formée par le dépositaire (1); 3° enfin la compensation par voie de réconvention, qui est la seule dont nous ayons à nous occuper. Celle-ci s'exerce dans le cas où l'une des créances n'est pas liquide. Je vous demande une somme de 100 fr., en vertu d'un prêt que vous avez reçu de moi. Vous répondez que vous avez fait, par mon ordre, différents ouvrages dont vous évaluez le prix à 100 fr., et vous concluez à ce qu'ils soient constatés, et que le prix en soit liquidé, afin de le compenser avec la somme que je réclame de vous.

» Mais la réconvention, ayant pour objet de parvenir à une compensation, n'est admissible que lorsque l'objet de la demande réconventionnelle peut entrer en compensation avec la demande principale. C'est une règle fondamentale en cette matière. Mutua petitionis objectio, compensatio est, et proindè quarum rerum inter se compensatio non est, nec retentio, nec mutua petitio est.

>>> La réconvention n'est point reçue ès-choses où la compensation n'a point de lieu, dit Brodeau sur l'art. 106 de da Coutume de Paris.

» Ainsi, ajoute Toullier, le dépositaire, l'emprunteur, de débiteur d'une rente ou pension alimentaire insaisissable, ne peuvent former de réconvention contre la demande en restitution d'un dépôt ou d'un prêt à usage, contre la demande de la pension alimentaire.

» Ainsi, lorsque le demandeur n'agit qu'au nom d'autrui, comme mandataire, par exemple, comme tuteur, etc., la réconvention pour une dette qui lui est personnelle ne doit pas être admise si elle a pour objet ce qui est dû par une personne dont il est mandataire, tuteur, etc. »

XII. En résumant toutes les doctrines que nous venons de développer sur la réconvention, nous trouverons trois motifs principaux d'inadmissibilité :

Dans son origine, lorsqu'elle n'a aucune connexité avec la demande principale, et qu'elle n'y forme point une défense;

(1) Cette exception est personnelle au déposant; elle ne pourrait être proposée par le dépositaire. (Art. 1293 du Code Civil.)

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