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I. RELAT. ne condefcendoit point à la très humble priere qu'elle lui devoit faire de le trouver bon, & que nonobftant il voulût venir & entrer comme de coutume, elle lui refuferoit la porte d'autorité. Cette feule propofition pour une charité moins forte que celle que Dieu avoit mife dans le coeur de la Mere Angelique, eût été capable de detruire toute l'entreprise & de la faire abandonner entierement, nonobftant la force de fon efprit & la generofité de fon cœur, qui n'euffent jamais porté la violence qu'il falloit faire, pour venir à bout de ce deffein, aux plus fenfibles affections & aux plus forts fentimens d'amour & de refpect que la loi de Dieu & celle de la nature ayent impofé aux hommes, & qu'elle avoit en particulier à l'égard d'un pere qui n'eut jamais fon pareil en bonté pour fes enfans, dont elle en avoit une infinité de marques en toutes fortes d'oc cafions.

Mais la foumiffion fans referve qu'elle a toujours rendue à ceux de qui elle a pris conduite, (ce que toute l'hiftoire de fa Vie prouvera encore plus fortement que ce premier exemple, bien qu'il ne s'en foit jamais prefenté d'occafion où le fujet lui ait été fi fenfible) l'ayant fait refoudre à faire fans reflexion une chose à quoi on l'affuroit qu'elle étoit obligée, elle n'ofa neanmoins écrire à Monfieur fon Pere ni à Madame fa mere, mais elle crut qu'il feroit plus à propos qu'elle s'addreffât pour cela à Mademoiselle Madame le fa foeur qui étoit auprès d'eux, afin qu'elle menageât l'occafion de leur dire bien à propos fes intentions; qui étoient que Dien

Maître.

lui ayant fait la grace d'établir la reforme I. RELAT; & la clôture dans fon Monaftere, elle les fupplioit de n'y point mettre d'obstacle, & de trouver bon qu'elle leur demandât une grace, qui étoit qu'au cas qu'ils euffent deffein de lui faire l'honneur de la venir voir aux vacations prochaines, ils ne trouvaffent pas mauvais qu'elle les reçût au parloir, comme elle faifoit alors tout le monde; ou que s'ils ne pouvoient agréer cette condition, elle les fupplioit de la priver plutôt de l'honneur de leurs vifites, parce qu'elle étoit contrainte de les avertir qu'elle feroit obligée en confcience de leur refufer l'entrée.

Sa foeur n'ayant rien ofé temoigner de ceci à M. Arnauld, fe contenta de le dire à Madame fa mere, qui repondit qu'elle connoiffoit bien fa fille, & qu'elle n'avoit pas peur qu'elle eût par confequent la har dieffe de faire ce tour là à fon pere: qu'il étoit inutile de lui en parler, & de lui donner fujet de fe fâcher d'une chose qui n'arriveroit pas. Ils prirent enfuite jour pour venir à Port-Royal, toute la famille enfem+ ble, Monfieur & Madame Arnauld, M. d'Andilly, Madame le Maître & Mademoiselle Anne Arnauld. On le manda à Port-Royal, & on peut juger en quel état cette nouvelle mit la Mere Angelique, qui fe preparoit à ce jour de combat par des prieres & par l'immolation perpetuelle qu'elle faifoit à Dieu des paffions les plus tendres qui foient dans la nature, mais qui ne purent ébranler fa fidelité pour Dieu. L'angoiffe neanmoins de fon efprit étoit peinte fur fon vi

fage;

RELAT.fage; & toutes celles à qui elle avoit ofé en confier le fujet, joignoient leurs prieres aux fiennes, pour obtenir une bonne iffue d'une entreprise auffi difficile.

XXXII.

arrive à P.

pour entrer.,

Le jour venu, qui fut le Vendredi avant la S. Michel, dès le matin, avec une prefence d'efprit merveilleufe, nonobftant les agitations qu'elle fouffroit, elle eut foin de retirer à elle toutes les clefs de clôture des mains de celles qui les gardoient d'ordinaire, de crainte de furprise.

