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inconvénient, je suis entrée dans les plus grands détails, et je n'ai omis aucune circonstance.

Je suis ravie de la continuation de protection que vous accorde M. le Cardinal, je viens de lui écrire pour l'en remercier; moyennant cela, ma Reine, quand j'aurai satisfait à ce que je me dois à moi-même en parlant à Mad. de Luynes, rien ne nous manquera, et vous pourrez faire vos paquets; mais avant que de partir, je vous demande en grâce de vous bien examiner, et d'abandonner le projet de venir auprès de moi, si vous n'avez pas parfaitement oublié qui vous êtes, et si vous n'êtes pas dans la résolution inébranlable de ne jamais penser à changer d'état. Je vous demande pardon de vous parler de choses si peu agréables, mais c'est pour n'y plus revenir jamais.

Adieu, ma Reine, j'attends votre réponse à cette lettre, je ne serois pas fâchée de la pouvoir montrer à Mad. de Luynes, s'il en étoit besoin.

Madame du Deffand à Mademoiselle de
Lespinasse.

Lundi, 8 Avril, 1754.

JE reçois dans le moment, ma reine, la réponse de Mad. de Luynes, elle est absolument telle que je la pouvois désirer, remplie de reconnoissance de ma confiance, de réflexions sur les inconvéniens où je m'expose, et d'intérêt et d'amité qui lui font désirer toutes les choses qui me conviennent ; j'espère, ma Reine que je n'aurai jamais à me repentir de ce que je fais pour vous, et que vous ne prendriez point le parti de venir auprès de moi, si vous ne vous étiez pas bien consultée vous-même, et si vous n'étiez pas bien décidée à ne faire jamais aucune tentative; vous ne savez que trop combien elles seroient inutiles, mais aujourd'hui, étant auprès de moi, elles deviendroient bien funestes pour vous; le chagrin qu'elles me causeroient vous attireroit de puissans ennemis, et vous vous trouveriez dans un abandon où il n'y auroit plus de ressource; cela dit, il ne ine

reste plus qu'à vous parler de la joie que j'aurai de vous voir, et de vivre avec vous; je vais écriretout l'heure à M. le Cardinal, pour le prier de vous faire partir tout le plus tôt qu'il lui sera possible. Faites en sorte qu'on ne sache votre départ que le jour même que vous partirez, mandez-moi le jour où il sera arrêté, et quand vous serez en route, faites partir une lettre de Châlons qui puisse m'apprendre que vous êtes en chemin, pour que je puisse savoir le jour de votre arrivée, et que je me fasse le mérite auprès des Vaubans de leur en faire confidence.

Adieu, ma Reine, faites vos paquets, et venez faire le bonheur et la consolation de ma vie, il ne tiendra pas à moi, que cela ne soit bien réciproque.

Mademoiselle de Lespinasse à Madame la Marquise du Deffand, à Montmorenci.

Vendredi, neuf heures.

ENFIN, Madame, j'ai eu de vos nouvelles et quoiqu'il soit assez simple que je n'en aie reçu qu'aujourd'hui, j'étois prête à me plaindre de ce que vous me faisiez souffrir une privation qui m'étoit aussi sensible. Si vous pouviez juger de tout ce que votre absence ne coûte, cela me vaudroit sinon un second baptême, du moins une second agonie. Il est singulier, mais il est pourtant vrai, que c'est un des momens le plus heureux de ma vie que celui de cette agonie, puisque j'ai le bonheur de vous convaincre de la tendresse et de la sincérité de mon attachement. C'est ce même sentiment qui fait que j'apprends avec chagrin que vous ne vous portez pas mieux que quand vous êtes partie; mais, Madame, êtes-vous de bien bonne foi avec vous-même, quand vous dites que vous n'avez rien à vous reprocher? non, sans doute vous ne mangez point trop, peut-être même pas

assez, mais ne pourroit-on point trouver à redire à l'espèce et la qualité des choses dont vous mangez? Je vous avoue que je le crains, et je vous assure que c'est après avoir mieux examiné que cet homme qui faisait des représentations à M. le Président. Je suis bien flattée, Madame, et encore plus touchée, s'il est possible, de la bonté et de l'amitié dont votre lettre est remplie; vous m'avez fait sentir que la santé n'est pas le premier bien, car s'il est vrai, comme vous voulez bien me le dire, que mon absence vous ait été un peu pénible, j'ai un vrai regret de ne vous l'avoir pas sacrifié, mais assurément j'aurois été désolée d'avoir pris aujourd'hui des pillules à Montmorenci; jamais je n'en ai été aussi fatiguée, et aussi malade. Je ne suis pas sortie de ma chambre, et si je ne suis pas mieux demain, je ne sortirai pas de mon lit, quoique je sois priée à souper chez M. de Boufflers. J'ai l'honneur de vous souhaiter le bon soir, Madame, Dieu veuille que votre nuit soit meilleure que la dernière.

J'ai envoyé Cassandre à M. de Clermont; j'ai donné vos ordres à M. Deschamps; non-seulement je ne vous manderai point de nouvelles, mais je ne sais pas même s'il y en a on conte une belle histoire d'un chat et d'un savetier de

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