صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

La loi des 12-20 août 1790 charge l'administration de «rechercher et indiquer les moyens de procurer le libre cours des eaux, d'empêcher que les prairies ne soient inondées par la trop grande élévation des écluses des moulins, et par les autres ouvrages d'art établis sur les rivières; de diriger enfin, autant qu'il sera possible, toutes les eaux du territoire vers un but d'utilité générale, d'après les principes de l'irrigation. »

L'art. 16, tit. 2, de la loi du 6 octobre 28 septembre 1791 charge les directoires de département (les préfets) de fixer, sur l'avis des directoires de district (les sous-préfets), et de manière à ce que personne n'en éprouve aucun dommage, la hauteur à laquelle doivent être tenues les eaux des moulins et usines. Ainsi, c'est à l'administration qu'il appartient de régler souverainement l'usage des eaux courantes. Ses réglements généraux et locaux, ses concessions particulières peuvent donc être invoquées comme des titres, et comme la possession trentenaire équivaut à un titre, la jouissance annale doit faire présumer ce titre, et l'action possessoire est admissible de la part de celui qui justifie de cette jouissance.

III. Son action serait-elle recevable, alors même qu'on produirait contre lui un acte ou réglement administratif qui contrarierait sa possession?

Il faut, à notre avis, distinguer dans un réglement administratif les dispositions qui sont d'ordre public, celles, par exemple, qui déterminent la hauteur des eaux, et les dispositions qui concernent uniquement l'intérêt privé, par exemple, celles qui fixent les jours, les heures auxquels chaque usager devra prendre l'eau, la quantité dont il jouira, etc. Nul doute, quant aux premières, que la possession soit inutile. La cour de cassation a jugé, le 30 décembre 1826, que la hauteur des eaux pour le service des usines est hors du commerce, et rentre dans le domaine de l'administration; que, par conséquent, la possession d'un barrage, tendant à élever les eaux d'un cours d'eau pour le mouvement d'un moulin, n'était pas de nature à en faire acquérir la propriété, et ne pouvait servir de base à la complainte. S'il en est ainsi, en l'absence d'un réglement administratif, à plus forte raison doit-on décider de même, lorsque l'administration a déterminé une hauteur d'eau contraire à la possession alléguée.

Mais lorsque la possession n'est contredite par le réglement qu'en ce qui touche des dispositions d'intérêt privé, nous pensons que la complainte est recevable. Les usagers peuvent, en effet, convenir entre eux, et dans le cercle de

leurs intérêts privés, de tels arrangements qu'ils jugent convenables. Or, la possession annale fait présumer l'existence de ces stipulations particulières. Toutefois le juge saisi de la complainte doit s'abstenir de prononcer une maintenue contre les termes de l'acte administratif. Sa sentence ne peut avoir d'autre objet qu'une déclaration de possession avec dommages-intérêts, s'il y a lieu. C'est à la partie intéressée à se pourvoir administrativement pour obtenir la réformation du réglement.

IV. Nous avons dit que l'usage des eaux courantes était souverainement fixé par l'administration, en vertu de la règle générale posée dans l'art. 714 du Code civil, et des dispositions spéciales des lois de 1790 et 1791.

Ce principe n'est-il pas en contradiction avec la disposition de l'art. 644 du Code civil, qui porte : « Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l'art. 538, au titre de la Distinction des Biens, peut s'en servir à son passage pour l'irrigation de ses propriétés. Celui dont cette eau traverse l'héritage, peut même en user dans l'intervalle qu'elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire. »

Des auteurs graves et nombreux ont vu, dans cette disposition, la consécration d'un véritable droit de propriété au profit des riverains. Suivant eux, le lit du cours d'eau étant la propriété des riverains, il faut en dire autant du cours d'eau lui-même, qui n'est que l'accessoire du lit sur lequel il coule. C'est par application de ce droit d'accession qu'ont été écrites les dispositions de l'art. 644. L'administration, par ses réglements, n'exerce sur les eaux courantes qu'un simple droit de police, de surveillance, et si, par conséquent, elle autorise certains ouvrages dont l'existence empêche un riverain de profiter, quand il le voudra, du droit que lui confère l'art. 644, le concessionnaire pourra être traduit devant les tribunaux pour voir reconnaître les droits du riverain, et s'entendre condamner au paiement d'une indemnité. (Garnier, Régime des Eaux, part. 2, n° 195; Isambert, Traité de la Voirie, t. 1or; Daviel, Pratique des Cours d'eau.)