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Sur l'heure du diné, les Religieuses étant M. Arnauld au Refectoire, la compagnie arrive, & la R. & fait Mere qui fe preparoit devant Dieu, dans grand bruit l'Eglife, à foutenir l'affaut, entendant le caroffe, fort & s'en va attendre à la porte de clôture où M. Arnauld & fa compagnie étoient. Dès qu'ils furent defcendus de caroffe, ils vinrent heurter pour se faire ouvrir à l'ordinaire. Toutes celles qui favoient le deffein de la Mere, bien loin d'approcher, fe retirerent toutes. Elle feule s'en vint avec une refolution merveilleufe, & ouvre le guichet. M. Arnauld fe prefente, & lui commande de lui ouvrir la porte. On ne fait point en quels termes elle lui repondit, parce que tout le monde s'étoit éloigné, finon qu'on fait qu'elle le fupplia de vouloir entrer dans un petit Parloir qui étoit tout proche la porte, où elle lui pourroit parler. S'il y eut jamais perfonne furprife, ce fut lui & tous ceux qui étoient avec lui, qui n'auroient jamais attendu une telle refolution d'une fille de dix-huit ans. Il infifte, il preffe, il commande, il fe fà-che, il frappe de plus en plus afin qu'on

lui ouvre. A tout cela elle ne fait que la 1. RELATI même reponse, que s'il agréoit d'entrer dans le Parloir, elle fe donnera là l'honneur de lui dire fes raisons.

Madame Arnauld entre en colere, & fe met à parler hautement à fa fille, qu'elle nomme une ingrate; & M. d'Andilly qui étoit un jeune homme de vingt ans, & tout de feu, commence à le prendre d'un ton encore plus haut, & à dire ce que les autres ne difoient pas, & ce que la paffion peut fuggerer en ces rencontres à un fils qui croit agir avec d'autant plus de juftice, qu'il ne venge pas fa propre injure, mais celle d'un pere offenfé en apparence par fa propre fille. Après l'avoir appellée un monftre d'ingratitude & une parricide, qui repondroit devant Dieu de la mort de fon pere, qu'elle feroit mourir de regret d'avoir élevé avec tant d'amour une fille qui le traitoit de la forte, il commença à s'en prendre aux Religieufes, à les appeller, à les conjurer de ne pas fouffrir qu'une perfonne à qui el les avoient tant d'obligations, fouffrît cet affront chez elles.

Le bruit qui fe faifoit à la porte, s'entendoit du Refectoire. Celles qui étoient du fentiment de la Mere, s'entre-regardoient & prioient Dieu en leur cœur qu'il la fortifiât. Une bonne ancienne nommée Dame Morel qui n'étoit pas tant pour la reforme, fortit dans la cour toute en colere, & cherchant la Religieufe qui avoit coutume d'avoir les clefs, crioit tout haut: Quelle

* Voyez ce qui eft dit d'elle, dans la IV. Relation de la II. Partie,

1. RELAT. Quelle honte de ne pas ouvrir à M. Arnauld! & elle en murmuroit hautement. Il n'y avoit pas jufqu'à de pauvres femmes de journée qui écuroient dans la cour, qui n'en diffent leur fentiment, & qui ne condamnaffent l'ingratitude dè Madame de PortRoyal, qui traitoit fon pere de la forte, & encore un pere tel que M. Arnauld, qui étoit fi bon & qui faifoit du bien à tout le pays pour l'amour d'elle: ce qu'elles difoient, parce qu'en effet il avoit fait beaucoup de bien aux pauvres gens qu'il faifoit travailler à tout ce qui étoit utile à la Maifon, pour leur faire gagner leur vie.

Tout cela faifoit grand bruit; mais ne diminuoit rien de la conftance de la Mere. M. Arnauld voyant qu'il n'avançoit rien par toutes ces voies, commenca à dire qu'il vouloit donc qu'on lui rendît tout à l'heu re fes deux Filles qui étoient dans le Cou vent. Il parloit de la Mere Agnès & de feue ma Soeur Marie Claire qui n'étoit qu'un enfant de neuf ans.

2

La Mere Angelique comprit dans le mo ment fon deffein, qui étoit qu'ouvrant la porte pour faire fortir fes filles, il pretendoit entrer lui-même, & ainfi en venir à bout ou de gré ou de force. Mais elle fans fe troubler, & avec autant de presence d'efprit, que fi tout ce qui fe paffoit ne l'eût point touchée, donna la clef de la tite porte, qui étoit dans l'Eglife, à une Religieufe à qui elle fe fioit, & la chargea d'aller faire fortir fes deux foeurs par là: ce qui fut fait fi promptement, que M. Armauld fut tout furpris de les voir arriver a

pe

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