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devroit le plus les rassurer, et rien ne devroit plus les alarmer que son séjour à Lyon. Peutêtre penserez-vous, Madame, que je ferois mieux de prendre quelque autre personne, et d'éviter par là toutes sortes de dissentions, mais ce n'est point un domestique que je prens, c'est une compagne que je cherche, et vous savez qu'il n'est pas facile en ce genre de trouver ce qui convient. J'avoue qu'il sera fâcheux pour moi de déplaire à mes parens, mais après leur avoir donné autant de marques d'amitié, s'ils manquent de complaisance et d'égard dans une occasion qui m'est aussi essentielle, et où ils ne mettent que de l'humeur, je crois pouvoir m'en tenir quitte envers eux à mon tour. Toute la province rendra témoignage de mes attentions pour eux, que je me louois de tout, que je me conformois à tous leurs usages, que loin de causer de l'embarras dans la maison, mes domestiques leur étoient plus utiles que les leurs. Enfin, Madame, ce qui doit vous prouver combien ils étoient contens de moi, et combien ils comptoient sur mon amitié, c'est la bonne grâce et le plaisir avec lesquels ils ont reçu les petits présens que j'étois à portée de leur faire. Si aujourd'hui le mécontentement de me voir prendre cette fille leur faisoit ou

blier mes bons procédés, et s'ils s'échappoient, Madame, à vous en écrire, je vous prierois alors de chercher à démêler la vérité, en prenant des informations des gens de la province: il ne sortira jamais de ma bouche, fût-ce même pour avoir raison, aucune parole qui puisse leur être contraire; je ne veux point avoir à me faire le reproche que le voyage que j'ai fait chez eux puisse jamais leur nuire; il est vrai que je leur déplairai en prenant cette fille, mais je ne fais que choquer une fantaisie, pour me procurer un bonheur essentiel, et en vérité il n'y pas de proportion.

Voilà, Madame, le fond de mon âme: vous m'aimez, je suis malheureuse, et vous êtes aussi compatissante, que vous êtes juste. Je n'ajouterai rien à cet énorme volume, sinon mille pardons de l'ennui qu'il vous a causé. Je remets à un autre jour les assurances de mon tendre et respectueux attachement.

Madame la Duchesse de Luynes à Madame du

Deffand.

Versailles, 7, Avril, 1754.

JE sens, Madame, avec la plus sensible reconnoissance les nouvelles preuves de votre confiance et de votre amitié, dans la consultation que vous voulez bien me faire, et dont il n'y a que votre cœur qui en ait besoin; j'ai raisonné de vos projets avec le Président et M. de Macon, étant tous trois dans les mêmes sentimens pour vous, et le même désir de votre bonheur, et de tout ce qui peut soulager votre état, ainsi personne ne peut mieux que vous décider de quelle utilité, et de quelle ressource vous sera cette compagnie; je sais en général qu'il y a beaucoup d'inconvéniens à s'attacher une complaisante, les commencemens en sont d'ordinaire merveilleux, mais souvent l'ennui et le dégoût viennent; d'abord on le dissimule, et puis il se fait sentir avec amertume; j'en ai vu un exemple bien sensible entre Mesdames de Tourbes et de Vildre, qui

étoient même d'une espèce bien plus considérable. Enfin vous y ferez vos réflexions; si l'établissement de Mademoiselle de Lespinasse étoit dans un couvent d'où vous l'enverriez chercher souvent, et même passer quelquefois plusieurs jours avec vous, cela seroit différent, parce que sans embarras vous seriez la maîtresse d'augmenter, ou de diminuer votre liaison autant, et si peu qu'il vous plairoit. A l'égard de la répugnance que Monsieur votre frère, et Mad. votre belle-sœur paroissent avoir à votre projet sur cela, comme vous ne m'en mandez pas les raisons, je n'en imagine qu'une de bonne, c'est la crainte que dans Paris elle ne trouve des conseils, et des ressources pour se donner un état, et il ne faut pas se flatter que tout ce que vous pourriez dire, ni votre colère, ni votre indignation pût l'arrêter un moment; ce seroit un si grand avantage pour elle que rien ne la pourroit engager à le sacrifier, et vous seriez bien fâchée d'y avoir contribué en la faisant valoir, et lui ayant donné des amis qui pourroient la protéger dans cette entreprise, dont vous savez qu'il y a plusieurs exemples: d'un autre côté, si vous croyez qu'en vous l'attachant ce soit une barrière insurmontable à cette idée, c'est peut-être un service que vous

rendez à votre famille, cela peut-être utile. C'est à vous à bien peser toutes ces raisons. M. et Mad. de Vichy ne m'ont rien mandé sur cela, quoique j'aie eu de leurs nouvelles ces jours-ci; ainsi j'en conclus que cela ne leur tient pas trop à cœur. Voilà, ma chère nièce, des réflexions que j'ai cru devoir vous exposer pour répondre à votre confiance, ne souhaitant d'ailleurs que tout ce qui peut adoucir votre état et vous rendre heureuse, c'est l'objet des vœux d'un cœur qui vous est très-tendrement attaché.

Madame du Deffand à Madame la Duchesse de Luynes.

8 Avril, 1754.

Il n'y a point de malheur, Madame, dont vos bontés et votre amitié ne puissent me consoler; je l'éprouve dans l'instant, par le plaisir infini que m'a fait votre lettre; si je n'avois pas la ́ crainte de rendre celle-ci trop longue, je me laisserois aller aux épanchemens de mon cœur, et de ma reconnoissance, mais vous n'en sauriez douter, et je dois vous épargner l'ennui d'un second volume.

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