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fujets; ratifiés par toute l'Europe, dont la voix unanime eft la pierre de touche du mérite des Souverains, ils le feront par le jugement des fiecles futurs, qu'on peut lui annoncer d'avance parce qu'il n'a point à le redouter. Puiffe-t-il recevoir cet hommage foible, mais défintéreffé, d'un homme de Lettres dont la plume n'a point encore été avilie par la flatterie; qui n'efpéroit pas, quand il a écrit cet éloge, avoir un jour l'honneur de l'approcher pour le remercier de fes bienfaits; que l'amitié retient dans fa patrie, parce qu'elle lui tient lieu de fortune, & qui jamais n'a defiré de lui que fon eftime.

Que ne puis-je pour l'honneur de notre nation en dire autant de tous nos Mécenes! Mais la vérité & la juftices'oppofent à la bonne volonté que j'ai pour eux. Je puis protefter au moins de n'avoir voulu appliquer à aucun en particulier les réflexions critiques qu'on pourra trouver dans cet écrit ; fi contre mon intention, quelqu'un croyoit s'y reconnoître, je n'aurois d'autre réponse à lui faire que celle de Protogene à Démétrius; je ne puis croire que vous faffiez la guerre aux Arts; car une proTome I.

S

tection mal entendue, eft une véritable guerre qu'on fait aux talens. Heureux au moins les Gens de Lettres, s'ils reconnoiffoient enfin, que le moyen le plus sûr de fe faire refpecter, eft de vivre unis (s'il leur eft poffible) & prefque renfermés entr'eux; que par cette union ils parviendront fans peine à donner la loi au refte de la nation fur les matieres de goût & de Philofophie; que la véritable eftime eft celle qui eft diftribuée par des hommes dignes d'être eftimés eux-mêmes; que la charlatanerie enfin eft une farce qui dégrade le fpectateur & l'acteur; & que la foif de la réputation & des richeffes eft une des caufes qui contribueront le plus parmi nous à la décadence des Lettres.

Tels font les réflexions & les vœux d'un écrivain fans manege, fans intrigue, fans appui, & par conféquent fans efpérance, mais auffi fans foins & fans defirs. J'ai tâché de m'expliquer librement, quoique fans humeur, fur les différens objets qui font la matiere de cet effai; je fuis & je dois être d'autant moins fufpect à cet égard, qu'engagé par goût & par principes dans une carriere peu brillante, mais tranquille, où

le nombre des juges, des ennemis & des prôneurs eft fort petit, je me rends affez de juftice pour n'afpirer ni aux places, ni aux récompenfes Littéraires; que je n'ai l'honneur d'être ni le protégé ni le concurrent de perfonne, que j'ai affez vu la plupart des Mécenes & des grands pour n'avoir point à m'en louer, & affez peu pour n'avoir point à m'en plaindre.

Le fort de cet écrit, lorfqu'il parut pour la premiere fois, a été abfolument contraire à celui que j'aurois dû en attendre. Quelques grands Seigneurs l'ont honoré de leurs éloges, quelques gens de Lettres l'ont déchiré. Les premiers n'y ont vu qu'une fierté eftimable, les autres qu'une vanité révoltante; c'est au public à juger fi les premiers m'ont rendu plus de juftice que les feconds. Mon zele feroit fuffifamment payé, fi ceux qui l'ont blâmé le plus pratiquoient les maximes qu'il m'a dictées; les Lettres, ce me femble, en feroient plus refpectées & plus dignes de l'être. Je fai que les faux intérêts des hommes s'opposeront toûjours à leur intérêt véritable; en ce cas je ne ferai pas le premier Miffionnaire qui avec des talens médiocres,

de très-bonnes intentions, des raifons
encore meilleures & une conduite con-
forme à fa doctrine, aura eu le mal-
heur de ne convertir perfonne. Puiffe
cette même doctrine être prêchée plus
efficacement par quelqu'un de nos beaux
Efprits les plus célebres & les plus ré-
pandus! Echappé à cette mer orageufe,
que je n'ai fait qu'entrevoir, puiffe-t-il
dire aux Gens de Lettres avec autant
de fruit que de vérité !

Parcite oves nimiùm procedere ; non benè ripæ
Creditur ipfe aries etiam nunc vellera ficcat.
Fin du premier Volume.

TABLE.

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