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LETTRE XIX.

Dimanche, 4 Janvier, 1767.

Aи! ne vous épuisez plus en imprécations contre l'amitié; pourquoi me rappeller sans cesse tout ce que vous m'avez dit et écrit qui pouvoit me détourner d'en prendre pour vous ? que vous importe ce que je pense quand vous êtes libre de penser ce que vous voulez? C'est, dites vous, la peur que je ne me rende malheureuse; c'est une précaution que vous prenez pour moi dans le genre de celle de Gribouille, qui se jettoit dans l'eau de peur de la pluie'.

J'aurois des choses infinies à vous raconter, qui selon toute vraisemblance (si vous étiez fait comme un autre) devroient vous être fort agréables, mais on ne sait sur quel pied danser avec vous ; ainsi j'ai résolu de remettre à vous dire à vous-même, quand je vous reverrai, toutes ces sortes de choses: je ne veux rien hazarder dans mes lettres.

Je suis persuadée que vous n'êtes point content de votre portrait; quand je serai en humeur j'y retoucherai je retrancherai d'abord tout ce qui peut avoir rapport à moi, parcequ'en effet cela le gâte, et que cela est très ridicule; excepté cela, je n'y ferai aucun changement: vous pouvez ne vous y pas reconnoitre, mais c'est ainsi que je vous vois.

Vous recevrez dans le paquet que vous portera Mr. Selwyn le portrait de la grand-maman2; j'imagine que vous en serez content, quoique je n'aie point un stile original comme vous: ce que j'écris est sans feu et sans vie, mon stile sent l'imitation; s'il est assez correct, dont je doute fort, il est lâche et froid, je le sai bien; c'est ce qui vous déplait souverainement, et vous avez raison. N'allez pas croire que je quête des louanges; je n'en veux de vous .moins que de personne. Vous me combleriez de plaisir si vous preniez la peine de faire de moi un portrait à la rigueur. Pourquoi, quand vous êtes seul à Strawberry-hill, n'au

(2) The portrait of the Duchesse de Choiseul. See the fourth volume of this collection.

ricz-vous pas cette complaisance? N'allez pas me faire un crime de cette demande.

J'ai quelque petit chagrin de voir partir Mr. Selwyn; je ne l'ai pas vu fort souvent; je le trouve assez aimable; il est malin, mais je ne le crois pas méchant. Je n'ai encore vu qu'une fois Milady S-; elle ne partira que dans trois semaines ou un mois; elle me paroit aimable, mais elle est bien jeune ; j'ai vu d'avantage l'Ambassadrice: elle a beaucoup de babil et de politesse; je n'ai eu nulle conversation avec l'Ambassadeur; ils logent tout auprès de chez moi, et vraisemblablement je les verrai assez souvent.

Je vous prie de me mander si vous avez connoissance d'une brochure en deux volumes, qui a pour titre, "Testament du Chevalier Robert Walpole; il y a au commencement vingt ou trente lettres de monsieur votre père; mon opinion est qu'elles sont de lui, mais qu'il y en

(3)

Young Viscountess Rochford: Lord Rochford was then Ambassador from England to France.

(4) This was a Forgery composed at Paris, to which Mr. Walpole wrote an answer under the title of Detection of a late Forgery, &c. &c. published in the 2d vol. of the 4to. edition of his works.

a deux ou trois de falsifiées, et que le com mencement du testament est aussi de lui: je mettrai cette brochure dans le paquet que vous portera Mr. Selwyn; j'y joindrai les mémoires du procès de la Chalotais, votre traduction des Patagons, et les lettres de Mad. de Sévigné sur Mr. Fouquet, que j'ai fait copier, n'ayant pas pu en trouver un exemplaire imprimé. Mandez moi si vous voulez Le Philosophe Ignorant de Voltaire; je vous l'enverrai par Milady S-; enfin, chargez moi de toutes vos commissions; cela ne tire à aucune conséquence.

(5) The Chevalier Redmond, an Irish Officer in the French service, had translated Mr. Walpole's letter upon the Patagonians, published in the 2d vol. of the 4to. edition of his works.

(6) Mr. Walpole had been told that Mad. de Sévigné had written an account of the trial of Fouquet; Mad. du Deffand had replied to him :

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Il n'y a point de procès de Mr. Fouquet par Mad, "de Sévigné, mais il y a une petite brochure de quelqu'unes de ses lettres où il en est question.” These letters, addresed to Mr.de Pomponne, have since been published in Grouvelle's edition of Mad. de Sévigné's Letters, Paris, 1806.

LETTRE XX.

Dimanche matin, 18 Janvier, 1767.

ENFIN Mr. Selwyn part aujourd'hui à midi, chargé de deux paquets pour vous; il prétend qu'il sera vendredi à Londres, et qu'il vous les' remettra le même jour.

Je prie le bon Dieu de vous mettre dans une disposition favorable, et de vous rendre un lecteur bénévole; vous verrez du moins qu'il n'est pas impossible, et qu'il est même très facile d'écrire, quoiqu'il semble qu'on manque de sujet; il n'y a qu'à se laisser aller à dire tout ce qui passe par la tête.

Ah, mon Dieu, que la tête de ce pauvre Président est en mauvais état! Je viens de recevoir un billet de sa propre main, dans lequel il me raconte une chute qu'il fit hier dans sa chambre dont il m'avoit fait lui-même le récit hier au soir; il n'a plus du tout de mémoire; cela me serre le cœur, et me dégoute bien de la vie. Peut on désirer de vieillir? Mais parlons d'autres choses.

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