« L'administration publique, dit M. de Cormenin (t. 2, p. 45, note 1), n'intervient que dans l'intérêt général des riverains, de l'industrie, de la salubrité. Elle ne doit pas perdre de vue que les riverains des cours d'eau non navigables paient la contribution foncière dans le cadastre du sol du lit de la rivière, et que par conséquent ils en sont propriétaires; qu'ils ont de plus les charges fort dispendieuses du curage, et que par con

séquent ils doivent avoir les bénéfices, c'est-à-dire les pentes d'eau, la pêche et l'usage exclusif des eaux, la récolte des fruits et herbages jusqu'à l'eau et dans l'eau, l'interdiction du passage le long des rives, etc. »>

Que l'administration doive avoir égard à ces considérations, nul doute; mais si elle ne s'y arrête pas, le riverain pourrat-il se faire déclarer, par les tribunaux, propriétaire de la pente d'eau, et réclamer, à ce titre, une indemnité contre le concessionnaire ?

Nous ne le pensons pas. Un point nous paraît incontestable et péremptoire : c'est que la disposition de l'art. 714 du Code civil comprend les eaux courantes. A la vérité, cette disposition ne s'explique pas sur ce qu'on doit entendre par choses qui n'appartiennent à personne, et dont l'usage est commun à tous; mais le droit romain, l'ancienne jurisprudence ne laissent aucun doute à cet égard, et la généralité même de l'article prouve qu'on n'a voulu faire autre chose que reproduire les anciens principes.

Si les eaux courantes sont une propriété commune, d'après l'art. 714, comment seraient-elles, aux termes de l'art. 644, et dans un sens absolu, une propriété privative?

Si le droit d'en user est irrévocablement acquis, aux seules conditions fixées par la dernière de ces dispositions, comment la première renverrait-elle aux lois de police pour en régler souverainement l'usage?

D'un autre côté, comment concilier le droit général absolu donné à l'administration par les lois de 1790 et 1791, droit qui ne consiste pas seulement à surveiller les cours d'eau, mais encore à en disposer, à leur donner la direction qu'elle juge la plus convenable, avec ce droit de propriété privative qu'on prétend avoir été attribué aux riverains par l'art. 644? Nous croyons que la faculté ouverte aux riverains par la disposition précitée, ne peut être exercée qu'en l'absence de toute action contraire de la part de l'autorité administrative, que l'une est subordonnée à l'autre, et par conséquent éventuelle, conditionnelle.

Les eaux courantes n'appartiennent à personne; leur usage a été laissé en commun. C'est donc à la souveraineté, en tant qu'elle administre le pays, à en faire le meilleur emploi possible dans l'intérêt de tous, à en régler définitivement la distribution. Ce principe est absolu ; il domine dans tous les cas la faculté accordée aux riverains par l'art. 644.

La disposition de l'art. 645 vient à l'appui de notre opinion. Après avoir confié aux tribunaux le soin de régler, en véritables arbitres, l'exercice de la faculté concédée aux riverains,

elle ajoute : « Et dans tous les cas, les règlements particuliers et locaux sur le cours et l'usage des eaux, doivent être observés. » Ces réglements doivent passer avant tout; ils émanent de l'autorité qui a la disposition souveraine des eaux. Dès qu'ils existent, le réglement judiciaire qui a sa base dans le droit conditionnel de l'art. 644, et qui ne s'applique qu'aux intérêts en litige, n'a plus d'objet. L'office des juges se borne dès lors à appliquer purement et simplement l'acte administratif.

