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par cet efprit philofophique qui remonte à la fource de tout, les raifons du choix bifarre en apparence qui fait préférer un figne à un autre, & ne laiffe enfin à ce caprice national qu'on appelle ufage, que ce qu'elle ne peut abfolument lui ôter.

Les hommes en fe communiquant leurs idées, cherchent auffi à fe communiquer leurs paffions. C'est par l'Eloquence qu'ils y parviennent. Faite pour parler au fentiment, comme la Logique & la Grammaire parlent à l'efprit, elle impofe filence à la raison même; & les prodiges qu'elle opere fouvent entre les mains d'un feul fur toute une Nation, font peut-être le témoignage le plus éclatant de la fupériorité d'un homme fur un autre. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft qu'on ait cru fuppléer par des regles à un talent fi rare. C'eft à-peu-près comme fi on eût voulu ré– duire le génie en préceptes. Celui qui a prétendu le premier qu'on devoit les Orateurs à l'art, ou n'étoit pas du nombre, ou étoit bien ingrat envers la nature. Elle feule peut créer un homme éloquent; les hommes font le premier livre qu'il doive étudier pour réuffir,

les grands modeles font le fecond; & tout ce que ces Ecrivains illuftres nous ont laiffe de philofophique & de réfléchi fur le talent de l'Orateur, ne prouve que la difficulté de leur reffembler. Trop éclairés pour prétendre ouvrir la carriere, ils ne vouloient fans doute qu'en marquer les écueils. A l'égard de ces puérilités pédantefques qu'on a honorées du nom de Rhétorique, ou plutôt qui n'ont fervi qu'à rendre ce nom ridicule, & qui font à l'Art oratoire ce que la Scholaftique eft à la vraie Philofophie, elles ne font propres qu'à donner de l'Eloquence l'idée la plus fausse & la plus barbare. Cependant quoiqu'on commence affez univerfellement à en reconnoître l'abus, la poffeffion où elles font depuis long-tems de former une branche diftinguée de la connoiffance humaine, ne permet pas encore de les en bannir: pour l'honneur de notre difcernement, le tems en viendra peut-être un jour.

Ce n'eft pas affez pour nous de vivre avec nos contemporains, & de les dominer. Animés par la curiofité & par l'amour propre, & cherchant par une avidité naturelle à embraffer à la fois

le paffé, le préfent, & l'avenir, nous defirons en même tems de vivre avec ceux qui nous fuivront, & d'avoir vêcu avec ceux qui nous ont précedé. Delà l'origine & l'étude de l'Hiftoire, qui nous uniffant aux fiécles paffés par le fpectacle de leurs vices & de leurs vertus, de leurs connoiffances & de leurs erreurs, tranfmet les nôtres aux fiecles futurs. C'eft-là qu'on apprend à n'eftimer les hommes que par le bien qu'ils font, & non par l'appareil impofant qui les environne : les Souverains, ces hommes affez malheureux pour que tout confpire à leur cacher la vérité peuvent eux-mêmes fe juger d'avance à ce tribunal integre & terrible; le témoignage que rend l'Hiftoire à ceux de leurs prédéceffeurs qui leur reffemblent, eft l'image de ce que la poftérité dira d'eux.

La Chronologie & la Géographie font les deux rejettons & les deux foûtiens de la fcience dont nous parlons: l'une place les hommes dans le tems; l'autre les diftribue fur notre globe. Toutes deux tirent un grand fecours de l'hiftoire de la Terre & de celle des Cieux c'est-à-dire des faits hifto

riques, & des obfervations céleftes ; & s'il étoit permis d'emprunter ici le langage des Poëtes, on pourroit dire que la fcience des tems & celle des lieux, font filles de l'Aftronomie & de l'Hiftoire.

Un des principaux fruits de l'étude des Empires & de leurs révolutions, eft d'examiner comment les hommes, féparés pour ainfi dire en plufieurs grandes familles, ont formé diverfes fociétés; comment ces différentes fociétés ont donné naiffance aux différentes efpeces de gouvernemens: comment elles ont cherché à fe diftinguer les unes des autres, tant par les loix qu'elles fe font données, que par les fignes particuliers que chacune a imaginés pour que fes membres communiquaffent plus facilement entr'eux. Telle eft la fource de cette diverfité de langues & de lois, qui eft devenue pour notre malheur un objet confidérable d'étude. Telle eft encore l'origine de la Politique, efpece de morale d'un genre particulier & fupérieur, à laquelle les principes de la morale ordinaire ne peuvent quel quefois s'accommoder qu'avec beaucoup de fineffe, & qui pénétrant dans

les refforts principaux du gouvernement des Etats, démêle ce qui peut les conferver, les affoiblir ou les détruire. Etude peut-être la plus difficile de toutes, par les connoiffances qu'elle exige qu'on ait fur les peuples & fur les hommes, & par l'étendue & la variété des talens qu'elle fuppofe; fur-tout quand le Politique ne veut point oublier que la loi naturelle, antérieure à toutes les conventions particulieres, eft auffi la premiere loi des Peuples, & que pour être homme d'Etat, on ne doit point ceffer d'être homme.

Voilà les branches principales de cette partie de la connoiffance humaine, qui confifte ou dans les idées directes que nous avons reçues par les fens, ou dans la combinaison & la comparaison de ces idées; combinaison qu'en général on appelle Philofophie. Čes branches fe fubdivifent en une infinité d'autres dont l'énumération feroit immenfe, & appartient plus à l'Ency clopédie même qu'à fa Préface.

La premiere opération de la réflexion confiftant à rapprocher & à unir les notions directes, nous avons dû commencer dans ce Difcours par

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