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pouvons les appliquer. J'en dis à-peuprès autant, quoiqu'avec les reftrictions convenables, des théorèmes mathématiques. Confidérés fans préjugé, ils fe réduisent à un affez petit nombre de vérités primitives. Qu'on examine une fuite de propofitions de Géométrie déduites les unes des autres, en forte que deux propofitions voisines se touchent immédiatement & fans aucun intervalle , on s'appercevra qu'elles ne font toutes que la premiere propofition qui fe défigure, pour ainfi dire, fucceffivement & peu-à-peu dans le paffage d'une conféquence à la fuivante, mais qui pourtant n'a point été réellement multipliée par cet enchaînement, & n'a fait que recevoir différentes formes. C'eft à-peu-près comme fi on vouloit exprimer cette propofition par le moyen d'une langue qui fe feroit infenfiblement dénaturée, & qu'on l'exprimât fucceffivement de diverses manieres , qui représentaffent les différens états par lefquels la langue a paffé. Chacun de ces états fe reconnoîtroit dans celui qui en feroit immédiatement voifin; mais dans un état plus éloigné, on ne le démêleroit plus, quoiqu'il fût

toujours dépendant de ceux qui l'auroient précédé, & destiné à tranfmettre les mêmes idées. On peut donc regarder l'enchaînement de plufieurs vérités géométriques, comme des traductions plus ou moins différentes & plus ou moins compliquées de la même propofition, & fouvent de la même hypothèfe. Ces traductions font au refte fort avantageufes par les divers ufages qu'elles nous mettent à portée de faire du théorème qu'elles expriment; ufages plus ou moins eftimables à proportion de leur importance & de leur étendue. Mais en convenant du mérite réel de la traduction mathématique d'une propofition, il faut reconnoître auffi que ce mérite réfide originairement dans la propofition même. C'eft ce qui doit nous faire fentir combien nous fommes redevables aux génies inventeurs, qui en découvrant quelqu'une de ces vérités fondamentales, fource, & pour ainfi dire, original d'un grand nombre d'autres ont réellement enrichi la Géométrie, & étendu fon domaine.

Il en eft de même des vérités phyfiques & des propriétés des corps dont nous appercevons la liaison. Toutes ces propriétés

propriétés bien rapprochées ne nous offrent, à proprement parler, qu'une connoiffance fimple & unique. Si d'autres en plus grand nombre font détachées pour nous, & forment des vérités différentes, c'est à la foibleffe de nos lumieres que nous devons ce trifte avantage; & l'on peut dire que notre abondance à cet égard eft l'effet de notre indigence même. Les corps électriques dans lefquels on a découvert tant de propriétés fingulieres, mais qui ne paroiffent pas tenir l'une tenir l'une à l'autre, l'autre, font peut-être en un fens les corps les moins connus, parce qu'ils paroiffent l'être davantage. Cette vertu qu'ils acquierent étant frottés d'attirer de petits corpufcules, & celle de produire dans les animaux une commotion violente, font deux chofes pour nous; c'en feroit une feule fi nous pouvions remonter à la premiere caufe. L'Univers, pour qui fauroit l'embraffer d'un feul point de vûe, ne feroit, s'il eft permis de le dire, qu'un fait unique & une grande vérité.

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Les différentes connoiffances, tant utiles qu'agréables, dont nous avons parlé jufqu'ici, & dont nos befoins ont été la premiere origine, ne font pas les Tome I.

C

feules que l'on ait dû cultiver. Il en eft d'autres qui leur font relatives, & auxquelles par cette raifon les hommes fe font appliqués dans le même tems qu'ils fe livroient aux premieres. Auffi nous aurions en même tems parlé de toutes, fi nous n'avions cru plus à propos & plus conforme à l'ordre philofophique de ce Difcours, d'envifager d'abord fans interruption l'étude générale que les hommes ont faite des corps, parce que cette étude eft celle par laquelle ils ont commencé, quoique d'autres s'y foient bientôt jointes. Voici à-peu-près dans quel ordre ces dernieres ont dû fe fuccéder.

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L'avantage que les hommes ont trouvé à étendre la fphere de leurs idées foit par leurs propres efforts, foit par le fecours de leurs femblables, leur a fait penfer qu'il feroit utile de réduire en art la maniere même d'acquérir des connoiffances, & celle de fe communiquer réciproquement leurs propres penfées; cet art a donc été trouvé, & nommé Logique. Il enfeigne à ranger les idées dans l'ordre le plus naturel, à en former la chaîne la plus immédiate à décompofer celles qui en renferment

un trop grand nombre de fimples, à les envisager par toutes leurs faces, enfin à les préfenter aux autres fous une forme qui les leur rende faciles à faifir. C'eft en cela que confifte cette fcience du raifonnement qu'on regarde avec raifon comme la clé de toutes nos connoiffances. Cependant il ne faut pas croire qu'elle tienne le premier rang dans l'ordre de l'invention. L'art de raifonner eft un préfent que la Nature fait d'elle-même aux bons efprits; & on peut dire que les livres qui en traitent ne font guere utiles qu'à celui qui fe peut paffer d'eux. On a fait un grand nombre de raifonnemens juftes, longtems avant que la Logique réduite en principes apprît à démêler les mauvais, ou même à les pallier quelquefois par une forme fubtile & trompeufe.

Cet art fi précieux de mettre dans les idées l'enchaînement convenable, & de faciliter en conféquence le paffage des unes aux autres, fournit en quelque maniere le moyen de rapprocher jufqu'à un certain point les hommes qui paroiffent différer le plus. En effet, toutes nos connoiffances fe réduifent primitivement à des fenfations, qui font

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