La question que nous venons d'examiner a été soumise à la cour de cassation, chambre des requêtes, qui l'a résolue dans notre sens par l'arrêt suivant:

«Attendu que la pente des cours d'eau non navigables ni flottables doit être rangée dans la classe des choses qui, suivant l'art. 714 du Code civil, n'appartiennent privativement à personne, dont l'usage est commun à tous, et réglé par des lois de police; Attendu que la prétention du demandeur d'une propriété absolue sur la pente du cours d'eau dont il s'agit, n'est appuyée sur aucune concession spéciale ou possession ancienne, ce qui pourrait seul modifier l'application de l'art. 714;

[ocr errors]

» Attendu, d'ailleurs, qu'aux termes des lois de 1790 et 1791 sur la matière, l'administration a droit d'autoriser les établissements d'usine sur les rivières navigables ou non navigables, et de fixer la hauteur des eaux; que si, par suite des mesures autorisées par l'administration, les riverains éprouvent quel que dommage, ils peuvent, même sans attaquer cet acte, réclamer des dommages-intérêts, et les réclamer devant les tribunaux; mais que, s'ils se plaignent que les établissements autorisés par l'administration ont diminué la hauteur des eaux qui traversent leurs propriétés, ou en ont rendu la pente plus ou moins rapide, cette réclamation, qui tend à faire révoquer ou modifier l'acte administratif, doit être portée devant l'autorité administrative; —Rejette. » (14 février 1833.)

Nous croyons devoir faire quelques observations sur cet important arrêt.

La courne parle que d'une possession ancienne, parce que le débat porté devant elle n'avait été élevé qu'au pétitoire, et qu'en pareil cas, le titre ou la possession trentenaire, équivalant au titre, peuvent seuls fonder une action. Mais, si la cause eût été agitée au possessoire, l'action n'eût certes pas été déclarée inadmissible, car, là où la possession trentenaire peut créer un titre de propriété, la possession annale donne toujours ouverture à la complainte. Cependant le bénéfice du jugement possessoire deviendrait inutile, si, traduit devant les juges du

pétitoire, le défendeur n'opposait à la concession administrative, titre de son adversaire, ni un titre contraire, c'est-àdire une concession antérieure, ni une jouissance de trente

ans.

Le second motif de l'arrêt exige aussi une explication. Lorsque l'administration fait une concession contraire à des droits acquis, les parties lésées peuvent appeler le concessionnaire devant les tribunaux pour y voir reconnaître leurs droits, et s'entendre condamner à des dommages-intérêts. Mais ce principe n'est vrai qu'autant qu'il s'agit de mesures prises par l'administration dans un intérêt purement privé, celui du concessionnaire. Si les innovations, les changements ordonnés touchent à un intérêt général, qu'ils profitent aux uns, nuisent aux autres, peu importe: il ne saurait y avoir là matière à des débats privés. Les uns et les autres ne font que subir les inconvénients ou mettre à profit les avantages qu'entraîne nécessairement avec elle la nature particulière de la chose dont ils jouissent. Or, la pensée de l'arrêt pouvait être que toutes les dispositions administratives, en ce qui concerne la hauteur des eaux, rentrent dans l'intérêt général dont nous parlons, et que, quelque favorables que puissent être ces dispositions à un particulier, comme elles sont, par elles-mêmes, inhérentes à un intérêt public, elles ne sauraient être l'occasion d'un débat privé dont le résultat tendrait à faire révoquer ou modifier un acte administratif, c'est-à-dire d'intérêt général.

V. De ce que nous venons de dire sur la nature et l'étendue des droits des riverains et de l'administration, il résulte que, pour jouir d'une prise d'eau ou d'une usine, il n'est pas indispensable d'être propriétaire riverain du cours d'eau. Mais l'administration ne disposant que de l'usage des eaux, et ses concessions n'impliquant jamais aucun droit sur la propriété d'autrui, si le concessionnaire n'obtient pas du riverain l'abandon des droits qui lui sont nécessaires pour jouir de la concession, celle-ci devient inutile. On doit, en effet, bien distinguer le cours d'eau considéré en lui-même, du terrain dans lequel il est encaissé. Le lit du cours d'eau est la propriété exclusive des riverains; il est présumé avoir été pris par égales portions sur leurs propriétés contiguës. (Article 561 du Code civil.)

VI. Ces principes une fois posés pour éclairer notre investigation dans les détails de l'action possessoire, venons aux spécialités.

On peut avoir à exercer des droits ou sur les eaux ou à l'occasion des eaux.

« السابقةمتابعة »