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feulement que l'agrément & l'avantage que nous trouvons dans un pareil commerce, foit à faire part de nos idées aux autres hommes, foit à joindre les leurs aux nôtres, doit nous porter à refferrer de plus en plus les liens de la fociété commencée, & à la rendre la plus utile pour nous qu'il eft poffible. Mais chaque membre de la société cherchant ainfi à augmenter pour lui-même l'utilité qu'il en retire, & ayant à combattre dans chacun des autres un empreffement égal au fien, tous ne peuvent avoir la même part aux avantages, quoique tous y ayent le même droit. Un droit fi légitime eft donc bientôt enfreint par ce droit barbare d'inégalité, appellé loi du plus fort, dont l'usage femble nous confondre avec les animaux, & dont il eft pourtant fi difficile de ne pas abuser. Ainfi la force donnée par la nature à certains hommes, & qu'ils ne devroient fans doute employer qu'au foûtien & à la protection des foibles, eft au contraire l'origine de l'oppreffion de ces derniers. Mais plus l'oppreffion eft violente plus ils la fouffrent impatiemment parce qu'ils fentent que rien n'a dû

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les y affujettir. De-là la notion de l'injufte, & par conféquent du bien & du mal moral, dont tant de Philofophes ont cherché le principe, & que le cri de la nature, qui retentit dans tout homme, fait entendre chez les Peuples même les plus fauvages. De - là auffi cette loi naturelle que nous trouvons au-dedans de nous, fource des premieres lois que les hommes ont dû former: fans le fecours même de ces lois elle eft

quelquefois affez forte finon pour anéantir l'oppreffion, au moins pour la contenir dans certaines bornes. C'est

ainfi que le mal que nous éprouvons par les vices de nos femblables, produit en nous la connoiffance réfléchie des vertus oppofées à ces vices; connoiffance précieuse, dont une union & une égalité parfaites nous auroient peutêtre privés.

Par l'idée acquife du jufte & de l'injufte, & conféquemment de la nature morale des actions, nous fommes naturellement amenés à examiner quel eft en nous le principe qui agit, ou, ce qui eft la même chofe, la fubftance qui yeut & qui conçoit. Il ne faut pas approfondir beaucoup la nature de notre

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corps & l'idée que nous en avons, pour reconnoître qu'il ne fauroit être cette fubftance, puifque les propriétés que nous obfervons dans la matiere, n'ont rien de commun avec la faculté de vouloir & de penfer: d'où il réfulte que cet être appellé Nous eft formé de deux principes de différente nature tellement unis, qu'il regne entre les mouvemens de l'un & les affections de l'autre une correfpondance que nous ne faurions ni fufpendre ni altérer, & qui les tient dans un affujettiffement réciproque. Cet efclavage fi indépendant de nous, joint aux réflexions que nous fommes forcés de faire fur la nature des deux principes & fur leur imperfection, nous éleve à la contemplation d'une Intelligence toute-puiffante à qui nous devons ce que nous fommes & qui exige par conféquent notre culte : for existence, pour être reconnue, n'auroit befoin que de notre fentiment intérieur, quand même le témoignage univerfel des autres hommes, & celui de la nature entiere, ne s'y joindroient pas.

Il est donc évident que les notions purement intellectuelles du vice & de

la vertu, le principe & la néceffité des lois, la fpiritualité de l'ame, l'existence de Dieu & nos devoirs envers lui, en un mot les vérités dont nous avons le befoin le plus prompt & le plus indifpenfable, font le fruit des premieres idées réfléchies que nos fenfations occafionnent.

Quelque intéreffantes que foient ces premieres vérités pour la plus noble portion de nous-mêmes, le corps auquel elle eft unie nous ramene bientôt à lui par la néceffité de pourvoir à des befoins qui fe multiplient fans ceffe. Sa confervation doit avoir pour objet, ou de prévenir les maux qui le menacent, ou de remédier à ceux dont il est atteint. C'est à quoi nous cherchons à fatisfaire par deux moyens ; favoir , par nos découvertes particulieres, & par les recherches des autres hommes; recherches dont notre commerce avec eux nous met à portée de profiter. De-là ont dû naître d'abord l'Agriculture, la Médecine, enfin tous les Arts les plus abfolument néceffaires. Ils ont été en même tems & nos connoiffances primitives, & la fource de toutes les autres même de celles qui en paroiffent trèséloignées

éloignées par leur nature: c'eft ce qu'il faut développer plus en détail.

Les premiers hommes, en s'aidant mutuellement de leurs lumieres, c'està-dire, de leurs efforts féparés ou réunis, font parvenus, peut-être en affez peu de tems, à découvrir une partie des ufages auxquels ils pouvoient employer les corps. Avides de connoiffances utiles, ils ont dû écarter d'abord toute fpéculation oifive, confidérer rapidement les uns après les autres les différens êtres que la nature leur préfentoit, & les combiner, pour ainfi dire, matériellement, par leurs propriétés les plus frappantes & les plus palpables. A cette premiere combinaison, il a dû en fuccéder une autre plus recherchée mais toujours relative à leurs befoins & qui a principalement confifté dans une étude plus approfondie de quelques propriétés moins fenfibles, dans l'alté ration & la décompofition des corps, & dans l'ufage qu'on en pouvoit tirer. Cependant, quelque chemin que les hommes dont nous parlons & leurs fucceffeurs ayent été capables de faire, excités par un objet auffi intéreffant celui de leur propre confervation, Tome I.

que

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